Les contes de la Bibliothèque verte, les livres parascolaires ou de vulgarisation scientifique ne trouvent pas preneur au premier Festival culturel international de littérature et du livre pour jeunes à Alger, où les enfants se bousculent, mais pour jouer. La vaste esplanade de Riadh El Feth grouille de monde dès l'ouverture du salon, à 16H00. Dans les stands de la vingtaine d'éditeurs algériens et étrangers, abrités de la chaleur du mois d'août sous de jolies petites tentes blanches en toile, des livres pour jeunes de tous genres attendent dans les rayonnages un lecteur intéressé qui se fait désirer. "Y a des livres en tout : parascolaire, histoire, religion... Mais le problème c'est les prix", estime dans une déclaration à l'APS le représentant d'une célèbre maison d'édition libanaise. "Il n'y a pas de différence significative avec les prix en librairie", admet-il, malgré l'exonération de taxes dont ont bénéficié les livres proposés au salon. Même constat pour Youcef, un père de famille de 38 ans, venu de Ghardaïa avec sa femme et son fils de cinq ans. "Mon fils entre cette année à l'école, alors je voulais lui acheter des livres pour l'encourager. Mais je constate que les prix sont les mêmes ici qu'à Ghardaïa", témoigne-t-il. Directeur d'un centre culturel à Berriane, Youcef constate, plus généralement, que les "jeunes boudent la lecture". "Nous avons une bibliothèque climatisée avec des livres en abondance, mais elle reste vide. Il n'y a pas de lecteurs", déplore-t-il. Amina d'Alger, mère de trois enfants, partage cet avis. "Il n'y a pas d'intérêt pour la lecture chez les enfants. Presque tous préfèrent regarder la télévision ou s'amuser avec des jeux sur ordinateur que lire un livre ou faire les devoirs scolaires", se désole-t-elle. Mohamed, cadre dans les chemins de fer, remarque qu'il est "plus rationnel d'acheter une encyclopédie en DVD (en version piratée, NDLR) à 150 DA qu'un livre d'une trentaine de pages à 500 DA". A côté de lui, son fils Wail, 11 ans, confirme en hochant de la tête. L'”île au trésor" fait sensation L'attraction du salon, c'est l'”île au trésor", pas le fameux roman de Stevenson, mais une maquette d'île entourée de quatre bateaux miniatures, que des enfants font avancer sur une bâche quadrillée et posée à même le sol. Selon le coup de dé qu'il lance à tour de rôle, chacun dirige son petit bateau en bois vers le Nord, le Sud, l'Est ou l'Ouest, en tentant d'arriver le premier vers l'île et son trésor imaginaire. Ici les bambins semblent heureux et s'amusent bien. A côté, quelques enfants font le désespoir d'un moniteur qui essaie patiemment de leur inculquer les rudiments du jeu d'échecs, avec de grandes figurines en peluche, secouées à chaque coup de vent. Mais l'honneur littéraire est sauf grâce à l'"atelier d'écriture". Là, des écrivains en herbe s'expriment sur une feuille de papier. L'expression est totalement libre et il n'y a pas de sujets proposés. "Depuis l'ouverture du festival, jeudi soir, nous enregistrons une très bonne affluence. Les enfants s'expriment sur tout avec, à la clef, des prix pour les trois meilleurs récits", dit Ahmed, l'animateur bénévole en charge de l'atelier. Kafka et les enfants Le point noir de cette première édition du livre pour jeunes est cependant dans le choix des publications proposés par certains éditeurs, vu le public visé. Ainsi un éditeur français propose à la vente rien de moins que "Le procès" de Kafka, un autre une étude sur "le fondement idéologique de l'anthropologie moderne". Vraiment kafkaïen. "C'est sensé être un salon pour les enfants mais comme ça on occupe les parents", tempère avec humour un jeune éditeur. La première édition du festival culturel international de littérature et du livre pour jeunes durera jusqu'au 29 août et les stands restent ouverts tous les jours jusqu'à 23h00.