2ème partie et fin La Faculté des Sciences économiques, des Sciences de gestion et des Sciences commerciales de l'Université d'Oran, a fait soutenir un travail de recherche approfondi mettant en relief différentes expériences historiques( pays développés et pays en transition), en comparaison avec l'expérience récente algérienne qui peut être utile pour les décideurs du pays, mémoire de magister de Mademoiselle Amina MOKRETAR AROUSSI, avec succès en ce début de novembre 2010, intitulé «Bilan, difficultés et perspectives de la privatisation des entreprises publiques », que j'ai eu l'honneur de diriger et d'encadrer, avec mon collègue et je puis dire avec fierté que mon ancien étudiant (l'élève pouvant souvent dépasser son maître). 2- Une stratégie claire de la privatisation comme facteur de développement Il ne s'agit pas d'avoir une vision négativiste vis à vis des entreprises publiques qui évoluent dans un environnement concurrentiel (voir les travaux d'A. Mebtoul sur l'Algérie et de D. Labaronne sur les pays de l'Est en transition). Mais force est de reconnaitre que le grand problème en Algérie reste le secteur industriel, notamment public. Ce n'est pas une question de finances qui empêche son évolution du fait que le budget algérien, lui a consacré plus de 40 milliards de dollars entre 1991/2009 avec des résultats mitigés, une fraction des entreprises publiques produisant, en effet, en permanence des déficits entraînant dans leur sillage les banques qui restent malades de leurs clients ayant nécessité plusieurs milliards de dollars de recapitalisation des banques. L'absence de discipline imposée aux entreprises publiques par la concurrence dans le cadre des marchés ouverts, a engendré des effets graves : niveau artificiel des prix dictés par l'administration ; excédents d'effectifs: les employés n'étant pas rémunérés en fonction de leur performance, cela induit le désintéressement, la mauvaise qualité et la faiblesse de la productivité du travail et de compétitivité : dès lors, se pose un problème important: doit-on maintenir sous perfusion ces unités en alimentant l'inflation ou les fermer entraînant un chômage croissant ? Il y a lieu de ne pas confondre démonopolisation avec la privatisation qui à la lumière des expériences historiques, peut être défini soit comme un transfert partiel, ou total vers la propriété privée, ou un transfert du management et comme restructuration globale de l'économie évitant la vision micro-statique de restructuration industrielle, pouvant toucher certes l'industrie, mais également, l'agriculture, les banques, les services et certains segments dits biens publics, où est introduit la mixité. Elle est complémentaire à la démonopolisation qui impulse des segments nouveaux des secteurs privés réduisant ainsi dans le temps la part du secteur public. La question qui se pose est la suivante : la privatisation s'assimilerait t –elle à un simple transfert de propriété ou n'est –elle pas l'instrument privilégié de la restructuration de l'outil de production, permettant l'accroissement de la valeur ajoutée interne dans le cadre d'une libéralisation maîtrisée ? Comme toute comparaison doit être replacée dans son contexte historique évitant de comparer la mixité algérienne avec une mixité de l'économie occidentale qui est dominée par le mode de gestion privée dans un environnement concurrentiel, l'Algérie souffrant du monopole bureaucratique. Il s'agit pour rendre opérationnel ce processus complexe éminemment politique d'avoir une vision systémique inséparable de la politique socio-économique d'ensemble. C'est dans ce contexte que la réussite de ce processus complexe implique de tenir compte tant de l'environnement national qu'international. Sur le plan interne, l'on peut invoquer trois facteurs fondamentaux, afin de dynamiser ce processus. Premièrement, les relations entre la privatisation et le système fiscal. La fiscalité applicable aux revenus de l'épargne investie en actions et en obligations est un critère essentiel pour tout investisseur national ou étranger. Ceci vise la fiscalité des dividendes et des revenus d'obligation, le régime fiscal applicable aux plus et moins values sur cessions de titres, le taux d'une éventuelle retenue à la source sur les revenus des actions et obligations. Deuxièmement la relation entre la privatisation et le système douanier. Tout pays a pour souci constant de préserver et protéger sa production nationale, tout en laissant la libre concurrence se développer. Le