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Accord d'association avec l'UE, adhésion à l'OMC, système de rente et les réformes structurelles nécessaires : L'économie algérienne ou le catalyseur des paradoxes
Le Docteur Abderrahmane MEBTOUL* revient sur les dernières déclarations du 1er ministre portant sur l'Accord d'association avec l'Union européenne (UE), en ponctuant tantôt les risques, tantôt les avantages. L'Accord d'association avec l'UE a été, depuis son application en septembre 2005, un casse-tête pour les responsables algériens qui à chaque occasion en dénoncent les deux poids deux mesures. Désormais, le gouvernement d'Ahmed Ouyahia veut prendre le taureau par les cornes en révisant de fonds en comble les avantages douaniers bénéficiant aux produits européens. Le gouvernement algérien, qui a supprimé les préférences tarifaires pour 36 produits importés de l'UE et qui veut également renégocier une liste de 1.740 produits industriels sur lesquels des droits de douanes seront imposés en faisant reculer le démantèlement tarifaire de trois autres années (horizon 2020) au lieu de 2017, montre la couleur et veut indubitablement promouvoir le produit local. D'après le professeur Mebtoul, ceci constitue un risque majeur, «en cas de non reprise par la production locale, le processus inflationniste touchant ces produits est inévitable, les taxes s'appliquant à une monnaie la plus dévaluée du Maghreb ». Sur un autre registre, l'expert en économie revient sur le gel des IDE (investissements directs étrangers) si nécessaire au développement de l'Algérie, en dénonçant les archaïsmes structurels et administratifs algériens. «Cela renvoie au blocage de l'entreprise seule créatrice de richesses qu'elle soit publique ou privée devant évoluer dans un environnement concurrentiel de plus en plus turbulent avec la dominance de la sphère informelle produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des structures de l'Etat contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation renvoyant à la bonne gouvernance. La bureaucratie participe à ce blocage à environ 50%, la sclérose du système financier pour 25%, le reste étant imputable au foncier et à l'inadaptation du système socio-éducatif. Personne ne pouvant se targuer d'être plus nationaliste qu'un autre, la facilité et la fuite en avant est de vouloir imputer les causes du blocage seulement à l'extérieur », déplore le Dr Mebtoul. Ceci dit, le patriotisme économique n'est qu'un mirage et «ne saurait s'assimiler au tout Etat bureaucratique des années 1970, dans des pays où dominent la propriété privée, pour ne citer que quelques cas, comme les USA, la France, l'Espagne, l'Italie, les citoyens sont fiers d'être américains, français, allemands, espagnols ou italiens. Cependant pour éviter les effets pervers du marché comme le montre la crise mondiale actuelle, il y a urgence d'un rôle plus accrue de l'Etat régulateur, différence de taille avec le tout Etat, pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, d'une économie de plus en plus globalisée », poursuit-il. Si on ajoute à cette gabegie interne les effets pervers de l'accord avec l'UE et une éventuelle adhésion à l'OMC, le cocktail est explosif. Mais, le Dr Mebtoul pense «fermement que pour bénéficier des effets positifs de l'accord avec l'Europe que d'une éventuelle adhésion à l'OMC,( sinon les effets pervers l'emporteront) qu'il faille faire d'abord le ménage au sein de l'économie algérienne et que ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacements des segments de pouvoir (les gagnants de demain n'étant pas ceux d'aujourd'hui) qui explique le manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique et par voie de conséquence le dépérissement du tissu productif ». Dévaluation du dinar et baisse des exportations hors hydrocarbures D'après le professeur Mebtoul, le risque de contagion est toujours potentiel pour les finances algériennes même si elles paraissent isolées du reste du monde : «bien que le système financier algérien soit déconnecté des réseaux internationaux, et il ne faut pas s'en réjouir, les banques algériennes étant actuellement des guichets administratifs et la bourse d Alger n'étant pas une véritable bourse des valeurs, Sonatrach qui représente la véritable richesse du pays n'étant pas cotée en bourse où souvent des entreprises publiques structurellement déficitaires représentant plus de 98% des cotations achètent des entreprises déficitaires, ayant été renflouées grâce au trésor, via la rente des hydrocarbures et les banques publiques représentant plus de 90% des crédits octroyés à l'économie, malades de leurs clients les entreprises publiques nécessitant des recapitalisations répétées, espérant que l'entrée récente de Alliance assurances puisse bouleverser ces comportements rentiers, la guerre des monnaies pourrait avoir de graves répercussions sur l'Algérie ». Et d'ajouter que «dans la mesure où une fraction des réserves de change qui, selon le ministre des finances devant l'APN en novembre 2009 80%, des réserves sont placées à l'étranger dont 45% en euros, 45% en dollars, 5% en yen et 5%en livres sterling, la banque d'Algérie pour ces placements ayant jouée, intelligemment, il faut le reconnaître sur la loi des grands nombres». Le Dr Mebtoul s'interroge sur cet enracinement des finances