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Les Aurésiens croient aux vertus thérapeutiques de l'huile de cade l'extraction traditionnelle et anarchique de cette huile menace le patrimoine forestier
La demande sur l'huile de cade (El Guetrane), dont l'extraction selon les procédés classiques est pourtant à la fois complexe et prohibée, ne cesse de croître dans la région de Batna où cette substance demeure abondamment utilisée dans la médecine traditionnelle. "El Bignoun", dénomination locale de cette huile, est recherché aussi bien par les ruraux que par les citadins notamment pour des usages thérapeutiques supposés efficaces ainsi que pour le traitement des outres, ces sacs en peau de bouc encore utilisés comme récipients traditionnels servant à la conservation et au transport des liquides. Pour Hadja Merzouka, marchande d'herbes bien connue des habitués du vieux marché aux épices "Radhba" au coeur de Batna, cet extrait naturel séculaire est largement utilisé comme "remède" contre l'inflammation des amygdales par des applications locales, et serait également conseillée pour le traitement de certains rhumatismes et de certaines manifestations de la grippe par inhalation. Chez les herboristes traditionnels, l'huile si recherchée s'échange à 300, 400 DA le litre, et les clients, toujours plus nombreux, font souvent monter les enchères à propos de ses vertus thérapeutiques présumées. Pour Fatma, c'est aussi la "solution-miracle" contre les problèmes de chute de cheveux ainsi que pour la brillance et le raffermissement de la chevelure. La recette préconisée, à cette dernière fin, consiste simplement à diluer de l'huile de cade dans une eau à faible teneur en calcaire. La lotion ainsi obtenue est utilisée à la fin de chaque lavage et le tour est joué! Divers autres usages "réservés aux seuls initiés" sont faits du Bignoun, y compris la médication de certaines infections touchant les animaux des élevages. Constat plus controversé et plus inquiétant: cette huile servirait également à des pratiques charlatanesques réservées aux adeptes de la sorcellerie. Mais comment fabrique-t-on cette huile essentielle? Hadja Merzouka fait remarquer que son extraction traditionnelle est "très pénible". La technique consiste à creuser une fosse dans laquelle est placée une cuve en terre cuite remplie d'eau et sur laquelle on pose un couscoussier plein de morceaux de genévrier oxycèdre, puis hermétiquement fermé par un couvercle en terre cuite. De la terre humidifiée est ensuite appliquée sur les bords de ce système de distillation qui est ensuite recouvert de bois et de végétaux secs pour pouvoir allumer un grand feu. Après plusieurs heures de chauffage, l'huile s'égoutte au travers des poires du couscoussier vers la cuve qui n'est déterrée que le lendemain après refroidissement. Selon Ammi Ahmed, ancien vendeur de l'huile de cade, certains autres extracteurs se contentent de faire cuire des morceaux de bois de genévrier oxycèdre et même de pin d'Alep dans des marmites hermétiquement fermées et placées sur des feux puissants. De la qualité du bois dépendra l'huile qui en est tirée: si le bois est dur et sec, l'huile sera bien concentrée, s'il est encore vert, l'essence extraite sera plus légère. Pratique illicite menaçant le patrimoine forestier Pour les cadres des forêts et du parc de Belezma, “l'extraction traditionnelle et anarchique de l'huile de cade constitue cependant une "pratique illicite" qui menace le patrimoine forestier. Le recours de ces artisans à la coupe des arbres et aux fours traditionnels érigés au milieu des bois porte préjudice aux équilibres naturels dans les forêts”,soutiennent-ils. Explications plus précises de Briki Rachid, chef du service de la protection de la flore et de la faune à la conservation des forêts: “certains extracteurs de Bignoun coupent des branches d'arbres ou y font des entailles qui fragilisent l'arbre et l'expose inévitablement aux parasites puis à la mort. Le procédé le plus ravageur serait celui qui cible les arbres du cèdre de l'Atlas et qui consiste à opérer une entaille très profonde sur cet arbre -protégé et menacé d'extinction- pour en recueillir la sève de couleur marron, qui est l'essence la plus chère car non exposée au feu”, soutient de son côté Hamchi Abdelhafidh, responsable de l'orientation au parc national de Belezma. Cette huile est très rare et son extraction exige près de deux semaines de travail mais constitue une mort certaine pour l'arbre”, ajoute-t-il. L'huile de cade est extraite de plusieurs types d'arbres dont le genévrier qui occupe 76.352 ha des forêts de Batna, du pin d'Alep (76.812 ha), du genévrier oxycèdre ainsi que du cèdre de l'Atlas (6.372 ha). Pour les techniciens des forêts, le feuillage, les branches et les troncs de ces arbres peuvent servir à l'extraction de cette essence mais les extracteurs traditionnels préfèrent généralement les troncs, qui ne sont obtenus que par la coupe des arbres. On signale toutefois que l'interdiction des procédés artisanaux pour obtenir cette huile ne signifie pas qu'il n'existe pas d'autres moyens compatibles avec l'exigence de la protection des forêts, et capables de valoriser économiquement cette huile essentielle. Concernant les vertus thérapeutiques de ce produit, nombre de praticiens et de pharmaciens les confirment par des recherches qui révèlent sa fonction surtout antiseptique mais qui, dans le même temps, mettent en garde contre le surdosage que peut provoquer un usage traditionnel peu maîtrisé.