problème peut résider dans le degré de loyauté d'une telle concurrence. Dans ce cadre le système douanier joue un rôle central à travers les droits de douane applicables à telle ou telle importation. L'exemple le plus typique est celui où les taxes douanières applicables à un produit fini sont plus faibles que celles frappant les contrats composant ce produit fini. La fluidité du système douanier est un facteur déterminant dans la prise de décision d'un investisseur et cela est lié à une bonne gestion des aéroports et ports. La mauvaise gestion des ports algériens génère des surcoûts considérables qui se répercutent sur le Trésor public et les consommateurs. En 2009, selon les statistiques douanières, l'Algérie a payé aux partenaires étrangers 750 millions de dollars de surestaries sous forme de remboursements des coûts supplémentaires sur les bateaux qui restent en rade au niveau des ports algériens. Troisièmement, les relations entre la privatisation et les investissements nouveaux. C'est que dans une économie de marché véritable, il n'existe pas de code d'investissement, le marché étant l'élément de régulation à travers la Bourse des valeurs. Cependant dans les économies en transition, un code des investissements favorable tant aux investisseurs nationaux qu'étrangers existe, afin de rendre le pays attractif à ces investisseurs et de leur assurer une stabilité dans le temps des avantages, notamment fiscaux, qui peuvent être à l'origine de leurs décisions d'investissement dans ce pays. Ce code des investissements doit être connecté avec la législation et les règles régissant le processus de privatisation. Faute d'une telle connexion, tout investisseur mettra en concurrence les avantages liés au code des investissements s'il réalise un projet neuf comparativement à l'acquisition d'un investissement de même nature à travers le processus de privatisation. Dans la plupart des pays qui ont engagé avec succès la privatisation, il y a eu décote d'environ 20 % par rapport à la valeur déterminée, (en comparaison à des projets neufs) pour attirer les investisseurs nationaux, internationaux. En fait, la réussite de ce processus complexe est conditionnée par une nette volonté politique de libéralisation, afin de déterminer qui a le pouvoir de demander l'engagement d'une opération de privatisation ; de préparer la transaction ; d'organiser la sélection de l'acquéreur ; d'autoriser la conclusion de l'opération ; de signer les accords pertinents et de mettre en œuvre les accords et s'assurer de leur bonne exécution. Afin de lever les contraintes, je recense plusieurs facteurs de réussite : nécessité de la définition de l'entité à privatiser, posant la problématique des filialisations opérées devant éviter la logique administrative (primat de l ‘offre), alors que c'est la logique du marché qui est le guide directeur ; la délimitation précise de la propriété réelle , posant le problème des titres de propriété, existant des différences entre la valeur inscrite dans le bilan et la superficie accaparée par l'entreprise, induisant en erreur certains acheteurs plus intéressés par la valeur du terrain surtout dans les grandes agglomérations que par la valeur réelle des actifs de l'entreprise ; la résolution de l'endettement tant externe qu'interne face aux fluctuations monétaires et des taux d'intérêts et la spécification de l'organisme chargé du suivi de la partie rééchelonnable, lorsque existent des dettes tant au niveau intérieur qu'extérieur, pour ce dernier cas, posant la problématique des fluctuations du taux de change , le repreneur remboursant en dinars ;la préparation de l'entreprise à la privatisation c'est-à-dire l'intégration de la dimension du dialogue social et politique ; la privatisation est un processus politique géré par le Gouvernement et s'agissant d'un programme politique il importe que celui ci soit soutenu non seulement par les groupes directement affectés, mais également par la population en général. D'où l'importance de la transparence la plus totale de cette opération complexe et délicate, la cohérence dans sa démarche par une communication active et enfin le pragmatisme tenant compte tant des expériences historiques que de la réalité sociale algérienne ; l'allégement des long circuits bureaucratiques du fait du nombres importants d'organes prévus alors que le temps c'est de l'argent, afin d'éviter le dépérissement des actifs entre le moment de la décision de privatiser et l'acte final de transfert de propriété. Il ya