algériennes : «encore faudrait-il être attentif au taux d'intérêt notamment la FED américaine et la banque centrale européenne variant entre 0,25% et 1,5%, pondéré par le taux d'inflation mondial donnant un taux négatif pour le rendement réel. Ces fluctuations monétaires ont un impact sur la balance des paiements car les importations algériennes sont libellées à environ 60% en euros et 98% des exportations représentées essentiellement par les hydrocarbures ». Pour un débat ouvert sur le partage de la rente L'urgence d'un débat national sur un partage équitable des richesses est fondée, selon l'universitaire. «Un débat ouvert concernant tant la gestion de la rente des hydrocarbures afin de préparer l'après hydrocarbures qui vont à l'épuisement dans 16 ans pour le pétrole et 25 ans dans le cas le plus optimiste pour le gaz, qui sera fonction des vecteurs coûts/prix (14/15 dollars pour le GNL le million de BTU et 10/11 dollars pour les canalisations (GN), alors que le prix du gaz, non conventionnel, fluctue depuis plus d'une année entre 4/5 dollars), de la forte consommation intérieure qui représenterait environ 75% des exportations entre 2016/2020 et des possibilités d'autres énergies substituables, ainsi que la gestion des réserves de change ». Et de poursuivre, «engageant l'avenir de la Nation, les autorités algériennes doivent être très attentives tant aux nouvelles mutations énergétiques mondiales qu'à la guerre des monnaies vu l'impact qu'elles pourraient avoir sur l'économie algérienne ». Sur un autre registre, le professeur Mebtoul revient sur les dévaluations qui, selon lui, «est une loi économique qui constituent un dumping à l'exportation dynamisent donc les exportations comme le montrent actuellement la guerre des monnaies et ce dans une économie structurée ». Or, selon l'économiste, « l'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché, ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l'avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et du cours du dollar, les réformes depuis 1986 étant bloquées ou timidement faites avec incohérence lorsque que le cours s'élève ce qui explique que la dévaluation du dinar ,la monnaie la plus faible au Maghreb, a eu l'effet contraire en Algérie moins de 2/3 % hors hydrocarbures ce qui montre que le blocage est d'ordre systémique ». Le Dr Mebtoul dira aussi qu'il «faut se méfier des statistiques globales car 50% dans le produit intérieur brut 2007/2008 officiellement reviennent au segment hors hydrocarbures. Mais en réalité, sur ces 50% plus de 80% étant eux même tirés par la dépense publique via les hydrocarbures (BTPH et autres) ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées (souvent endettées vis à des banques publiques) une part négligeable, moins de 20% selon mes calculs ». Baisse des salaires et les emplois rentiers «La baisse de la salarisation, depuis plus de deux décennies au profit des emplois rentes, traduit la prédominance de l'économie rentière et la faiblesse de la dynamique de l'entreprise créatrice de valeur ajoutée. Les infrastructures ne sont qu'un moyen, ayant absorbé près de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, avec des restes à réaliser de 130 milliards de dollars, restant au nouveau programme 2010/2014. 156 milliards de dollars toujours avec plus de 70% consacrés aux infrastructures. Outre que le bilan n'as été fait pour analyser les surcoûts et les impacts, cette masse monétaire colossale déversée faute de capacité d'absorption, ne risquent-elle d'entraîner une amplification de l'inflation pour ne pas parler de la corruption sans mécanismes de contrôle appropriés passant par la mise en place des institutions démocratiques ? », S'interroge-t-il. Et d'ajouter que «pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait éviter des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes, source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs sérieux qu'ils soient locaux ou étrangers». Conclusion Selon le Dr Mebtoul, l'Algérie de 2030, dépassera les 50 millions d'habitants au moment où il y aura progressivement épuisement des recettes d'hydrocarbures et les politiques économiques auront-elles préparé l'après hydrocarbures dans des segments s'inscrivant dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux (coût/qualité) ? «Pour cela, il faudra s'attaquer à l'essentiel et non au secondaire, et dépasser l'ancienne culture administrative des années 1970 inopérantes, nos responsables devant s'adapter à la mondialisation. L'efficacité de toutes les mesures gouvernementales du passage du Remdoc au Credoc sans transition pénalisant le tissu majoritaire des PMI/PME, n'ayant aucun impact sur la réduction des importations qui risquent de se gonfler en 2011/2012 faute de production nationale (le FMI annonçant plus de 50 milliards de dollars) le nouveau code des marchés publics, l'encadrement des investissements étrangers (chute de plus de 80% en 2010 par rapport à 2008/2009) alors qu'il faille privilégier la balance devises positive pour l'Algérie et l'apport managérial et technologique et non se limiter à des mesure bureaucratiques forcément de peu d'efficacité 49/51% », alerte-t-il. Et de continuer : «lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale pour avoir l'adhésion, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer ».