2ème partie Au moment où le président de la République entame les auditions de plusieurs ministres pour évaluer leurs bilans, je juge utile de livrer quelques pistes de réflexion. En effet , face aux données officielles sur la situation de l'économie algérienne, annoncées lors de la séance de l'audience par le président de la République au ministre des Finances le 15 août 2010 (reproduit par l'Organe officiel APS le 16 aout 2010), l'objet de cette contribution est de se poser la question suivante : quelle est le bilan réel de l'économie algérienne , un chiffre devant être interprété dans son véritable contexte , surtout avec l'effritement du système d'information en Algérie, les déclaration de responsables aux plus hauts niveaux, se contredisant en termes de tests de cohérence et ce afin d‘éviter des interprétations biaisées qui peuvent conduire à des politiques socio- économiques erronées, la Nation à des pertes de plusieurs milliards de dollars ? IV- un exemple de la non maitrise du projet : la gestion de la route Est/Ouest Prenons l'exemple de la route Est/Ouest, mais dont les anomalies touchent presque tous les secteurs dont le descriptif technique est le suivant : Linéaire: 1216 Km. - Profil en travers: 2x3 voies. - Vitesse de base: 100 à 120 Km/h. - Nombre d'échangeurs: 60 échangeurs environ (avec option de péage). - 24 Wilayas desservies. - Equipements: Aires de repos, Stations service, Relais routiers et Centres d'entretien et d'exploitation de l'autoroute. L'autoroute Est-ouest ne modifiera pas le paysage routier national, puisqu'elle va pour l'essentiel suivre le tracé des nationales 4 et 5, qui rallient Alger à Oran et Alger à Constantine. En revanche, elle risque de bouleverser la vie économique des 19 wilayas directement traversées et des 24 desservies. Dans un pays où 85% des échanges commerciaux s'effectuent par la route, l'impact risque de se faire sentir rapidement. Onze tunnels devaient être percés sur deux fois trois voies et 390 ouvrages d'art réalisés, dont 25 viaducs, pour joindre les frontières tunisienne, à l'Est, et marocaine, à l'Ouest, et réaliser l'autoroute trans-maghrébine. Deux groupements chinois et japonais ont remporté le marché de l'autoroute Est-ouest algérienne, le plus grand chantier de l'histoire du pays sur 1216 Km de bitumes. Le groupement CITIC-CRCC chinois avait des contrats de 5,2 milliards de dollars signés au printemps 2006, pour la réalisation des tronçons Ouest (399 km) et Centre (169 km). Mais a été exigée par la suite une rallonge de 650 millions de dollars. Le groupement chinois a en effet proposé en mars 2007 une autre solution pour la chaussée que celle prévue par le cahier des charges. Il s'agit du «bitume modifié», largement utilisé dans les pays développés. Alors que selon certains experts, dans les cas les plus limites «le recours à l'enrobé, à module élevé provoque 10 à 15% de coûts supplémentaires ». Ainsi, le coût de réalisation de cet important projet autoroutier est estimé officiellement à plus de 11 milliards de dollars sans les annexes, établi suite à une analyse technique et financière réalisée par un bureau d'études canadien qui accompagne l'ANA, ayant été approuvé par la commission nationale des marchés publics. Sur les 827 milliards de dinars attribués au projet, 376 milliards sont destinés au lot Est, 192 milliards au lot Centre et 259 milliards au lot Ouest». Le coût du kilomètre provisoire fin 2009 serait ainsi estimé à 9,95 millions d'euros (environ 955,2 millions de dinars) le km», sous réserve que n'existent pas d'autres réévaluations. Car, selon certains experts, l'autoroute Est-Ouest devrait coûter entre 13,5 milliards et 15 milliards de dollars avec toutes les annexes contre une prévision initiale d'environ 7 milliards de dollars. Et qu'en sera-t-il du nouveau programme alloué de l'ordre de 3100 milliards de dinars ( 41 milliards de dollars) au titre du plan sectoriel quinquennal 2010-2014 devant distinguer la part devises et la part dinars ? En effet, à ce montant il faudra ajouter les équipements annexes dont le programme d'équipement n'a reçu son budget qu'en 2010 Et ce suite à de nombreux observateurs, en sus des automobilistes, qui s'étonnaient de voir un tel mégaprojet livré parcimonieusement et de surcroît dépourvu d'équipements annexes comme les aires de repos, les stations-service et les stations de péage. « Ce programme est inscrit dans le cadre du programme quinquennal 2010-2014. Le programme d'équipement, en cours d'exécution, consiste en la réalisation de 42 stations-service, 76 aires de repos (motels, aires de stationnement, aires de jeux…), 57 gares de péage, 70 échangeurs et 22 postes de garde de la Gendarmerie et autant de points de garde de la Protection civile. Dans un premier temps, un programme d'urgence, confié à Naftal, vise la réalisation de 14 stations-service sur les tronçons de l'autoroute livrés à la circulation. «une bonne partie, soit 70% des équipements, serait réceptionnée avant fin 2010. Il convient pour se faire une idée des surcouts de donner quelques ratios internationaux. Sans compter qu'une route s'entretient quelle sera le cout du péage et que selon les responsables du ministère des Travaux publics, il sera pris en compte, dans le calcul du prix du péage, la qualité du service, les investissements consentis, le pouvoir d'achat des citoyens et le trajet moyen de circulation