Un registre épidémiologique recensant les cancers et les malformations dans les régions du Sahara algérien touchées par les explosions et essais nucléaires français, devrait être mis en place bientôt. C'est la plaidoirie du chef de service de radiothérapie au Centre Pierre-et-Marie-Curie (CPMC) de lutte contre le cancer d'Alger, professeur Mohamed Afiane : «il est difficile de prouver scientifiquement le rapport des cancers enregistrés à la radioactivité induite par les explosions et essais nucléaires dans ce régions, néanmoins, il faut dès maintenant mettre en place un registre épidémiologique des cancers et des malformations», a-t-il expliqué lors de la journée commémorative du 51e anniversaire de la première explosion nucléaire française à Reggane. Et d'ajouter qu'«il faut faire une enquête et ouvrir un registre sanitaire qui devrait s'étaler sur de longues années pour recenser les cas de malformations ». Le même professeur préconise, pour élaborer cette enquête épidémiologique, un «recensement exhaustif» des cas de cancers et de malformations et d'«une étude comparative», ensuite, de l'«incidence» de ces cas par rapport aux autres régions. Ce n'est qu'à partir d'une telle étude, a-t-il expliqué, qu'il est possible de faire le lien entre ces cas de cancers et de malformations avec les répercussions radio-induites des explosions nucléaires à Reggane (Adrar) et Tan Oufella, dans la localité d'In Ekker (Tamanrasset). Il s'agit d'un travail de «grande haleine» qui demande «beaucoup de moyens et surtout d'efforts», a-t-il estimé. Le professeur Afiane a néanmoins reconnu la difficulté d'un tel travail, au regard, a-t-il dit, à la configuration de la population qui est en grande partie formée de nomades. Il a expliqué, par ailleurs, qu'il existe deux phases de la radioactivité, à savoir, d'abord, celle générée au moment de l'explosion, au cours de laquelle, des doses importantes de radioactivité sont constatées. Pour cette génération de personnes, exposées directement aux rayonnements radioactifs, il y aurait un nombre important de leucémies, a-t-il noté. Cette pathologie, a-t-il poursuivi, apparaît «relativement tôt» et disparaît «assez tôt», entre 3 et 5 ans au cours desquels elle connaît un pic, avant de revenir à un risque normal au bout de 10 ans. Il y a ensuite, a encore expliqué ce professeur en radiothérapie, les cancers dits «solides» qui apparaissent dans une dizaine d'années de l'exposition aux radiations. «La fréquence de ce type de cancers, a indiqué le professeur Afiane, augmente pour atteindre un pic à 30 ans de l'exposition». «Nous disposons d'aucune information, actuellement, du nombre de cancers causés par les conséquences des explosions et essais nucléaires», a-t-il déploré, appelant, à ce titre, les pouvoirs publics à mettre les moyens pour initier une enquête épidémiologique dans les régions concernées.