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La gestion de l'eau dans le désert et l'art rupestre saharien en débat à Venise : L'œuvre des Touaregs du Tassili N' Ajjer et de l'Ahaggar à l'honneur en Italie
La gestion de l'eau dans le désert et l'art rupestre saharien ont été exposés en conférences par des experts algériens vendredi au 15ème Salon du patrimoine qui se tient à Venise (Italie), a appris l'APS auprès du Commissaire de l'exposition algérienne, M. Farid Ighilahriz. M. Mourad Betrouni, Directeur de la protection légale des biens culturels et de la valorisation du patrimoine culturel au ministère de la Culture, a expliqué comment les touareg du Tassili N'Ajjer et de l'Ahaggar, à travers les siècles, ont su gérer la rareté de d'eau dans ces espaces hostiles. L'ancien Directeur de l'Office du parc national du Tassili, a intitulé sa contribution « Amen Iman » en langue targuie, qui signifie « l'eau, c'est la vie », précisant que cette expression « traduit toute une philosophie d'occupation d'un espace désertique, fondée sur la gestion de la rareté de d'eau ». Le chercheur algérien s'est demandé comment ces hommes ont pu traverser les siècles, sinon les millénaires, dans des conditions d'extrême aridité où il ne pleut presque jamais et où l'évaporation exclut toute possibilité de rétention et de conservation de l'eau. « Ces hommes ont su franchir et aménager cet espace hostile et menaçant en développant un type de comportement physiologique et culturel hautement adapté à des exigences extrêmes », a-t-il dit. Il a ensuite fait savoir que « c'est à l'orée du troisième millénaire, avec l'installation définitive du désert et les changements profonds opérés dans le milieu végétal et animal, que ces hommes ont réagi, soit en migrant vers les régions plus clémentes, soit en optant pour les grands déplacements à la recherche des points d'eau et de lieux de pâturage ». M. Betrouni a expliqué que « cette expérience millénaire qui va donner naissance à une civilisation saharienne que nous pouvons aisément qualifier de civilisation hydraulique, celle des foggaras du Touat-Gourara, celle du système de partage des eaux de crue de la vallée du M'Zab et celle des Ghouts de la région du Souf et des puits artésiens du Bas Sahara ». Pour sa part, Farid Ighilahriz, directeur du Centre National de Recherche en Archéologie et Commissaire de l'exposition algérienne au Salon, s'est penché sur le mode d'expression artistique rupestre saharien. « Les populations préhistoriques du Sahara ne se sont pas uniquement préoccupées de leurs besoins quotidiens, elles n'ont pas seulement transformé leur environnement, mais elles ont aussi interprété leur monde en le gravant et en le peignant sur des parois et des dalles rocheuses », a-t-il noté. Il a ajouté qu'en réalisant des formes et des symboles, en représentant leur monde, « ces populations préhistoriques créèrent l'abstraction comme moyen de communication ». Sur les gravures rupestres, il a fait savoir que « gravé ou peint, le choix des premières représentations artistiques s'est porté, particulièrement, sur des sujets animaliers de l'environnement naturel, ainsi que des sujets de la vie quotidienne ». M. Ighilahriz a relevé qu' « on reconnaît à l'art rupestre saharien son caractère narratif et d'art très élaboré ». L'expert a indiqué que cinq grandes périodes de l'art rupestre saharien ont été identifiées. « Gravé ou piqueté sur de grands blocs rocheux, le bubale (espèce de bovidés) est associé à l'étage artistique le plus ancien, daté de plus de 13 000 ans BP (avant aujourd'hui). L'une des originalités de cette période dite « bubaline » est la grande dimension de certains sujets comme la girafe de l'Oued Djerat mesurant 8 mètres de haut », a-t-il dit. Il a également, relevé que « peints sur de grandes parois, essentiellement, des sujets humains à tête arrondie illustrent la période dite « des têtes rondes », précisant que « les personnages portent souvent des arcs et sont parfois associés à des animaux sauvages » et « parfois des ornements corporels et l'attitude de certains sujets rend la fresque pleine de spiritualité ». L'archéologue a expliqué que « le pastoralisme est le principal sujet de la période dite bovidienne » et remonte au 8ème millénaire BP, notant que « l'art de cette époque est marqué d'un dynamisme et nous transmet une véritable chronique de la vie pastorale ». Il a ensuite abordé la période dite caballine, datée, a-t-il dit, à partir du 6ème millénaire BP, et qui est caractérisée par « la nature stylisée et schématisée de ses fresques ». Les personnages peints « prennent souvent une forme bitriangulaire et sont parfois représentés sur un char attelé à des chevaux au galop-volant », a indiqué le chercheur. Evoquant la 5ème période de cet art, M. Ighilahriz, a indiqué que « le schématisme s'accentue, et aux cotés du cheval nous rencontrons un animal typiquement saharien : le dromadaire, vers le 3ème millénaire BP », relevant que « les personnages sont souvent représentés armés d'arc, de javelots et de boucliers » et « sur certaines fresques sont représentés des végétaux typiquement sahariens : les palmiers ». L'expert a fait observer, que dans son évolution, l'art rupestre connaît « un stade de compétences non égalées ». « Des images parfaitement élaborées représentent des éléments faunistiques, des gestes et scènes de vie quotidienne ainsi que des formes géométriques et conceptuelles », a-t-il fait savoir, ajoutant que « ces témoins iconographiques se traduisent à un stade supérieur de leur évolution en écriture, par l'élaboration de caractères à valeurs phonétiques: l'écriture dite libyco-berbère ou Tamazight, d'où le Tifinagh utilisé jusqu'à présent par les touareg ».