lieu donc lieu de tenir compte de ces facteurs déterminants, la privatisation n'étant pas une technique neutre, mais ayant des incidences économiques, sociales et politiques, car déplaçant des segments de pouvoir. Les gagnants de demain ne sont pas forcément ceux d'aujourd'hui d'où des résistances naturelles des forces sociales rentières. Comme il y a lieu d'être attentif à la concurrence internationale, existant un marché mondial de la privatisation et il est utopique et incorrect de parler de privatisation partielle et totale en donnant naissance à des structures administratives qui se télescopent, ce qui entretient la confusion, comme dans les années passées. La règle d'or est d'éviter d'attribuer à différents organes des compétences concurrentes sous peine de voir adopter des politiques ou approches contradictoires, où de se trouver face à d'interminables marchandages bureaucratiques ou luttes de pouvoir, qui porteraient préjudice à la crédibilité du programme de privatisation. Conclusion : l'Algérie doit s'adapter aux mutations mondiales L'économie algérienne face aux nouvelles contraintes, tant internationales qu'internes a t- elle la possibilité de modifier le régime de croissance pour atteindre un double objectif, aujourd'hui apparemment contradictoire : d'une part, créer les emplois nécessaires productifs, d'autre part, améliorer la compétitivité internationale. C'est qu'au cours de son histoire moderne, entre 1963/2010, l' Algérie a connu nombre de transformations et de changements structurels fondamentaux, du socialisme spécifique (1965/1979), puis à une phase d'économie de marché spécifique, (1980/2007), puis depuis 2008/2009 à une volonté de retourner au tout Etat gestionnaire, en restreignant les libertés économiques, l'Etat voulant tout régenter, limiter l'autonomie des entreprises publiques, nommer, soumette le secteur privé local à sa propre logique et limiter le secteur privé international avec une vision bureaucratique (juridisme) de peu d'efficacité. Or, l‘objectif stratégique pour relancer la machine économique passe par un management rénové, plus de libertés pour les opérateurs publics et privés locaux et pour les étrangers, encourager tout investissement devant reposer sur une balance devises positive, un apport managérial et technologique et non limiter l'investissement étranger à partir des critères juridiques peu efficaces. Cela implique de dépasser la logique rentière actuelle, qui entretient des relations dialectiques avec la sphère informelle contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation avec des Institutions et une intermédiation financière informelle, à partir d'une autre gouvernance, consistant à démocratiser la décision économique et politique. C'est dans cette optique, qu'il s'agit d'avoir une vision d'ensemble que je qualifierai de stratégie d'adaptation puisque, que l'on ne peut pas parler scientifiquement de stratégie au sens strict pour un pays dont la majeure partie de la consommation tant intermédiaire que finale, est importée et qui reste tributaire d'une seule ressource, les Hydrocarbures dont la fixation des cours lui échappe. C'est que nous avons deux scénarios horizon 2010/2030, c'est dire demain, avec une population qui approchera 45/50 millions d'habitants presque sans Hydrocarbures déflagration sociale ou développement et quel sera le poids de l'Algérie dans les relations internationales? Pour cela, la valorisation du savoir est toujours la valorisation du savoir, et un bon mangement stratégique seront déterminants, tributaires d'un certain nombre de réformes politiques, sociales et économiques solidaires. La pleine réussite implique un contrat social entre le pouvoir d'une part et les différentes sensibilités sans exclusive de la société d'autre part, afin de s'adapter aux mutations mondiales comme les pays émergents. Aussi, je souligne l'importance d'un débat national ouvert à toutes les sensibilités sans exclusive, sur l'avenir de l'économie algérienne où des questions fondamentales doivent être traitées dans la plus grande transparence, notamment –la gestion de la rente de Sonatrach, la gestion des réserves de change et la quantification de l'impact de la dépense publique. L'objectif est de réaliser un consensus national minimal entre les différentes forces sociales, ce qui ne saurait signifier unanimisme signe de décadence de toute société. Méditons cette phrase pleine de sagesse du grand philosophe Aristote : «Le doute est le commencement de la sagesse».