La banque américaine Citigroup s'est entendue jeudi avec les autorités américaines pour racheter aux investisseurs plusieurs milliards de dollars d'obligations, un accord peut-être précurseur alors que la crise du "subprime" se transpose sur le terrain judiciaire. L'accord porte sur les obligations dites ARS ("auction-rate securities"), confidentielles il y a encore six mois, mais qui sont devenues depuis l'un des symboles du désarroi des investisseurs face à la crise financière. En théorie, ces obligations n'ont rien de risqué et aucune commune mesure avec les produits financiers complexes qui ont empoisonné le système financier mondial. Mais leurs vertus, à savoir la facilité avec laquelle on peut les revendre, reposaient sur des conditions de marché normales. La panique qui a saisi les investisseurs depuis un an a complètement grippé le fonctionnement de ce marché et empêché, depuis six mois, particuliers et professionnels de revendre leurs obligations. Au total, 200 milliards de dollars seraient ainsi bloqués. Avançant que les banques qui avaient vendu ces obligations avaient trompé les investisseurs sur leurs caractéristiques, les présentant comme faciles à revendre alors qu'il est aujourd'hui impossible de s'en défaire, les autorités américaines sont parties en croisade. L'autorité américaines des marchés (SEC), le ministère de la Justice de l'Etat de New York et d'autres régulateurs ont ainsi obtenu jeudi de Citigroup qu'il reprenne, à leur valeur d'achat et dans les trois mois, 7,5 milliards de dollars environ à 38.000 investisseurs individuels. Selon les termes de l'accord, la banque s'attachera également à liquider, d'ici à fin 2009, le portefeuille de 12 milliards d'obligations ARS souscrites par 2.600 investisseurs institutionnels, et à leur en restituer le produit. Citigroup versera, enfin, environ 100 millions de dollars d'amende. Si Citigroup est l'acteur le plus important du marché des obligations ARS, d'autres sont également visés. Les banques suisse UBS et américaine Merrill Lynch font aussi l'objet de poursuites. Le ministre de la Justice de l'Etat de New York, Andrew Cuomo, réclame notamment à UBS la restitution de 25 milliards de dollars. Le geste de Citigroup pourrait en préfigurer d'autres. "Les autorités cherchent surtout des accords amiables", estime John Coffee, professeur de droits des marchés à l'université de Columbia, qui estime que l'intention n'est pas d'aller en justice. Souvent, la menace d'un procès suffit à obtenir gain de cause. "Lorsque c'est un Etat qui vous attaque, il a les moyens d'accélérer la procédure. Il peut vous menacer d'aller au pénal", explique M. Coffee, sans compter les dégâts que peut occasionner un long procès sur l'image de l'établissement. Pour M. Coffee, "les procès dont on entend parler ne sont que la partie visible de l'iceberg. On ne parle pas des autres parce que les banques concernées souhaitent que cela reste confidentiel. Elles ne veulent pas que d'autres s'engouffrent dans la brèche", explique-t-il. Alors que les investisseurs cherchent aujourd'hui à récupérer sur le terrain judiciaire ce qu'ils ont perdu en Bourse, les autorités mettent également en cause le rôle des banques dans la souscription des prêts à risque. Le premier établissement de prêts hypothécaires américain, Countrywide, fait ainsi l'objet d'attaques de cinq Etats américains, qui l'accusent d'avoir alloué des prêts sans s'assurer que les emprunteurs étaient solvables.