Le ministre français de l'Intérieur n'est pas le bienvenu en Algérie. C'est du moins ce qui ressort des informations rapportées par certaines agences de presse citant des sources crédibles. Le gouvernement algérien, à en croire ces sources, aurait opposé, fin octobre, une fin de non recevoir à la demande française d'organiser une visite du ministre français de l'Intérieur, Brice Hortefeux. «Nous n'avons rien à lui dire» auraient rétorqué les officiels algériens à la sollicitation de leurs homologues français. Quoiqu'aucune déclaration officielle, de l'un comme de l'autre côté de la Méditerranée, ne vient confirmer ou infirmer, pour l'heure, cette information, il n'en demeure pas moins vrai que les relations entre les deux pays traversent une zone de turbulences depuis l'accession de Nicolas Sarkozy à la magistrature suprême. Le point d'orgue de cette relation conflictuelle a été atteint avec le déterrement de l'affaire de l'assassinat des moines de Tibehirine et les déclarations des officiels français, à leur tête, Sarkozy mettant en cause l'armée algérienne. La tentative des autorités françaises de remettre en cause le privilège historique accordé aux ressortissants algériens dans le cadre des accords de 1968 avait de quoi donner du grain à moudre aux autorités algériennes qui avaient, en février puis en août derniers, refusé de recevoir Eric besson, ministre français de l'Immigration et de l'Intégration qui devait venir dans le cadre de la négociation autour de la révision de ces accords. Autre point de discorde, l'affront fait aux autorités algériennes de les marginaliser dans le cadre de l'UPM. Pourtant, l'Algérie n'étant pas très emballée par le projet de Sarkozy, trainait le pas à le rejoindre. Le président français avait alors fait un véritable forcing pour que l'Algérie s'y implique pleinement, connaissant son audience au sud de la Méditerranée. L'Algérie avait alors rejoint les rangs, espérant en contrepartie y jouer un rôle de premier plan. Rôle dédié à l'Egypte. Un «enfant dans le dos» que les autorités algériennes ne peuvent pardonner à Sarkozy. Malgré ces couacs et les affaires étant les affaires, les relations économiques entre les deux pays évoluaient normalement. Les échanges commerciaux ont évolué, passant de 8 milliards d'euros en 2005 à 10 milliards d'euros en 2008. D'après les chiffres publiés par l'ambassade de France en Algérie, le flux d'IDE français à destination de l'Algérie a atteint 229 millions de dollars en 2007 et, tous secteurs confondus, la France est le deuxième investisseur étranger derrière les Etats-Unis. En 2007, 300 filiales d'entreprises françaises sont implantées en Algérie, soit trois fois plus qu'en 2005. Elles représentent près de 30.000 emplois directs et 100.000 emplois indirects, selon la même source. Ces investissements sont concentrés dans les secteurs financier, agroalimentaire et pharmaceutique. Le secteur financier (92 millions de dollars) et l'agroalimentaire (91 millions de dollars) composent à eux seuls plus de 60% des investissements français en Algérie, devant l'industrie pharmaceutique (20 millions de dollars). Cependant, ce sont ces investissements directs français en Algérie qui allaient ajouter, à la tiédeur des relations diplomatiques, du sable dans l'engrenage des relations économiques. Ces investissements sont jugés insuffisants par les pouvoirs algériens et les observateurs de la scène économique, eu égard au potentiel algérien, au volume des échanges commerciaux et la longue histoire commune. Ils le sont encore plus par rapport à ce qu'investissent les entreprises françaises dans les pays voisins. «Il est inadmissible que la France investisse au Maroc et en Tunisie et vient vendre ces produits sur le marché algérien». L'Algérie a très mal digéré le fait que Renault installe une usine au Maroc et que la France économique officielle s'offusque à l'égard des restrictions à l'importation prises par l'Algérie. La réponse algérienne à cet «affront» est venue sous la forme d'une série de mesures. La première et non des moindres est celle relative à la promulgation des restrictions à l'importation contenues dans la LFC 2009 et qui avait alors créé un véritable séisme dans l'économie française. S'en suivit la déclaration du ministre des Ressources en eaux annonçant que les contrats de «Suez» et de la «Marseillaise des Eaux» avaient peu de chance d'être reconduits. Ajoutés à cela, et presque en même temps que les autres mesures, la révision des conditions d'exercice des commerçants étrangers sur le territoire algérien et l'épluchement des comptes du concessionnaire DIAMAL, pour ne citer que ces cas. Par ailleurs et au moment où Chinois, Sud Coréens, Allemands et autres Espagnols redoublent de visibilité dans des ballets incessants de délégations économiques vers l'Algérie, les Français se font plus discrets depuis au moins six mois. L'ambassadeur de France en Algérie tente, si bien que mal, d'arrondir les angles mais au lieu de trouver grâce aux yeux des autorités algériennes, son action semble plutôt les irriter, à tel point qu'instruction aurait été donnée aux institutions et entreprises publiques de ne pas le recevoir jusqu'à nouvel ordre. La rancœur semble bien installée des deux côtés, et la fin de non recevoir appliquée à Brice Hortefeux qui devait venir consolider les accords sur plusieurs dossiers bilatéraux, en est l'illustration parfaite. Les deux pays ont signé en 2008 un accord majeur en matière de sécurité pour la mise en place d'équipes de policiers mixtes algéro-françaises pour lutter contre le trafic de drogue et le blanchiment d'argent, la formation de 55.000 gendarmes algériens en France, la fourniture de matériel à la police et la gendarmerie. Une visite jugée impromptue par le pouvoir algérien surtout que le ministre français n'est pas spécialement connu pour porter les Algériens et les Maghrébins dans son cœur. Il aurait déclaré à la face d'un maghrébin, lors de la tenue de l'université d'été de l'UMP en septembre «Quand il y en a un, ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes». C'est qu'en matière de couacs des officiels français à l'égard de l'Algérie, «il y en a beaucoup et il y a problème».