et qu'environ 80% du péage, seront assumés par les poids lourds, il est intéressant de livrer quelques comparaisons internationales. Encore que pour des comparaisons fiables, il faut éviter des comparaisons hasardeuses. En Algérie, tous les facteurs sont favorables. La main d'œuvre est au moins 10 fois moins chère qu'en Europe, il n'y a relativement presque pas d'intempéries, les matériaux utilisés en grande quantité, les agrégats (tuf, sables et graviers) ne coûtent pratiquement que leurs frais d'extraction et le concassage, le carburant est 5 à 7 fois moins cher, les loyers, l'électricité et le gaz aussi, les occupations temporaires de terrains qui coûtent des fortunes en Europe ne sont même pas payantes en Algérie, lorsqu'il s'agit de terrains relevant du domaine public. Mais il y a des problèmes administratifs de procédures et autres (expropriations, démolitions, etc.) qui vont entraîner des retards. A titre d'exemple, le rapport officiel de la documentation française pour 2006, sur une route à deux voies donne une moyenne de 5,4 million d'euros au km hors taxes soit 540 millions de dinars au cours officiel actuel 1 euro environ 100 dinars Cela n'étant qu'une moyenne, car en affinant, l'on constate selon les régions, une moyenne fluctuant entre 3,6 et 6 millions d'euros hors taxes dans un environnement non contraint et une moyenne fluctuant entre 4,9 et 7,6 dans un environnement contraignant. Pour l'Europe existe selon une intéressante étude de la direction des routes danoises ( 2006) d'importantes disparités en moyenne générale ( contraints et non contraints) . D'une manière générale nous n'avons pas une uniformisation selon cette étude fouillée. Ainsi, l'Espagne, le Portugal, le Danemark, la Suède le coût au kilomètre est de 2/3 millions d'euros construit, la France et l'Allemagne se situant dans une fourchette intermédiaire 4/6 millions d'euros pour le km (selon le contraint ou le nom contraint en fonction ou pas des ouvrages d'art). Autre exemples, le projet de la route Koudougou-Dédougou longue de 130 km (construction et bitumage) a été estimé à 32 milliards de francs CFA, (arrimage du franc CFA à l'euro depuis le 01 janvier 1999, 1 euro = 655,957 F CFA) et l'autoroute Marrakech/ Agadir qui traverse le Haut Atlas de Nord au Sud dont la construction a été concédée à 2,7 million dollars par km. Pourquoi donc le cout de la route Est/Ouest dépassera 9 millions d'euros et donc plus de 10 millions de dollars le km. Le problème est posé et cela concerne tous les projets sectoriels. C'est que le guide de management des grands projets d'infrastructures économiques et sociales élaboré par la Caisse nationale d'équipement pour le développement (CNED) avec les décrets courant 2010, sur le contrôle financier et la dépense d'équipement, stipulant que toutes les études de maturation des projets devront être validées par la CNED, avant le lancement des projets, et la soumission de toute réévaluation des projets au delà de 15%, à l'aval du Conseil des ministres, contribuera – il –affiner l'action des pouvoirs publics en matière d'efficience des dépenses publiques ?. Mais qu'en sera-t-il sur le terrain, car ces orientation et textes le sont en intention, car les pratiques contredisent souvent les textes juridiques si louables soient- ils. Un contrôle doit être global : il doit concerner l'ensemble de la société supposant être des un Etat de droit et des mécanismes démocratiques , la réhabilitation du contrôle du parlement , de la Cour des comptes , l'Inspection générale des Finances dépendant du ministre des Fiances a un impact limité, car relevant de l'exécutif, Sans une gouvernance rénovée , une visibilité et cohérence de la politique socio-économique supposant l'intégration de la sphère informelle produit du dysfonctionnement des appareils de l'Etat, produisant la corruption, le contrôle budgétaire sera un vœux pieux avec un impact limité. Et comment ne pas rappeler le bilan fin juillet 2010 de l'ANDI, les déclarations d'investissement local, ont nettement augmenté ces trois dernières années en Algérie, passant de 11.000 projets en 2007, à 17.000 en 2008, pour enfin atteindre le chiffre de 20.000 en 2009 mais avec 1% seulement d'IDE. Ces données sont en termes d'intentions de projets et non de réalisation en termes de projets réalisés qui arrivent à maturation, qui tourneraient à moins de 30% avec la dominance des transports (60%) et du BTPH (18 %) du total. Le problème essentiel stratégique posant la problématique de la sécurité nationale, sachant que selon la majorité des experts internationaux et nationaux, il y aura épuisement des réserves des Hydrocarbures entre 15/20 ans en termes de rentabilité financière, (pouvant découvrir des milliers de gisements, mais non rentables évoluant dans le cadre de la concurrence internationale), ces dépenses publiques sans précédent depuis l'indépendance politique, préparent –t- elles véritablement l'après Hydrocarbures et l'Algérie à relever les défis nombreux du fait de nombreux retards accumulés dans la réforme globale, face aux nouvelles mutations mondiales ? Il s'agit de ne pas se tromper de cibles. D'où l'urgence d'un large débat national sans exclusive, loin des appareils d'Etat, sur l'avenir de l'économie algérienne. (1) Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert international professeur d'Université en management stratégique