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Adapter l 'Algerie face aux enjeux de la mondialisation Ou le couple contradictoire préservation des intérêts de la rente, accélération de la réforme globale
Le Contrat social qui constitue justement un pacte pour la réussite de la transition (qui devient interminable depuis 1986) ne doit pas concerner seulement les partenaires économiques (dont certains segments défendent des intérêts de rente) mais l'ensemble des segments de la société. D'autant plus que l'élément fondamental pour l'émergence de la bonne gouvernance et d'un Etat de droit en Algérie passe fondamentalement par la réinsertion de la sphère informelle qui draine plus de 40% de la masse monétaire en circulation et presque autant en termes d'occupation de la population active. Comme le note avec pertinence l'expert de renommée mondiale le Docteur Hernando de SOTO (1), il faut intégrer toutes les procédures, y compris celle du droit coutumier. Car existent des codifications au sein de cette sphère informelle. Dans la plupart des pays du Tiers-Monde ce sont des notables qui établissent des actes non reconnus, certes, par l'Etat mais qui ont valeur de transaction au sein de cette sphère informelle. On peut émettre l'hypothèse que c'est l'Etat qui est en retard par rapport à la société qui enfante des règles qui lui permettent de fonctionner. Car, quand l'Etat intègre cette sphère au moyen d'actions concrètes sécurisantes, sans actions coercitives ou bureaucratiques, il commence à redonner confiance. C'est ce passage du droit spontané en l'adaptant que l'efficacité de l'Etat lui-même se trouve renforcée, permettant une économie plus citoyenne puisque ces milliers d'entrepreneurs dans la sphère informelle seront redevables de l'impôt et sont concernés par le devenir de la société. Les enjeux futurs étant essentiellement économiques, base de tout pouvoir, et comme dans tous les pays en transition la société algérienne se trouve naturellement confrontée à deux tendances lourdes, avec au milieu une majorité " le marais " qui ne comprend pas les enjeux, qui seront entre 2008/2015 essentiellement économiques, entre les acteurs défavorables et les acteurs favorables aux réformes d'où l'importance des dossiers éminemment politiques comme celui des hydrocarbures, lieu de la production de la rente, du système financier , lieu de distribution de la rente, et celui du partenariat-privatisation , couplé avec celui d'un système socio-éducatif performant ,lieu de la production de la plus value qui en dynamique engendrera de nouvelles forces sociales soit rétrogrades si l'on s'oriente vers un nouveau monopole privé , soit porteuses de progrès si l'on instaure une totale transparence pour une économie de marché véritablement concurrentielle. -a- la tendance conservatrice majoritaire au niveau de certains appareils liée aux intérêts du monopole et de la rente postule le statu quo. Car les rentiers sont bien là. Ils constituent une force sociale active, et ce n'est pas une simple vue de l'esprit. D'une manière étrange, ils prônent la défense de la République, mais, fait unique dans les annales de l'histoire, sans la Démocratie, et invoquent un slogan qui n'existe nulle part dans le monde de l'économie de marché étatique spécifiquement algérienne. Aussi, la tendance rentière consiste à gérer le dossier des réformes selon une vision bureaucratique à partir d'injonctions administratives reposant sur des relais administratifs - le bureau, nécessaire dans toute société, mais à la différence des pays développés analysés par Max weber, étant un facteur bloquant. Cela se traduit objectivement auprès des observateurs nationaux et internationaux par un immobilisme, oubliant que le monde ne nous attend pas et que l'Algérie ne vit pas dans un îlot isolé et que les discours triomphalistes démagogiques sont sources de névrose collective. Car la contrainte du financement interne et externe reste posée malgré la baisse du stock et du principal de la dette et de l'importance des réserves de changes fruit de l'envolée des cours du pétrole et non d'une bonne gouvernance.. Des dysfonctionnements ralentissent l'attrait de l'investissement national et direct étranger, incontournable pour bouleverser les comportements bureaucratiques rentiers, combler le déficit d'épargne et permettre la relance économique. Le bilan dressé à partir des documents officiels, largement diffusés, montre les limites de cette démarche qui peut conduire à un échec programmé, du