Les économistes à travers la planète imputent l'augmentation des prix des produits agricoles à de nombreuses causes, à la fois conjoncturelles et structurelles et qui sont à la base de la croissance des principaux produits agricoles sur les marchés internationaux. Schématiquement, quatre grands facteurs ont été soulignés dans ce contexte : une campagne mouvementée au niveau mondial, causée par des conditions atmosphériques défavorables en Australie ou de faibles rendements au Canada, etc ; la croissance démographique et surtout la croissance du revenu dans certaines économies asiatiques émergentes, avec pour effet immédiat un changement des habitudes alimentaires ; l'utilisation de produits agricoles (maïs, oléagineux) pour la production de biocarburants, dont la demande a augmenté de 2% rien qu'en 2007 ; la hausse du prix du pétrole (avec des conséquences pour le transport, la consommation des machines agricoles, le prix des fertilisants, etc).Selon un économiste maghrébin, tous ces éléments impliquent non seulement une augmentation de la demande de produits agricoles mais également une contraction de l'offre avec pour conséquence inéluctable une augmentation des prix. D'autre part, pour bien évaluer le phénomène, il faudrait prendre en compte la dévaluation du dollar par rapport aux autres devises, dans la mesure où le prix des produits agricoles est en général exprimé dans la monnaie américaine. En 2007, les principaux produits agricoles ont subi une hausse considérable de leurs prix au niveau international. Le blé et le soja ont augmenté principalement à partir du mois de juin, tandis que l'augmentation du prix du maïs a été plus contenue et retardée, notamment parce que, à la différence des deux autres produits, il avait déjà subi des augmentations significatives dès 2006. Le prix du blé a quasiment doublé de janvier à décembre 2007, passant de 208 à 381 dollars la tonne. De même pour le soja, dont le prix est passé de 306 dollars (janvier 2007) à 541 dollars par tonne en janvier 2008 (les principales cultures oléagineuses ont suivi la même tendance que le soja). Le maïs en revanche a suivi une tendance différente, avec une baisse du prix durant la première moitié de l'année et une augmentation par la suite (minimum en juillet avec 146 dollars la tonne, maximum en janvier 2008 à 204 dollars). Quant au prix du lait entier en poudre, il a présenté une augmentation très significative dès le début de l'année avec une tendance à la stabilité durant les derniers mois de 2007 (de 2 850 dollars la tonne en janvier à 4 975 dollars en novembre). Les prix du beurre et du fromage ont suivi la même tendance. L'augmentation du prix du lait dès les premiers mois de 2007 s'explique par l'augmentation des aliments pour animaux. Conséquence de cette dynamique haussière Cette situation a de lourdes conséquences, notamment pour les pays importateurs nets de céréales et d'oléagineux comme l'Italie et les pays de la rive sud de la Méditerranée. Naturellement, de nombreux pays ont accusé une augmentation du coût de l'importation de ces produits, avec de fortes répercussions sur la balace commerciale. En 2007 par exemple, les importations de blé en Italie ont baissé de 13% environ en quantité par rapport à l'année précédente, alors qu'elles ont augmenté de 16% en valeur. Dans la péninsule, on enregistre par conséquent une baisse de la disponibilité interne des produits agricoles de base, phénomène constaté par ailleurs dans tous les pays européens et méditerranéens, avec de fortes répercussions sur le prix des dérivés (viande, pain, pâtes, lait etc.), et par conséquent sur la consommation alimentaire. Enfin, la faible disponibilité des produits de base au niveau mondial rend difficile l'organisation et la gestion des processus d'approvisionnement et de garantie de disponibilité du produit par les Etats concernés, qui voient sensiblement diminuer leurs stocks stratégiques. On note ainsi, au plan global, une réduction des réserves mondiales. Les révoltes dans divers pays révèlent une crise alimentaire mondiale qui s'installe sans doute pour une longue période, à défaut de changement radical d'orientation. Les experts et les organisations paysannes sont toutefois catégoriques pour dire que nous ne sommes pas dans une situation de pénurie mondiale. “ Quoique extrêmement faibles, les stocks sont encore suffisants pour faire la jonction entre deux récoltes ”. Mais l'accès à l'alimentation des populations s'est dégradé brutalement face à une augmentation considérable des prix. Cette augmentation des prix aggrave encore la situation actuelle (20 000 morts par jour, près de 900 millions de personnes souffrant de malnutrition. Mais cette nouvelle tension sur les marchés révèle surtout des problèmes issus de choix économiques, désastreux, basés sur la croyance en la libéralisation des marchés agricoles. Les conséquences de la hausse des prix, si elle persiste et reste incontrôlée, pourraient mener à un appauvrissement des classes moyennes, à l'instabilité politique, à une recherche exaspérée de l'autosuffisance alimentaire nationale et par conséquent à l'intensification et à l'exploitation à outrance des ressources naturelles avec des répercussions sur l'équilibre socio-économique et environnemental. Pour éviter les effets, spéculatifs et avant tout rétablir un certain équilibre des forces économiques et du marché, les experts soulignent la nécessité d'intervenir sur toute la filière pour pouvoir définir et organiser les processus de production et commerciaux de façon efficace et équitable et par conséquent encourager une meilleure transparence des prix. “ Etant donné la dimension internationale du phénomène, les instruments nécessaires pour endiguer la situation ne sauraient être techniquement nationaux, mais nécessairement des initiatives et des interventions de nature globale, affrontées sous forme intégrée et collaborative. C'est le cas en Méditerranée, où la coopérations doit se développer entre les zones Sud-Est et celles du Nord. Visant à élargir la base productive et suivant une logique de régionalisation non seulement commerciale mais également politique et institutionnelle, cette coopération pourrait faciliter des formes plus efficaces de programmation et de gestion des ressources, créer les conditions nécessaires à une meilleure sécurité alimentaire, garantir une répartition plus équitable des richesses et permettre une accélération stratégique du processus tant invoqué de libéralisation des marchés ”.