Les deux plus grandes banques du monde sont chinoises. Leurs bilans sont désormais mieux protégés contre une détérioration des crédits. C'est un changement radical du paysage financier global. Il y a seulement deux ans, les plus grandes banques du monde étaient Citigroup, Bank of America et UBS (Union des Banques Suisses). Aujourd'hui, trois des six plus grandes capitalisations boursières du secteur bancaire sont chinoises, selon les données de Bloomberg. Et ce, malgré la baisse de 20% du secteur à Hongkong depuis octobre. Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), le champion mondial, pèse 250 milliards de dollars, soit deux fois et demie l'ex-numéro un Citigroup. Il est suivi de China Construction Bank. En troisième vient la banque britannique HSBC, moins affectée par la crise des "subprime" que ses rivales américaines. Les établissements de Chine continentale ont pu maintenir leur capitalisation boursière élevée en restant presque totalement indemnes des pertes du marché "subprime", tandis que Citigroup, UBS, Merrill Lynch et d'autres amortissaient plus de 480 milliards de dollars, et que leur valeur boursière fondait. En 2007, le secteur bancaire chinois a produit des taux de croissance spectaculaires, avec des bénéfices en hausse de 75% en moyenne pour les six banques cotées à Hongkong: Bank of China, China Merchants Bank, ICBC, China Construction Bank, Citic Bank et Bank of Communications. Le chiffre d'affaires a profité d'une augmentation des crédits de 16%, de taux d'intérêt en hausse sur les prêts et les dépôts fiduciaires, et d'une forte hausse des commissions, notamment sur les cartes bancaires. En parallèle, les taux de crédits défaillants ont chuté, sur fond d'amélioration de la qualité des bilans des banques. Au premier semestre 2008, la tendance s'est poursuivie: les banques chinoises ont vu leurs bénéfices progresser à des taux allant de 50 à 150% sur un an. ICBC a ainsi augmenté son bénéfice de plus de 50%, et China Citic Bank de plus de 150%. Dorris Chen, analyste de BNP Paribas Equities Asia, s'attend à un robuste troisième trimestre, avec une croissance entre 40% et 100%. Expansion à l'international Malgré cette rentabilité record, les actions de ces banques (actions H, cotées à Hong Kong) ont plongé en raison des inquiétudes des investisseurs quant à la durabilité de ces résultats en cas de stagflation globale. Dorris Chen s'attend à un rebond de leurs cours au troisième trimestre, estimant que les bilans s'avéreront plus sains que ne le craint le marché. En outre, les perspectives d'expansion de ces banques sont attrayantes. "La crise américaine offre une opportunité aux banques chinoises ayant des aspirations globales de s'étendre à l'étranger", estime une étude de McKinsey. Alors qu'elles commencent à "faire du shopping" autour du globe, les institutions financières chinoises sont passées, en quatre ans, du statut de cible à celui de prédateur. Elles ont dépensé 20 milliards de dollars depuis mai 2007 pour acquérir des parts dans Blackstone, Morgan Stanley, Barclays et Fortis. Les pertes qu'elles ont toutefois essuyées, estimées par Bloomberg à 7 milliards de dollars, pourraient les détourner des participations à l'étranger. Cette année, les seuls investissements étrangers par des institutions financières chinoises ont été les achats par China Development Bank et par Ping An d'actions supplémentaires dans Barclays et Fortis. Pékin a bloqué le plan de China Development Bank d'investir dans Citigroup en raison des pertes liées au marché subprime. Si l'exposition au secteur financier américain se réduit, la quête d'autres participations se poursuit, les banques chinoises voulant se hisser au niveau de leurs rivales globales. Le 5 août, la presse évoquait que China Development Bank serait en lice pour racheter l'allemande Dresdner Bank, filiale de l'assureur Allianz. Le prix d'achat, estimé à 9 milliards d'euros, en ferait la plus grande acquisition étrangère par une entreprise chinoise. La crainte actuelle est de voir le ralentissement de la croissance du pays affecter les bilans des banques. "La qualité des crédits des entreprises exportatrices, ainsi que celle des hypothèques, pourrait se détériorer", estime Sandra Cai, analyste de Daiwa Institute of Research dans le journal français Les Echos. Toutefois, ces trois dernières années, les banques chinoises ont graduellement amélioré leurs ratios de crédits non performants. Tirant profit de leur croissance bénéficiaire, elles ont considérablement renforcé leurs réserves pour crédits en souffrance. La part de ces derniers reculait encore au 1er semestre 2008, selon Winnie Wu, analyste de Merrill Lynch. Dès lors, la plupart des analystes relèvent que le capital de couverture pour les affaires de crédit reste très élevé chez les grandes banques chinoises.