Pour pouvoir investir, Sonatrach aura à obtenir un certificat délivré par la Commission européenne. Une véritable bataille du gaz est engagée aujourd'hui. Désormais, les entreprises étrangères non européennes qui veulent investir dans la distribution du gaz doivent faire le parcours du combattant et n'ont aucune certitude qu'elles seront agréées. En d'autres termes, les entreprises non-européennes ne sont pas bienvenues en Europe. En réalité, cette interdiction s'adresse en premier lieu à la société nationale Sonatrach qui a fait savoir récemment son intention d'investir dans la distribution en Europe, d'où ses démêlés avec les entreprises espagnoles Repsol et Gas Natural. La Commission européenne a adopté hier un sévère projet contre les entreprises étrangères ayant des velléités de s'installer dans les pays de l'Union. Le projet concerne la séparation des activités de distribution et de production des grands groupes européens, lequel sera examiné par les Etats de l'UE et le Parlement européen. «Mais afin de s'assurer que cette séparation n'entraînera pas une domination du marché européen par quelques grands groupes non-Européens non soumis à cette règle, il faut que nous imposions des conditions sévères aux prises de participation non-européennes sur ce marché», a déclaré le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, lequel a proposé hier d'imposer de «sévères conditions» aux entreprises non-européennes voulant investir dans l'énergie en Europe, en même temps qu'un éclatement des sociétés européennes du secteur. La Commission va demander que soit imposé aux groupes étrangers qui voudraient investir dans les réseaux d'énergie européens, de «certifier» qu'ils ne sont pas fournisseurs de gaz ou d'électricité. Pour pouvoir investir, ces sociétés devraient obtenir un certificat qui pourrait être délivré par la Commission européenne ou une autre autorité européenne ou nationale. Cela exclurait de fait les sociétés extra-européennes qui produisent et vendent du gaz, comme le géant russe Gazprom ou l'entreprise nationale Sonatrach, grands fournisseurs de l'Union. Cette décision pourrait affecter les projets d'investissement des deux entreprises dans le domaine de l'énergie en Europe. D'ailleurs, depuis quelques semaines, des rumeurs circulant dans les marchés financiers, prêtent au groupe Sonatrach des intentions d'acquérir des distributeurs de gaz en Espagne (le groupe Cepsa) et en Belgique (Distrigaz). Aussi, le dernier rapprochement entre l'Algérie et la France dans ce domaine fait état d'un éventuel projet de Sonatrach de distribuer directement son gaz en France dès 2010. Pourtant Sonatrach relativise ses ambitions en précisant qu'elle souhaitait seulement apporter un peu plus de concurrence, sans «devenir un grand acteur de la distribution de gaz en Europe». De son côté, le russe Gazprom cherche depuis longtemps, à pénétrer le marché européen par des rapprochements ou des acquisitions, qui à chaque fois, suscitent des inquiétudes et des protestations des gouvernements en place (ex. Centrica en Grande-Bretagne). Il cherche à appliquer une stratégie assez dynamique visant à élargir sa présence sur les marchés d'Europe, y compris dans le réseau de distribution et les réservoirs souterrains. Aussi, les tensions énergétiques de ces derniers mois entre l'Algérie et l'Espagne ne seraient pas étrangères à cette décision surprenante de l'Europe. Il y a aussi l'idée du cartel du gaz qui ne cesse de préoccuper les Européens. Ainsi, le commissaire européen à l'Energie, Andris Piebalgs, a demandé à Alger et Moscou d'expliquer leurs ´´intentions´´ en les interrogeant sur les conséquences d'une telle entreprise pour les consommateurs. S'ajoute à cela, l'alliance de deux principaux fournisseurs de gaz, Gazprom et Sonatrach, qui inquiète sérieusement une Europe consciente de sa dépendance énergétique qui s'accentue d'année en année. Le torchon risque donc de brûler entre pays producteurs et pays consommateurs. L'Algérie comme la Russie auront certainement à revoir leur stratégie d'investissement dans ce marché. Sonatrach sait maintenant à quel rôle les décideurs européens veulent la confiner: exportatrice du pétrole et du gaz algériens vers les ports d'Europe tout en favorisant l'investissement et l'installation dans notre pays des compagnies pétrolières de ce continent. Mais c'est là une politique à courte vue et qui risque d'avoir un effet boomerang sur l'Europe d'autant que l'Union européenne semble par là abandonner une véritable politique de partenariat, notamment avec la rive sud de la Méditerranée.