fait que, pour masquer cet échec, l'on réalise des replâtrages organisationnels et l'on invoque la bonne santé financière, résultat de facteurs exogènes et non du travail et de l'intelligence. En fait, cette démarche, sous l'apparence d'un slogan techniciste, sous-tend elle-même une vision politique et économique, reposant sur l'ancienne vision culturelle : la nécessité du primat de l'entreprise publique à travers le rôle de l'Etat investisseur et gestionnaire, déformant la pensée keynésienne, dont le relais par la relance de la demande globale (investissement et consommation) à travers le déficit budgétaire ciblé donne le primat aux investisseurs privés dans la réalisation des projets avec un rôle stratégique à l'Etat régulateur. b-La tendance réformiste : démocratie et économie de marché Elle consiste à démocratiser la décision économique et politique s'inscrivant dans la mise en place de la démocratie, au sens large, liée à un Etat de Droit basé sur la transparence, impliquant l'ensemble des acteurs économiques, politiques et sociaux, réellement et non pas formellement, nécessitant une approche culturelle différente, qui donne la primauté à la demande, c'est-à-dire aux mécanismes du marché qui constituent l'élément régulateur fondamental. Au diktat doit se substituer la concertation et le dialogue permanent entre les différents acteurs concernés par les opérations des réformes, en évitant à tout prix la segmentation et la centralisation des décisions, produit de toute démarche bureaucratique autoritaire néfaste. Il s'ensuit l'urgence d'avoir une autre, reposant sur des objectifs politiques précis et une cohérence dans les actions pilotées par des structures politiques, techniques mais aussi sociales, comme la société civile et les organisations non-gouvernementales, tissant ainsi des réseaux décentralisés. Ces structures, souples dans leur organisation et efficaces dans leurs actions, ont pour objectif des réalisations concrètes, loin des discours démobilisateurs s'inscrivant dans le cadre d'une libéralisation à vocation sociale. Ces actions seraient un signe fort de la volonté politique de l'instauration de l'économie de marché et, par là, de l'adhésion tant des citoyens que de la communauté internationale à l'esprit des réformes. L'objectif essentiel est la démocratisation de la gestion de la rente, propriété de toute la collectivité nationale, de la dynamisation du secteur privé national et international. Et comme précisé précédemment, l'intégration de la sphère informelle marchande et productive, qu'il s'agit de " dédiaboliser " avec la généralisation des titres de propriété. En ce mois de juillet 2008, nous pouvons émettre trois hypothèses quant à l'avenir du pays : A-Hypothèse : échec du processus des réformes Les conditions de l'échec sont réelles et réunies dans l'environnement juridique et économique algérien en cas de : -Poids important de la bureaucratie centrale et locale non intéressées par les réformes --manque de visibilité et de cohérence dans la démarche économique et sociale, accentué par les rentiers au niveau interne et certains segments d'acteurs externes entretenant des relations informelles et qui ne sont pas intéressés par l'approfondissement des réformes (perte des marchés en cas d'avis d'appel d'offres transparents), -ambiguïté des textes juridiques permettant le blocage légal des réformes, -multiplicité des intervenants autorisant une confusion des prérogatives, -fragilité des capacités d'investissement du privé interne, le plan de stabilisation ayant réalisé une épargne forcée au détriment des couches moyennes qui se sont paupérisées, -méfiance entretenue par des investisseurs internes-externes, par des modifications continuelles de textes de lois alors que la stabilité doit être de rigueur, ainsi que des discours populistes de règlements de comptes sur un sujet sensible qui est la fiscalité, entretenu par les acteurs défavorables, -fortes pressions pour revenir aux pressions protectionnistes dans la mesure où la libéralisation prévue par les accords avec l'OMC et avec l'Europe pour une zone de libre-échange détruisent une fraction de la rente. B-. Hypothèse : statu quo Cette hypothèse préparera les conditions de l'échec en imputant les conditions sociales actuelles (pauvreté et chômage) aux réformes, qui, excepté la stabilisation macroéconomique, n'ont pas véritablement commencées en Algérie (réformes microéconomiques et institutionnelles, enjeux des années à venir), ou à des organes