De notre correspondant à Paris Abderrahmane Hayane
Les consulats n'accordent plus de visas sans l'avis du Centre pour les études en France CFI, un organisme installé dans plusieurs pays depuis quelques mois (Maroc, Algérie, Tunisie, etc.) et qui étudie de près les candidatures. La France veut continuer à attirer de brillants étudiants étrangers sur les bancs de ses universités tout en affichant une politique d'immigration restrictive. En d'autres termes, elle souhaite mettre en pratique le concept d'"immigration choisie" cher au ministre de l'Intérieur français Nicolas Sarkozy, même si le projet de visa à points pour les étudiants est enterré. L'enjeu est de taille. Si le nombre d'étudiants a augmenté de 40 % entre 1996 et 2003, il marque le pas depuis cette date. Les autres grands pays sollicitent les jeunes diplômés à fort potentiel et l'Université française n'est plus la panacée dans certains classements internationaux. Au moment où plus de 45 000 nouvelles recrues effectuent leur première rentrée universitaire aux côtés des étudiants français, le gouvernement planche donc sur plusieurs décrets qui doivent fixer les nouvelles règles du séjour des étudiants étrangers en France. La loi du 24 juillet dernier sur l'immigration autorise désormais ces étudiants - s'ils décrochent un master - à demander à la fin de leurs études une autorisation provisoire de séjour de six mois pour chercher un emploi en France, au même titre que les résidents. En 2001, le gouvernement Jospin leur a déjà entrouvert le marché du travail: les diplômés étrangers peuvent rester en France s'ils trouvent une entreprise et décrochent un contrat de travail. Dans la pratique, ils se heurtent souvent aux lourdeurs de l'administration et les employeurs attendent plusieurs mois avant de pouvoir embaucher l'heureux élu. Désormais, seules deux réserves pourront être opposées : le veto du pays d'origine dans le cas où il aurait besoin de la compétence du jeune diplômé et la sous-qualification de l'emploi proposé au regard du niveau de l'étudiant. " Il ne s'agit pas de piller les cerveaux de certains États, ou de retrouver des ingénieurs employés dans des stations-service d'autoroute " explique-t-on au ministère de l'intérieur à Paris. Le 1er janvier 2007, a été créé un " visa- titre de séjour " pour éviter aux étudiants qui arrivent en France les fastidieuses attentes en préfectures et les autorisations de séjours pluriannuelles pour ceux qui restent plusieurs années en France. Pour les assister, les consulats disposent désormais d'un outil, le Centre pour les études en France (CEF). Le CEF est un service de l'ambassade qui informe les étudiants sur l'organisation des études supérieures en France, mais aussi qui "sélectionne" les candidats. Le terme est tabou car ce sont toujours les universités qui accordent ou non un droit d'entrée sur leurs bancs. Elles sont jalouses de leurs prérogatives pédagogiques et certaines se méfient encore d'un outil qu'elle considère "à la solde" du ministère de l'Intérieur et de sa logique de maîtrise des flux migratoires. Dans un passé récent, certaines universités ont eu tendance à accorder un peu facilement des inscriptions. Il est vrai que le montant de leurs crédits dépend du nombre d'étudiants qu'elles accueillent. L'installation du CEF s'est traduite par une baisse de la délivrance des visas la première année. Et pour cause. En Chine, elle a été l'occasion de découvrir que 20 % des documents présentés, notamment les diplômes et les inscriptions, étaient faux. A contrario, la Tunisie semble être un bon "élève " de ces sélections universitaires à la française. Quelque 2 500 étudiants tunisiens partent chaque année finir leurs études en France. Et la liste des candidats s'allonge avec l'explosion du nombre d'étudiants (36 % des 18-24 ans poursuivent des études supérieures). Du coup, les jeunes tunisiens rêvent de traverser la Méditerranée pour enrichir leur CV. Et leur parcours, qui débute au consulat de France à Tunis au CFE, est généralement couronné de succès, très peu de demandes étant rejetées. Près de quarante universités françaises, sur quatre-vingt-dix, ont conclu des accords avec le CEF et acceptent des inscriptions en ligne par l'intermédiaire de ce centre. Le CEF se contente de donner un avis. Dans les faits, les consulats suivent généralement les préconisations des six CEF (Algérie, Maroc, Tunisie, Chine, Sénégal, Vietnam) en fonctionnement depuis 2005. Le Quai d'Orsay compte étendre son dispositif et quinze nouveaux bureaux doivent ouvrir leurs portes le 1er janvier prochain, couvrant ainsi des pays aussi différents que les États-Unis, le Mexique, l'Inde ou le Gabon...