Le soleil continue de briller sur Cancun où le réchauffement de la planète est plus que jamais à l'ordre à jour et où l'Algérie vient d'être désignée médiateur au sommet mondial sur les changements climatiques. «L'Algérie aura à faciliter le rapprochement entre les différentes régions du monde. Nous avons reçu les représentants de l'Union européenne, du groupe des 77, de la Chine, des Etats-Unis, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des îles. Les uns et les autres ont des positions particulières sur la question du climat », a souligné à Cancun Chérif Rahmani, ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire. Mais, il est toujours aussi difficile de prévoir l'issue de la réunion. Si les bonnes volontés s'affichent comme l'Algérie, par exemple, le ton se durcit aussi. «Cette année, les citoyens attendent de nous que nous fassions des pas importants», affirmait mercredi la commissaire européenne pour le climat au moment où l'Inde montrait du doigt les Américains. «Leur proposition de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 17% par rapport à 2005 est profondément décevante», a dénoncé le ministre indien de l'Environnement d'autant que, selon lui, ils n'y arriveront même pas. Certains considèrent qu'il y a des raisons d'être optimiste. Dans les textes en discussion figurent des avancées susceptibles d'être actées à la fin de la semaine. Elles concernent l'aide à l'adaptation aux conséquences du changement climatique pour les pays en développement, les mesures destinées à protéger la forêt et les transferts de technologie. Les plus pessimistes relèvent que ces textes éludent les questions qui fâchent. La première est le refus du Japon et de la Russie de s'engager dans la deuxième période du protocole de Kyoto qui va débuter en 2013. Or, les pays émergents estiment que cet engagement est «non négociable», comme l'a rappelé la Chine. De leur côté, les pays riches exigent que les pays émergents ayant pris des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre l'an dernier au sommet de Copenhague, les officialisent dans un document onusien. La Chine s'est déclarée prête à faire ce pas. «Quand nous avons des positions diamétralement opposées, c'est le moment d'explorer les possibilités de compromis», affirme la nouvelle responsable des négociations climat Christina Figueres. Plusieurs ministres regroupés en binômes ont été chargés de trouver des solutions de sorties. Grande-Bretagne et Brésil sont chargés de se pencher sur l'avenir du protocole de Kyoto, l'Australie et le Bangladesh doivent travailler sur les questions de financement et de technologie. Moins de progrès, par contre, pour les questions liées au transfert de technologies. Mercredi, le secrétaire général de l'ONU devait recevoir le groupe Afrique dont le représentant de l'Algérie pour discuter d'un programme. À défaut d'un accord parfait, utopique jusqu'à présent, la conférence onusienne pourrait se contenter d'une avancée plus favorable que l'échec de Copenhague. Cela comblerait certains pays et même le secrétaire général de l'ONU en attendant d'autres pas et surtout d'autres ouvertures de la part des pays industrialisés. Le Japon se désengage À ce propos, Chérif Rahmani a évoqué la nécessité de soutenir les pays en développement en renforçant leurs capacités et en créant des centres de formation et d'anticipation pour mieux affronter les risques liés au climat. « L'Afrique émet faiblement des gaz à effet de serre. L'Afrique, qui demande des nouvelles technologies et une amélioration de ses capacités, dit aujourd'hui qu'elle est un pôle de négociation important. Nous proposons la création d'une institution de coordination qui facilite les échanges de brevets et la mise en place de moyens financiers pour le transfert de technologies », a-t-il souligné, prévoyant une évolution par rapport au dernier sommet sur le climat de Copenhague de 2009 qui a échoué. La bombe est venue du Japon dès l'ouverture des travaux de la conférence. Ce fut la douche froide à Cancun où la température permet aux vacanciers de se donner à cœur joie dans une mer on ne peut plus clémente. «Il n'y a pas de raison de prolonger Kyoto tant que les Etats-Unis et la Chine qui sont aujourd'hui les deux pays les plus pollueurs de la planète ne s'associent pas à un accord mondial, estime le vice-ministre japonais de l'Environnement. Le seul traité valable doit intégrer «tous les principaux émetteurs», a-t-il poursuivi. Mais la mise en œuvre d'un tel accord ayant totalement échoué à Copenhague l'an dernier et n'étant pas à l'ordre du jour des négociations de Cancun, nombreux sont les pays, notamment les plus pauvres, qui restent très attachés à Kyoto. Ce protocole est en effet le seul outil légalement contraignant pour les pays industrialisés, principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre. «Je suis inquiet», affirmait ainsi l'un des représentants du Bangladesh. Malgré le ton très tranchant des Japonais, certains des négociateurs sur place semblent vouloir croire à un possible retournement. Brice Lalonde, l'ambassadeur du climat pour la France qui connaissait les réticences des Japonais était sur cette longueur d'onde avant l'ouverture de la conférence. Il est vrai qu'avant le Japon, le Canada a déjà fait savoir qu'il ne s'engagerait pas au-delà dans Kyoto. Il le souhaite d'autant moins, qu'il est très loin d'avoir respecté ses promesses de réductions de gaz à effet de serre. « Il y a une dynamique pour trouver une solution globale où chacun peut se retrouver, les pays développés, émergents et africains. Il faut un juste partage des responsabilités », a-t-il noté, précisant que Cancun 2010 doit réussir pour le bien de la crédibilité du système onusien. Selon lui, les pays développés doivent payer leurs dettes climatologiques. « Ces pays ont émis pendant un siècle les gaz à effet de serre », a-t-il observé.