techniques alors que l'essence réside dans l'absence de volonté politique (neutralisation des rapports de forces). Ce statu quo participera à un échec programmé et serait suicidaire pour le devenir de l'économie et de la société algérienne. Cela est entretenu par la confusion de certains concepts assimilant faussement réformes à bradage du patrimoine national. Ainsi, selon les tenants de cette analyse, les réformes seraient dictées par les grandes compagnies pétrolières mondiales, le FMI et la Banque mondiale, nous rappelant les temps de l'Inquisition contre ceux qui prônaient l'économie de marché et l'instauration de la Démocratie. C-Hypothèse : réussite du processus des réformes Les conditions de la réussite des réformes en Algérie sont également contenues dans son environnement juridique, économique et politique. La démystification culturelle est importante et doit continuer, les rumeurs dévastatrices au sein de l'opinion n'étant que la traduction de la faiblesse du système de communication, surtout en Algérie où la voie orale est prédominante. D'une manière générale, selon mon humble point de vue l'Algérie devra relever quatre défis fondamentaux interdépendants entre 2008/2015 : -Le premier défi est une gouvernance rénovée afin de mettre fin aux nombreux dysfonctionnements institutionnels au niveau politique et économique passant par une lutte concrète contre la corruption qui s'est socialisée (banalisée) impliquant la refondation de l'Etat. -Le deuxième défi est d'insérer l'Algérie harmonieusement au sein de l'économie mondiale par la hiérarchisation des priorités basée sur une communication intelligente et active, la bonne gouvernance, plus de démocratie et de liberté par le dialogue des cultures entre l'Orient et l'Occident -Le troisième défi est l'accélération des réformes de seconde génération pour une production et exportation hors hydrocarbures afin d'avoir une croissance soutenue basée sur le savoir( la réforme de l'école mère de toutes les réformes) ,la refonte urgente du système financier condition sine qua non, la lutte contre le chômage et la pauvreté mettant fin à une situation budgétaire instable , car il n' y a aucun génie à attendre le cours élevé du pétrole. -Le quatrième défi : concilier l'efficacité économique et la cohésion sociale évitant cette concentration de revenus au profit de couches rentières. Il y a donc urgence d'une collaboration étroite des partis politiques, des associations et, d'une manière générale, de toute la société civile, l'administration, dont les walis, des entreprises publiques et privées, les collectifs des travailleurs, des syndicats, en aplanissant par le dialogue et la concertation les divergences. Comme il s'agira de concilier l'objectif stratégique au moyen de tactiques précises par une symbiose des intérêts individuels et l'intérêt collectif, en montrant que les gagnants des réformes à moyen terme seront plus nombreux que les perdants à court terme. Une communication intelligente et active est fondamentale pour faire aboutir les réformes. . Tout obstacle à ces réformes ne fait que diminuer le taux de croissance, accroît l'insécurité du pays et, par là, contribue à la déstabilisation sociale et politique. D'une manière générale, il y a lieu de combattre et de démystifier cette vision de sinistrose que certains veulent propager, dans des buts d'intérêts personnels étroits, en voulant perpétuer la crise. Or tout retard induira des coûts sociaux plus importants supportés par les plus défavorisés. Car, les réformes, au-delà des résistances naturelles des tenants de la rente, reposant sur la concertation sociale et le dialogue en réhabilitant le capital humain, en cette ère du XXIème siècle , ère du savoir, basé sur les nouvelles technologies, sont la base du développement en ce monde interdépendant en perpétuel mouvement , où le temps c'est de l'argent : toute Nation qui n'avance pas recule. Forte de l'appui des acteurs externes et la mobilisation des acteurs internes favorables et par une solidarité gouvernementale sans faille, l'Algérie qui, en termes géostratégiques, est un élément indispensable à la stabilité euro-méditerranéenne et arabo-africaine, qui constitue son espace naturel, par une politique plus clairement affichée se traduisant par des actes, peut faire aboutir le processus de la réforme globale en panne , inséparable d'un Etat de droit et d'une profonde démocratisation de la société algérienne. Abderrahmane MEBTOUL Expert International, professeur d'université