La directive européenne de séparation des patrimoines des groupes énergétiques aura vécu. Ainsi, le Parlement européen a finalement renoncé à imposer un démantèlement des géants électriques européens tels que le français EDF ou l'allemand RWE. Le Conseil et le Parlement se sont opposés, notamment sur la séparation patrimoniale des opérateurs historiques d'énergie. D'après l'accord présenté lors d'une conférence de presse par les rapporteurs des cinq textes du troisième paquet énergie au Parlement européen, mais qui doit encore être approuvé par les députés en plénière et par le Conseil, les Etats membres auraient donc le choix entre trois options. Il s'agit de la séparation de la propriété (SP) ou ownership unbundling grâce à laquelle les grandes entreprises énergétiques cèdent leurs actifs relatifs au transport d'électricité et au stockage du gaz pour que ces activités restent totalement séparées de la production d'énergie. Il s'agit également de l'option de l'opérateur indépendant de système (ISO en anglais) avec laquelle les entreprises conservent la propriété de leurs actifs liés au transport, mais en laissent la gestion à un opérateur de système indépendant, chargé de prendre les décisions commerciales et d'investissement. Cette option avait pourtant été totalement exclue par le Parlement lors d'un vote au mois de juin 2008. Enfin la dernière option concerne l'opérateur de transmission indépendant (ITO en anglais). Proposée par les opposants à l'ownership unbundling, la France en tête, cette "troisième voie" donne le droit aux anciens monopoles d'Etats, comme EDF et GDF en France et RWE en Allemagne, de rester propriétaires de leur réseau de gaz et d'électricité. Ces structures seront soumises à une supervision extérieure, et auront des actifs et une direction séparée. A la suite de pressions exercées par des pays tels que les Pays-Bas, le Danemark, l'Espagne, le Portugal et la Pologne, le compromis voté par le Conseil des ministres de l'Energie le 10 octobre dernier interdit aux producteurs d'énergie de racheter systématiquement des réseaux de transmission des entreprises énergétiques européennes qui ont opté pour la dissociation. En clair, EDF, par exemple, ne sera pas autorisé à acheter des lignes d'électricité à haute tension aux Pays-Bas. Nouveauté dans l'accord obtenu lors du trilogue, le Parlement européen a accepté de ne faire aucune différence entre le gaz et l'électricité sur la séparation patrimoniale des opérateurs. Jusqu'à présent, les députés avaient toujours été favorables à la troisième voie pour le gaz. S'il a cédé sur la séparation patrimoniale en tant que telle, le Parlement a tenté de se rattraper en renforçant le rôle du régulateur afin qu'il puisse contrôler l'effectivité de la libéralisation du marché de l'énergie. Selon l'accord du 23 mars, les autorités de régulation nationales (ARN) devraient approuver les plans d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport pour les entreprises qui auraient choisi l'option de la troisième voie. Dans les deux autres cas de figure, l'ARN aurait simplement un pouvoir de contrôle et de suivi des investissements. Appelée "clause Gazprom", en référence à l'énergéticien russe, la "clause pays tiers" était l'un des points les plus sensibles de la négociation. Celle-ci vise à limiter la capacité des entreprises énergétiques appartenant à des pays tiers d'acheter systématiquement des réseaux de distribution et de mettre potentiellement en danger la sécurité énergétique de l'UE. Selon l'accord trouvé entre le Parlement et le Conseil, la clause ferait désormais référence, explicitement, à la sécurité d'approvisionnement des Etats de l'UE et ne se contente pas d'évoquer le pays touché. Ceci confirme ainsi la volonté de l'UE à limiter l'accès des groupes énergétiques hors UE au marché européen du gaz. S. G.