Le retour en force du commerce informel au niveau de la capitale et certaines régions du pays, ainsi que la réapparition de nouvelles pratiques de contrefaçon en Algérie a poussé les spécialistes à interpeller les autorités quant aux «failles» juridiques existantes, tout soulignant la nécessité de préparer un arsenal de lois pour mieux lutter contre le phénomène. En Algérie, un million d'articles contrefaits sont saisis chaque année en moyenne. Plus de sept millions d'articles contrefaits ont été saisis durant les sept dernières années par les Douanes. C'est en effet, à partir de ce constat que les participants à un séminaire international sur la contrefaçon organisé lundi à Alger, ont lancé un appel, déplorant des «failles» juridiques qui entravent une lutte «efficace» contre ce phénomène. Les spécialistes ont appelé à l'élaboration d'un texte de loi unique pour y faire face. Selon Nawfel Hacini, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle, il existe «des failles et un vide juridiques» en matière de lutte contre ce phénomène transnational malgré la signature, par l'Algérie, de plusieurs conventions dans le domaine de la protection de la marque. Le juriste se plaint surtout de la lenteur des procédures liées à la lutte contre la contrefaçon au niveau des tribunaux estimant que ces formalités prennent dans certains cas plus de quatre ans causant ainsi des pertes aux propriétaires des marques. «Durant la procédure judiciaire, les propriétaires subissent des pertes énormes sur le plan financier et sur la notoriété de la marque au moment où les contrefacteurs continuent toujours de fabriquer des produits contrefaits», a-t-il affirmé. En outre, ajoute M. Hacini, les magistrats chargés de ce genre d'affaires ne sont pas spécialisés dans le domaine de la propriété intellectuelle pour connaître tous les modes opératoires suivis par les contrefacteurs. Pour cet avocat, un texte de loi unique élaboré par tous les intervenants dans le processus de lutte est nécessaire pour faire face à ce phénomène qui a pris des proportions alarmantes en Algérie ces dernières années. La Direction générale des douanes (DGD) avait déjà demandé aux autorités publiques d'élaborer une loi unique et spécifique qui définit clairement la contrefaçon, les acteurs chargés d'y faire face, le champs d'intervention de chaque acteur et les sanctions à appliquer. «Il est nécessaire de revoir le dispositif actuel de lutte pour l'adapter au contexte économique de l'Algérie, caractérisé par l'existence d'un commerce informel, afin de rendre la lutte contre la contrefaçon transparente et efficace», avait indiqué récemment à l'APS Fadila Ghodbane, sous directrice chargée de la lutte contre la contrefaçon à la DGD. Un comité interministériel regroupant les Douanes, le secteur du Commerce, la Sûreté nationale et la gendarmerie sera installé prochainement pour l'élaboration de ce texte. De son côté, le Directeur général de l'Organisme algérien d'accréditation (Algerac), Noureddine Boudissa, estime que le dispositif juridique de lutte contre la contrefaçon doit être accompagné par une réelle structure de qualité qui permet de définir la conformité ou la non conformité d'un produit. «On ne peut pas parler de lutte contre la contrefaçon sans une infrastructure de qualité qui n'est pas encore disponible en Algérie», a-t-il indiqué tout en déplorant le manque d'outils de mesure comme la métrologie et les laboratoires d'essais nécessaires pour déterminer la qualité des produits. «Les infrastructures de qualité en Algérie comme l'Institut national de la propriété intellectuelle (INAPI), l'Etablissement national du contrôle technique (ENACT) et l'Institut algérien de normalisation (IANOR) ont besoin d'une réelle mise à niveau pour accomplir correctement leurs missions», estime M. Boudissa. En 2013, les Douanes ont saisi 378.208 produits contrefaits contre 781.653 articles en 2012, soit une baisse de 51,6%, sans refléter pour autant un recul du phénomène de la contrefaçon.