Réticents à investir dans le pétrole après son rally de 40% depuis le début de l'année et dans les matières premières agricoles alors que les gouvernements commencent à dénoncer les biocarburants, les investisseurs pourraient trouver dans l'eau une thématique de diversification offrant encore un potentiel généreux. En Algérie le même souci demeure la préoccupation majeure de ce début du XXIe siècle. Le choix du dessalement d'eau de mer, coûteux et limité dans l'espace n'offre en fait que des alternatives au bénéfice des zones de la côte algérienne. La thématique s'est progressivement popularisée parallèlement aux énergies alternatives, avec une floraison de fonds d'investissement ayant enregistré depuis 2004 des performances annuelles plus qu'honorables: entre 9% et 12% chez les principales maisons de gestion. Ces fonds ont plutôt bien résisté à la crise, avec une correction moyenne de -3,5% selon Morningstar. Cette correction, si faible soit-elle, est imputable aux conglomérats diversifiés comme General Electric qui, malgré leur leadership dans le secteur de l'eau, génèrent seulement quelques pour cent de leur chiffre d'affaires sur la ressource naturelle. Ces groupes ont été pénalisés par leur exposition à l'immobilier américain. Par ailleurs, certains segments du secteur de l'eau, la distribution dans les pays développés au premier chef, sont beaucoup plus cycliques qu'il n'y paraît: aux Etats-Unis par exemple, 40% de l'eau est consommée par l'industrie, ce qui explique pourquoi beaucoup de "utilities" américaines ont souffert des craintes de récession. Pourtant, l'eau demeure une source abondante d'opportunités financières, à condition de savoir identifier les "blue tech", des acteurs technologiques de plus petite taille, plus innovants, plus orientés vers les marchés émergents, et apportant des réponses durables à la raréfaction de l'eau. Le traitement de l'eau par exemple, industrie qui génère 40 milliards d'euros par an, voit émerger la production de filtres et membranes à haut degré technologique. Parmi les pépites du secteur, retenons la midcap japonaise Kurita Water, qui propose des installations de purification d'eau et d'épuration des eaux usées dans les processus de production et stations d'épuration. Kurita tire une rente de sa maîtrise de l'eau "ultrapure", utilisée notamment pour nettoyer l'eau des écrans à cristaux liquides de la plupart des constructeurs asiatiques grâce à un filtrage des molécules d'eau par membrane. Autre société pionnière, Calgon Carbon Corp. a développé une technologie unique de traitement, le carbone activé, qui "absorbe" les composés organiques contenus dans l'eau à des fins essentiellement industrielles. Calgon Carbon maîtrise également les procédés d'oxydation par ultraviolet des eaux contaminées, afin de les rendre potables. Enfin, la multiplication des réglementations sur le contrôle de la qualité de l'eau devrait aussi être favorable à une société comme Badger Meter, leader international de la fabrication et de la distribution de produits de mesure et de contrôle de l'eau, très présent aux Etats-Unis et en fort développement en Amérique du Sud. Autre famille de "blue tech" innovantes et exposées aux émergents, la désalinisation des eaux de mer, qui vise à accroître le stock d'eau disponible à la consommation. Elle est surtout utilisée au Moyen-Orient (50% du marché), où plus de 75% de l'eau douce disponible est consommée. Ainsi, 70% des ressources en eau sont issues des technologies de désalinisation en Arabie saoudite, qui deviennent de plus en plus rentables à mesure que le prix de l'eau augmente. Le Chine envisage à son tour de produire 1 Mm3 d'eau par jour d'ici à 2015 (contre 0,12 Mm3 en 2007) via la désalinisation. La technologie de l'osmose inverse, qui suppose une filtration sous pression de l'eau de mer à travers une membrane, devrait être prédominante d'ici à 10 ans grâce aux progrès considérables en termes de consommation d'énergie, par rapport à la technologie "historique" de la distillation. Si Veolia Environnement est très actif sur ces sujets, retenons surtout la société Hyflux Water Trust, premier "pure player" de l'eau à être coté à Singapour, un des leaders sur les solutions de désalinisation, au service des marchés en forte croissance tels la Chine, l'Inde, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Le doublement anticipé de la production alimentaire d'ici à 2025 devrait entraîner une augmentation des besoins en eau pour l'agriculture de 20% d'ici à 15 ans, et ce sans compter la diminution des précipitations induite par le réchauffement climatique. Ces conditions rendent attractives les "blue tech" de l'irrigation, bénéficiant d'une avance technologique permettant d'accroître le rendement de l'eau utilisée. Des valeurs comme Valmont Industries ou Gorman-Rupp intéresseront en ce sens les investisseurs, de même que l'américain Lindsay Corp., très présent en Afrique du Sud et au Brésil, qui développe un arsenal de solutions technologiques pour économiser les ressources naturelles: micro-irrigation, stations développant des microclimats, détection automatique de l'humidité des sols afin d'adapter la quantité d'eau utilisée... Enfin, la croissance de la consommation de l'eau dans les pays émergents (+50% d'ici à 2025 selon l'ONU), liée notamment à l'augmentation de la population, à l'urbanisation, mais aussi à l'émergence des classes moyennes, notamment en Chine, rendent tout à fait attrayantes les perspectives de croissance du marché de la distribution de l'eau, dans le monde en voie de développement. Parmi les valeurs intéressantes, retenons Sabesp, distributeur auprès de 25 millions de Brésiliens et coté à la bourse de New York, ainsi que Tianjin Capital (coté à Shanghai), qui compte parmi ses activités le traitement et la distribution d'eau en Chine. Le portefeuille de 15 "blue tech" tire une rente de leur avancée technologique, ou profite de la croissance des besoins des émergents, comme sous-jacents et moteurs de performance à ses solutions structurées pour les investisseurs à la recherche de rendement et/ou de capital garanti. Ce panier de valeurs affiche une performance annualisée proche de 20% depuis 2004, et progresse même de 7% depuis le début de l'année, illustrant son pouvoir diversifiant dans un marché actions difficile.