Les relations entre l'Algérie et la France traversent une nouvelle période de froid et le dialogue entre les deux pays est quasiment absent depuis quelques mois. Pire, aucune volonté, d'un côté comme de l'autre, pour tenter de réchauffer ces relations ou, du moins, définir une base pour les relancer. Illustration parfaite de cette brouille: les présidents Abdelaziz Bouteflika et Nicolas Sarkozy se sont royalement ignorés à l'occasion de la tenue de la dernière assemblée générale des Nations unies au prétexte d'un agenda chargé de part et d'autre. Une série d'évènements et de «susceptibilités» des deux côtés vient confirmer que le poids de l'histoire commune reste déterminant dans ces relations, tantôt solides, tantôt fragiles. Ainsi, la tentative de remise en cause par les autorités françaises du privilège «historique» accordé aux ressortissants algériens dans le cadre des accords de 1968 a été la «goutte qui a fait déborder le vase». La France voudrait mettre fin à l'exception algérienne mais les négociations, dans ce sens, entamées en Août dernier ont échoué. Les Algériens bénéficiaient, grâce aux accords de 1968, de certains avantages sur le sol français, comme la possibilité d'obtenir la carte de séjour de dix ans. Les sans-papiers algériens sont les seuls étrangers régularisables sans condition au bout de dix ans de présence sur le territoire français. Les Algériens obtiennent aussi des autorisations de séjour temporaire (APS) pour pouvoir effectuer des soins ou exercer une activité commerçante en France. Les accords de 1968 qui régissent le mouvement des personnes entre les deux pays ne prévoient pas de limitation du nombre de visas délivrés aux Algériens. L'Algérie a exprimé son refus de cette remise en cause en ne donnant aucune suite à la demande de Paris, exprimée en février 2009, d'organiser une visite d'Éric Besson, ministre français de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire, en Algérie. La demande a été relancée l'été dernier à l'occasion de l'ouverture des négociations sur les accords de 1968 en matière d'immigration, sans que les autorités algériennes ne donnent de réponse claire. Une autre visite qui devait intervenir à la fin de cette année, a été annulée, celle de Claude Guéant, Secrétaire général de l'Elysée et homme de confiance de Nicolas Sarkozy. Cependant, le problème de l'émigration et de la circulation des personnes n'est pas le seul en cause. De lourds contentieux opposent les deux pays. La position de la France vis-à-vis du problème du Sahara occidental est jugée par Alger, trop favorable au Maroc. La question de la repentance de la France sur la colonisation et, surtout, les sorties des officiels français concernant l'affaire de l'assassinat des moins de Tibhrine ont fini par ternir une lune de miel entamée du temps de Jacques Chirac. Malgré ce froid diplomatique, les relations économiques se sont maintenues voire évoluées. L'Algérie demeure encore le premier partenaire commercial de la France sur le continent africain. Le montant des échanges commerciaux est passé de 8 milliards d'euros en 2005, à près de 10 milliards d'euros en 2008. «L'Algérie représente un marché stratégique pour les entreprises françaises car il constitue le premier débouché vers l'Afrique» avait déclaré Marc Bouteiller, chef de la mission économique française en Algérie, lors d'une rencontre organisée à Paris au mois de février 2009 par le Réseau des étudiants algériens diplômés des grandes écoles de France, «Le Reage». Cependant et se prévalant elle aussi, de privilèges historiques, la France voit mal ses parts de marchés, en Algérie, dans les domaines notamment des réalisations des infrastructures de base, se rétrécir au profit des Chinois et autres Coréens. Les nouvelles mesures en matière d'importations introduites dans la Loi de finances complémentaire de 2009 ont créé une véritable panique chez les opérateurs officiels français qui y voient une «atteinte à l'économie française». Victimes de dommages collatéraux, les entreprises Suez et la Marseillaise des Eaux ne sont pas assurées de voir leurs contrats renouvelés. L'information annoncée en même temps que celle réservant les contrats de construction d'infrastructures hydrauliques aux entreprises algériennes, par un proche d'Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal qui se déplace en Corée pour la signature de contrats de formation dans le cadre de la gestion des ressources en eaux, illustre parfaitement la volonté des autorités algériennes à tourner le dos à leurs partenaires historiques. Le message avait déjà été transmis quand le ministère algérien de la Défense a fait l'acquisition, pour 4 milliards de dollars, de frégates en Italie en boudant le marché français de l'armement pourtant plus avantageux économiquement et techniquement en la matière. Le dernier coup de semonce est cette enquête de l'IGF diligentée contre le concessionnaire DIAMAL. L'ambassadeur de France en Algérie a bien tenté de «calmer diplomatiquement le jeu» en affirmant, dans une interview à un confrère, que «les relations entre l'Algérie et la France sont au beau fixe». Mais force est de constater qu'elles sont plutôt chancelantes.