en Algérie, la crise du logement prend de plus en plus l'allure d'un problème inextricable. Le nombre de demandeurs ne cesse de croître, alors que l'offre est très réduite. Les professionnels rencon trés au Salon internatio nal du logement et de l'immobilier (Logimmo2009) estiment à l'unanimité que la saturation du foncier et sa cherté exacerbée par la spéculation- notamment dans les grandes villes- est le véritable nœud gordien du secteur immobilier en Algérie. « Il n'y a plus beaucoup de terrains. Ceux qui restent sont proposés à des prix qui dépassent tout entendement. La moyenne du coût d'un mètre carré dépasse les 150.000 dinars », souligne M.Touhami, commercial au sein de l'entreprise de promotion immobilière algéro-palestinienne, Marina. Celle-ci propose 152 appartements et des duplexes -dont la superficie est entre 120 et 252 mètres carrés dans une résidence baptisée Seba- située dans l'axe Dely Brahim et Cheraga (Alger). L'époque du logement pas cher est révolue si l'on tient compte des indications de notre interlocuteur. Pour pouvoir acquérir sa maison, l'Algérien de la couche sociale moyenne doit désormais faire un lourd investissement -qui plombera ses revenus toute sa vie- en s'endettant auprès d'une banque ou d'usuriers. Les logements dits haut standing n'attirent pas les foules, indique M. Touhami qui attribue cette réticence aux nombreuses arnaques signalées dans ce segment de l'immobilier. La même analyse est développée par M. Akeb Nasreddine, président de la fédération d'Oran de l'Union générale des entrepreneurs algériens (UGEA). La spéculation et la rareté des assiettes foncières concernent tout le territoire national, relève-t-il. L'Ouest du pays n'a pas été épargné par la flambée des prix- qui rend les logements pratiquement inaccessibles- pour le commun des algériens. Seuls quelques nantis peuvent se permettre d'acheter. Les logements sociaux locatifs ou participatifs ne répondent qu'à une partie minime de la demande grandissante dans les grandes villes où est concentrée la population. « La foncier coûte extrêmement cher. Actuellement, le mètre carré est cédé entre 100.000 et 160.000 dinars», note-il. M. Akeb soulève un autre problème. Et non des moindres. Il s'agit de l'envolée des prix des matériaux de construction, notamment ceux des produits essentiels tels que le béton, le ciment et l'acier qui contribue dans la cherté des logements- dont le moins que l'on puisse dire- est qu'ils sont loin d'être abordables pour les petites bourses. L'épisode du ciment qui n'a pas encore connu son épilogue -dénote l'instabilité des prix des matériaux de construction- dont le marché est contrôlé par les spéculateurs. Mêmes les tentatives de l'Etat de leur couper l'herbe sous les pieds s'avèrent infructueuses. Les pouvoirs publics avaient décidé d'importer un million de tonnes de ce produit. Près de 600.000 tonnes ont déjà été commandées auprès d'une entreprise allemande. Cette solution d'urgence ne convainc pas les professionnels du secteur. Les perturbations ayant touché le marché des matériaux de construction étaient telles que le prix du ciment a atteint des seuils intolérables. Le produit en question était distribué au compte-goutte afin de maintenir la tendance haussière. Résultat : de nombreux chantiers importants étaient à l'arrêt en raison de la pénurie engendrée par les pratiques spéculatives. Blanchiment d'argent Par ailleurs, M. Akeb met en avant l'apparition d'un nouveau phénomène concernant les logements neufs pour expliquer cette spéculation. Selon lui, de nombreuses personnes achètent ces logements. Elles ne les occupent pas. Ne les revendent pas et ne les proposent pas à la location. De l'avis de certains observateurs, il ne s'agit ni plus ni moins que de blanchiment d'argent. Un bien immobilier est une valeur sûre pour l'argent sale. Les fausses déclarations des prix permettent de dépenser ces capitaux sans s'acquitter des impôts qui vont avec ces transactions. D'ailleurs, un banquier fera remarquer -que le seul moyen de contrer la spéculation- est d'avoir un marché de l'immobilier structuré et organisé. Le président de la fédération d'Oran au sein de l'UGEA relève que les banques ne jouent pas le jeu pour la mise en place d'un tel marché. « L'Etat et les banques doivent faire un effort. S'il y avait une politique financière, il y aurait un véritable marché de promotion immobilière. Dans tous les pays du monde, les banques s'impliquent. Elles financent l'acquisition de terrains, la réalisation, l'achat des équipements et accompagnent même les clients des promoteurs à long terme », confie-t-il. Il faudrait, poursuit-il, penser à desserrer l'étau sur les grandes villes qui supportent une forte concentration de la population. Les derniers chiffres du recensement général de la population et de l'habitat- communiqués par l'Office national des statistiques- font apparaître que plus de 90% de la population est dans 4% du territoire national. « Il faut faire sortir les institutions des grandes villes afin que la population suive. L'avenir est dans la périphérie de ces villes », souligne encore M.Akeb. M.Brimis, gérant de la société Logis Annabi, filiale du groupe public Grepco -estime pour sa part- que les promoteurs privés contribuent dans la spéculation. « Nous avons une marge bénéficiaire qui varie entre 15 et 20%. Le privé ne se contente pas d'une telle marge », dit-il. Concernant la bonification des taux d'intérêts du crédit immobilier décidée par les pouvoirs publics pour assurer la solvabilité des ménages, M.Brimis a affiché un scepticisme quant à l'efficacité d'une telle mesure. « L'offre est vraiment insuffisante alors que la demande sera multipliée par 4 ou 5 », mentionne-t-il. Le montant des crédits immobiliers accordés par les banques- malgré la forte demande-a atteint seulement 140 milliards de dinars en 2008. Les critères des institutions financières sont tels- que le nombre d'emprunteurs n'excède pas les 500.000 à 600.000 au titre du crédit immobilier- alors qu'il existe un potentiel de plus de 7 millions de demandeurs. Le parc immobilier dépasse les 7 millions d'unités, selon le ministère de l'Habitat.