"Le Chant des mariées" de Karin Albou qui était passé au même titre que "La maison jaune " de l'algérien Amor Hakkar, était à l'affiche de la dixième édition du festival du Cinéma méditerranéen de Bruxelles - 28 octobre au 5 décembre- est depuis la semaine sur les grands écrans.C'est le deuxième long-métrage de la réalisatrice tunisienne Karin Albou qui a eu à signer auparavant, " la petite Jérusalem", en 2005, qui était un portrait de deux soeurs entre désirs, traditions et philosophie, qui est projeté aujourd'hui à Paris. Le récit de ce long- métrage se déroule dans une Tunisie des années 40 où deux copines de 16 ans évoluent. " Deux jeunes filles, voisines et amies depuis l'enfance, vivent leurs premières émotions amoureuses. Myriam est promise à Simon, un médecin beaucoup plus âgé qu'elle. Nour aime Khaled, son cousin, qu'elle souhaite épouser. L'une est juive, l'autre musulmane. En pleine période de l'occupation allemande de la Tunisie, les forces de l'Axe tentent de rallier la population musulmane tunisienne en échange d'une promesse d'indépendance. Les deux jeunes filles se rejoignent, alors que tout tend à les séparer... " Encore une fois Karin Albu retourne à ses personnages féminins à travers lesquels elle raconte, et la condition de la femme et les difficultés d'une société qui vacille entre la tradition et la modernité. Les deux jeunes filles partagent la même modeste maison d'un quartier où Juifs et Musulmans vivent paisiblement. Chacune vit en partie les rêves de l'autre : Myriam rêve d'amour, tandis que Nour s'apprête à épouser un jeune homme qu'elle croit désirer, et Nour rêve de savoir et de lecture, tandis que l'attitude rebelle de Myriam la fait presque renvoyer de son école.Sauf qu'à mesure que la guerre avance, les conditions du mariage se compliquent et la paix du quartier vacille sous la propagande fascisante française, un an avant que les allemands n'arrivent à Tunis. Les Juifs sont soumis à une forte amende par l'Etat français, pour tous, le travail et les ressources se font rares. Dès lors, Myriam sera promise à un homme riche qu'elle n'aime pas, et le futur époux de Nour se résigne à accepter un travail sordide... qu'adviendra-t-il de leur amitié ? Lizzie Brocheré (Myriam) et Olympe Borval (Nour) ont interprété avec justesse une fragilité et une tendresse, qui portent dignement la très lourde et d'autant plus belle responsabilité que leur confie la réalisatrice. Heureusement, les autres acteurs ne sont pas en reste (Simon Abkarian, la réalisatrice, elle-même dans le rôle de la mère de Myriam...)Karin Albou choisit une atmosphère froide, hivernale pour raconter cette amitié fusionnelle bousculée par la guerre. On pourrait dire que Nour et Myriam ne sont, ne font qu'une, elles sont l'univers des femmes arabes, juives et musulmanes des années quarante jusqu'à ...aujourd'hui ? Elles posent sur elles un regard tendre, sensuel, dans une proximité maternelle ou amoureuse, qui rend d'autant plus visibles les violences - physiques ou intellectuelles, " traditionnelles " - qu'elles subissent, comme les frustrations sociales qui poussent les uns et les autres, dans les bras de la propagande jusqu'au déni de leur propre conviction. par ses personnages, ses points de vue et ses situations (hammam, mariage, virginité, épilation...) dans un contexte historique dont l'évocation reste taboue en Tunisie comme en France, le film reste intime, parlant des êtres, de l'être, de ce qu'il y a en chacun de nous, et subversif car de situations particulières, individuelles, il emmène dans une réflexion globale, collective, sans cesser de raconter l'histoire - fictive - des deux adolescentes.Du grand cinéma, pétri d'art et d'humanité. Peut-être pas sans défaut, mais sincère. Le film a fait quelques autres festivals internationaux dont le 25è Festival du Film et des Cultures méditerranéennes de Bastia, 30è Festival du Cinéma méditerranéen de Montpellier, le 19è Festival du Film arabe de Fameck, le 13è Festival international des Jeunes réalisateurs de Saint Jean de Luz etc…