Le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, a estimé jeudi dernier que la décision européenne concernant l'obligation de séparation des patrimoines des sociétés énergétiques en Europe, est une proposition de la Commission européenne dont le but est d'introduire plus de concurrence sur le marché européen. "La décision de l'Union européenne concernant ce qu'ils appellent la séparation du transport de la distribution est une proposition de la Commission européenne pour introduire plus de concurrence sur le marché européen. Il y a des oppositions à cette proposition de la part de la France et de la part de l'Allemagne pour qu'ils laissent le monopole à des sociétés telles que Gaz de France", a-t-il déclaré. "Nous ne sommes pas inquiets car, d'une part, la décision n'est pas finale, et d'autre part, je ne pense pas qu'elle concerne Sonatrach ou l'Algérie", a-t-il dit à la Radio nationale Chaîne III. Le ministre explique son relatif optimisme par le fait que la proposition de la commission européenne, adoptée mercredi à Bruxelles, vise à introduire, selon lui, le principe de la réciprocité des investissements entre les pays producteurs et les pays consommateurs d'énergie, au moment où un pays comme l'Algérie l'applique déjà dans ses relations avec ses principaux partenaires. "Le but de cette proposition est d'introduire beaucoup de concurrents mais aussi la question de la réciprocité, c'est-à-dire que des sociétés étrangères telle que Gazprom (Russie) doivent permettre aux sociétés européennes de prendre des participations si elles veulent elles mêmes participer à des investissements en Europe, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui", a encore expliqué M. Khelil. Il souligne que l'Algérie applique déjà le principe de réciprocité des investissements entre pays producteurs et consommateurs d'énergie retenu par la commission. Actuellement Sonatrach, qui veut investir dans la distribution directe du gaz en Europe, négocie actuellement avec des partenaires en Espagne, au Portugal et en France. Le ministre de l'Energie et des Mines, suite à cette décision de Bruxelles, rassure en déclarant qu'elle ne pourrait ne pas concerner l'Algérie et sa compagnie publique Sonatrach. "Nous ne sommes pas inquiets car, d'une part, la décision n'est finale, et d'autre part, je ne pense pas qu'elle concerne Sonatrach ou l'Algérie". "Le but de la commission européenne et d'autoriser beaucoup de concurrents et d'introduire la réciprocité. Cela ne concerne pas l'Algérie. Nous permettons aux sociétés européennes d'opérer en Algérie et il n'y a pas de raison pour qu'on ne permette pas aux sociétés algériennes d'opérer en Europe", a-t-il encore déclaré, avant d'ajouter qu'il n'y a pas de raison pour qu'on ne permette pas aux sociétés algériennes d'activer en Europe. Toutefois, M. Chakib Khelil averti : "Si la commission maintient le monopole sur les gazoducs et la distribution, il faut s'attendre à des conséquences en terme de concurrence et ce seront les consommateurs qui paieront les frais". Il affirme que la Sonatrach continuera à vendre son gaz et à activer dans la distribution là où elle est présente en Espagne et au Portugal. La Russie ciblée par la Commission européenne Par ailleurs, la Russie qui semble être la cible de la Commission européenne, a réagi jeudi par le biais de son agence officielle. Sous le titre : "L'Europe barre la route aux investissements russes", Novosti écrit que "la Commission européenne a adopté un paquet de mesures législatives susceptibles de modifier radicalement la carte énergétique du Vieux Monde. Objectif : barrer la route aux investissements réalisés dans le système énergétique de l'Union européenne par les pays qui ne font pas partie de cette organisation régionale. Il est évident que les mesures préconisées par les responsables européens seront dirigées en premier lieu contre le géant russe Gazprom qui fournit à l'Union européenne un quart du gaz consommé par ses pays membres". De l'avis du média russe, les autorités européennes souhaitent protéger leur système énergétique contre les "rapaces", à savoir les grandes sociétés des pays hors de l'Union européenne, qui cherchent à acquérir les réseaux européens de distribution d'électricité et de gaz. "Telles qu'elles sont conçues par la commission, les restrictions imposées à ces sociétés seront appliquées jusqu'à ce que les investisseurs étrangers divisent leurs entreprises verticalement intégrées qui contrôlent toute la filière de transport et de livraison des ressources énergétiques. De même, les dirigeants de l'Union européenne estiment que les gouvernements des pays qui n'en font pas partie ne doivent pas s'intégrer dans la gestion des réseaux électriques européens. C'est seulement après que les Etats hors de l'Union européenne auront rempli toutes ces exigences que chacun d'entre eux pourra signer avec l'UE un accord autorisant ses entreprises à postuler pour l'achat d'ouvrages intégrés dans l'infrastructure énergétique de l'Europe", lit-on encore dans l'article de Novosti. Des géants européens lésés La Commission européenne a présenté, mercredi dernier, sa réforme du secteur énergétique pour intensifier la concurrence. Il s'agit, selon, les concepteurs de cette réforme, de casser les concentrations héritées des anciens monopoles en séparant la production d'énergie des réseaux de transport. Plusieurs Etats membres de l'Union, la France et l'Allemagne en tête, sont opposés à ce projet de directive qui risque d'affaiblir leurs champions nationaux, les français EDF et Gaz de France et les allemand E.ON et RWE dont les intérêts seront sensiblement lésés par cette "réforme de marché". Selon les représentants de ces pays, les directives de la Commission européenne seront très difficiles à réaliser. La ministre française de l'Economie a déclaré, mercredi, vouloir rassembler des soutiens contre ce projet de directive. "La France utilisera les moyens à sa disposition pour s'opposer au projet d'unbundling de la Commission européenne dans le cadre de l'ouverture du marché de l'énergie", a expliqué Christine Lagarde. Qui a ajouté "nous allons faire tout ce que nous pourrons pour nous opposer". L'opérateur Gaz de France est également opposé au projet. Selon son patron Jean-François Cirelli, priver GDF de ses gazoducs reviendrait à l'affaiblir. D'autant plus que certains craignent qu'en cas de démantèlement des grands groupes européens, les concurrents étrangers en profitent pour renforcer leur position en Europe occidentale. En outre, elles soulèveront tant de litiges entre les différents acteurs du marché énergétique que celui-ci se trouvera confronté à des difficultés très sérieuses. Selon RFI, la question des tarifs régulés de l'électricité et du gaz n'est pas le seul sujet de l'énergie sur lequel les sensibilités entre Bruxelles et les Etats membres divergent. Depuis plusieurs mois, la Commission plaide pour la séparation des activités de production et de transport d'énergie "unbundling". Dans cette perspective, l'Exécutif européen a adopté mercredi, un projet visant à imposer aux grands groupes énergétiques intégrés, qui détiennent à la fois des centrales électriques ou de gaz et un réseau de distribution, de céder leur activité de transport. C'est déjà le cas pour le secteur ferroviaire.