Fabulation ou invention révolutionnaire? Cette question qui accompagne immanquablement toute nouvelle invention, s'applique parfaitement à certaines "révélations" présentées dernièrement à Constantine lors de la 12e exposition nationale sur l'innovation. Parmi les créations dévoilées à cette occasion, figure une invention dont l'auteur affirme mordicus avoir percé, rien moins que cela, le secret de la construction des Pyramides égyptiennes. Assia Bennouar, seule femme ''inventrice'' présente à cette manifestation avec des maquettes de pyramides fabriquées à l'aide de morceaux de sucre, est en effet formelle : elle aurait découvert un procédé permettant, non seulement de reproduire les légendaires merveilles pharaoniques, mais aussi de dépasser l'ingéniosité des bâtisseurs de l'antique Egypte en ce qui concerne la forme carrée de la base de leurs pyramides. Les pyramides que cette Constantinoise propose à la réalisation peuvent avoir, assure-t-elle, des bases de toutes sortes de formes géométriques possibles, et pas seulement carrées. Médecin de formation et de profession, Assia Bennouar explique que son intérêt pour les pyramides lui est venu de sa passion dévorante pour l'archéologie et se dit hantée par la crainte d'être obligée d'exporter son invention faute de trouver preneur en Algérie. Dans le même registre de ce qui ressemble à une première mondiale ou à de la fabulation, M. Mohamed Chada de Ain Touta (Batna) a exposé, entre autres inventions, un procédé qui, selon lui, protégerait les constructions contre les dégâts résultant des secousses verticales. Un procédé, qui en somme, débarrasserait l'humanité des conséquences catastrophiques résultant des tremblements de terre! L'invention de M. Amor Bensidhoum Amor semble, quant à elle, de nature à "révolutionner le monde de la mécanique". Cet oranais est bien fier, en effet, d'annoncer que la filière ''Daimler'' de la prestigieuse firme Mercedes-Benz s'y intéresse au point d'avoir exprimé le voeu de l'acquérir. Il s'agit d'un moteur à explosion qui, selon les explications de son inventeur, va réduire d'au moins dix fois le nombre de pièces par rapport aux moteurs conventionnels, tout en ayant une performance et une durée de vie nettement supérieures et une consommation de carburant moindre. De la ville de Ain Beïda (Oum El Bouaghi) M. Lakhdar Moulay Saâdoune, ingénieur électronicien au chômage (ou presque puisqu'il n'a pu trouver qu'un poste de pré-emploi dans un centre de formation professionnelle), est venu avec une invention tout aussi ingénieuse, en apparence. Il s'agit d'un système d'alarme par GSM pour l'ouverture des portes qui permet, entre autres, de signaler sur le téléphone portable toute tentative d'ouverture du véhicule qui en est équipé et qui plus est, rend impossible la conduite dudit véhicule sans l'utilisation de la puce personnelle de son propriétaire. Autres découvertes, autres doutes Le matériel d'exploration médical va également probablement s'enrichir d'un nouvel appareil si "l'internescope oculaire'', projet présentée par M. Sofiane Azzag de Béjaia, venait à connaître son prolongement sur le terrain. En bref, cet appareil permettrait à l'oeil de "regarder à l'intérieur de lui-même". Un entrepreneur du sud du pays, M. Youcef Ouled Hadj, a également exposé avec plans et schémas à l'appui, un procédé apparemment très ingénieux destiné à prévenir et à résoudre le problème de l'ensablement des installations pétrolières, usines, vannes et autres pipelines. Choukri Laâraba, un habitué des chantiers de la wilaya de Mila, a lui aussi suscité l'admiration des visiteurs en présentant le dispositif qu'il a mis au point pour transformer son chariot élévateur en grue. Une découverte qu'il exploite déjà lui-même comme il le montre fièrement sur un film vidéo projeté sur place. De Tlemcen sont venus les frères Hocine et Lotfi Dib pour présenter un projet qui rendrait un fier service aux malentendants, pour ne citer que cette application d'une invention qui consiste en un système de sonnerie, d'alarme et de réveil fonctionnant par vibration et qui pourrait, par exemple, être placé au poignet d'un malentendant ou d'un enfant nageant dans la mer pour lui signifier de sortir ou de le prévenir d'un danger. Un ancien professeur de mathématiques, M. El Aoufi , a présenté de son côté le projet d'une "horloge astronomique" permettant d'indiquer les heures des 5 prières et la direction de la Qibla quel que soit le lieu où l'on se trouve moyennant l'introduction de paramètres comme la latitude et la longitude de l'endroit. Un technicien de Sonelgaz, Abdelghani Chekkar, d'Alger, qui a déjà à son actif plusieurs inventions brevetées relevant de son domaine professionnel, est venu avec une invention anti-fuites de gaz, tandis que Youcef Benchouk a découvert un dispositif nommé "porteur mobile de pipes" qui permet aux soudeurs de qualification moyenne de faire le même travail que les soudeurs homologués et aux entreprises, ce faisant, de faire un gain de main-d'oeuvre substantiel. Un comité d'expertise pour débusquer les bonimenteurs? Comment savoir si tous ces exposants, pour ne pas leur donner le titre d'inventeurs avant l'heure, disent vrai ou fabulent ? Pour y répondre, MM. Boubaker Othmani et Allali Abderrazak des universités de Blida et Sétif, eux-mêmes inventeurs confirmés pour avoir déjà breveté plusieurs de leurs inventions, préconisent la mise sur pied d'un "comité de lecture et d'expertise compétent" et la création d'une "usine pilote de fabrication de prototypes". Ces deux universitaires, qui ont exposé un procédé permettant l'amélioration de la performance du robot industriel "Puma", ont, de plus, un parcours intéressant et méritoire puisqu'ils valorisent les résultats de recherches de leurs étudiants en graduation et en post-graduation. Une manière d'utiliser judicieusement et patiemment les canaux et les moyens disponibles dans les universités du pays, pour produire des innovations reconnues. Il reste que, charlatans "lumineux", bonimenteurs de génie ou vrais créateurs, toutes celles et tous ceux qui ont fièrement, et avec beaucoup de conviction, présenté leurs projets à Constantine, sont tellement passionnés par leur travail que le visiteur se prend au jeu et se surprend à rêver. Ce n'est assurément pas là le moindre de leurs mérites.