Par Faouzia Belkichi La crise est bel et bien là. Non pas la crise économique. Mais la crise financière. Une crise boursière. Une crise de liquidités. Une crise de capitaux. Une crise bancaire. À tout moment cette crise, qui n'affecte pour le moment que le secteur financier, peut se transformer en une tornade qui dévastera l'économie mondiale. On a déjà dépassé le stade du battement d'ailes de papillon cher à la théorie du chaos. Ce n'est toutefois pas le grand soir. Juste un phénomène inhérent au capitalisme où les excès et les bulles s'ajustent de manière spontanée. Mais il n'y a pas d'économie de marché efficace sans une régulation adaptée. Il n'y a pas de vrai libéralisme si l'environnement ressemble à un "laisser-faire". C'est pour cette raison que les instances financières mondiales ou locales surveillent l'évolution de l'économie planétaire comme on surveille le lait sur le feu. Revenons donc un instant sur cette crise qui a débuté il y a près d'un an, et qui a révélé toute son ampleur au cours de l'été. Certaines banques, pas toutes heureusement, ont pris tardivement conscience que ces titres à haut rendement (les subprimes) perdaient progressivement toute valeur. Ils se sont donc tous mis à les vendre en même temps comme ils les avaient achetés en même temps, selon une pratique moutonnière, hélas bien connue chez les banquiers. Ceux qui parvenaient à vendre enregistraient des pertes que l'on commence à découvrir. Ceux qui ne parvenaient pas à vendre, faute d'acheteurs, ont dû aussi enregistrer des pertes selon le principe du "mark to market", qui s'applique maintenant à toutes les entreprises cotées. Mais le pire c'est que cette crise, localisée aux subprimes, s'est vite transformée en une crise de liquidités, du fait d'un marché de l'argent asséché. Pour se procurer les capitaux nécessaires à l'exercice de leur métier, les banques ont dû vendre tout ce dont elles pouvaient se débarrasser (actions, obligations, immobilier…). Car la caractéristique de la crise boursière qui déferle depuis cet été, c'est qu'en raison de l'absence d'acheteurs, il existe toute une série d'actifs pour lesquels il est impossible de trouver un prix de référence. Ce qui amène à constater des pertes fictives. Or, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'acheteurs sur tel lot que celui-ci vaut zéro dollar. Pourtant, les nouvelles normes comptables obligent à réviser la valeur des actifs détenus par les banques tous les trimestres. D'où ces pertes colossales qui sont publiées chaque jour, et qui n'ont aucun sens et aucune signification, sinon d'aggraver la perte de confiance des clients, des salariés et des actionnaires. La communauté financière internationale commence à réaliser qu'avec la mise en œuvre de ces normes, elle a ouvert une véritable boîte de Pandore. Car ces pertes, pour une bonne part virtuelles, viennent, réduire les fonds propres des banques et donc leur capacité à prêter. Ce qui accroît encore davantage l'assèchement du marché des liquidités, de l'accès au crédit et joue donc le rôle d'un amplificateur de crise dont chacun se passerait bien par les temps qui courent. Il existe peu d'exemples dans le monde où une institution ne disposant d'aucun contre-pouvoir puisse de son propre fait changer les règles du jeu du capitalisme. Sans mesurer les conséquences dramatiques que ses modifications peuvent avoir sur les résultats des institutions financières, sur la quantité de crédit mise à disposition des entrepreneurs et, in fine, sur la bonne marche de l'économie. En voilà un de plus. Ce n'est pas faire injure au libéralisme de souhaiter que les démocraties reprennent vite la main sur la comptabilité, sans laquelle la confiance des investisseurs ne peut exister de manière durable. Ce n'est pas seulement une question conjoncturelle liée à la crise du moment. C'est un problème structurel. De la comptabilité dépendent les faits et gestes des grands groupes, comme les humeurs des marchés financiers, c'est-à-dire des acteurs de la mondialisation.