Evénement ! Cà s'appelle " Femmes algériennes 1960 " et elle est signée Marc Garanger le soldat français qui a, en mars 1960 pris des milliers de clichés en Algérie où il a été envoyé. L'exposition qui se déroule actuellement à la Bibliothèque nationale de France s'intitule "Controverse ".Pas gratuit du tout le titre puisque depuis son invention, la photographie est au centre de nombreux débats, controverses et aussi de procès retentissants. Initialement présentée à Lausanne, cette expo propose un choix de 80 photographies, de 1839 à aujourd'hui, qui ont fait l'objet de polémiques ou de procédures judiciaires, éclairant au passage notre regard sur les images. Parmi elles, beaucoup sont connues, voire ont accédé à un statut d'icône, parce qu'elles ont fait et continuent à faire débat. Il y a là le républicain espagnol fauché par une balle de Robert Capa, le Baiser de l'Hôtel de ville de Robert Doisneau, les photographies de femmes algériennes de Marc Garanger, celle du prétendu charnier de Timisoara en Roumanie du reporter américain Robert Maass, " Kissing Nun " (1992) d'Olivero Toscani pour Benetton, celle de la petite fille mourante que guette un vautour, un cliché du Sud-Africain Kevin Carter qui a valu à son auteur de nombreuses critiques, le prix Pulitzer 94 et qui est à l'origine du suicide du photographe, une main déchiquetée après les attentats du World Trade Center et enfin celle des prisonniers irakiens humiliés ou torturés par des soldats américains dans la prison d'Abou Ghraib. A la demande du journal Le Monde, Marc Garanger était retourné en Algérie à la recherche de ceux qui sont passés devant son objectif 44 ans auparavant. Le photographe commentait lui-même ses photographies (" France, Algérie : mémoires en marche ", Le Monde, 20 mars 2005). Un portfolio est visible sur le site du journal. Dans le cadre des conférences données régulièrement par l'association Gens d'Images, la Maison européenne de la Photographie a accueilli une présentation de ce travail de Marc Garanger par Jean-Pierre Evrard. " En 1960, rappelle Marc Garanger, je faisais mon service en Algérie. L'armée française avait décidé que les autochtones devaient avoir une carte d'identité française pour mieux contrôler leurs déplacements dans les " villages de regroupement ". Comme il n'y avait pas de photographe civil, on me demanda de photographier tous les gens des villages avoisinants : Ain Terzine, Le Merdoud, le Maghine, Souk el Khémis... J'ai aussi photographié près de 2000 personnes, en grande majorité des femmes, à la cadence de 200 par jour. C'est le visage des femmes qui m'a beaucoup impressionné. Elles n'avaient pas le choix. Elles étaient dans l'obligation de se dévoiler et de se laisser photographier [...] J'ai reçu leur regard à bout portant, premier témoin de leur protestation muette, violente. Je veux leur rendre hommage. "" Ce qu'il y a de presque plus terrible que ces photos de guerre, estimait Philippe Lefait lors d'une émission consacrée à la torture durant la guerre d'Algérie, c'est cet album avec ces femmes d'Algérie [de Marc Garanger] et ce qu'il y a de terrible c'est qu'on a l'impression d'un viol. Enfin quand on regarde ces photos dans le regard de ces femmes, c'est cela dont il s'agit.. ". (" Les Mots de minuit ", 13/12/2000 sur France 2). Le photographe a alors tenu à préciser, " c'est l'acte, c'est la décision militaire qui est un viol. C'est un viol sur tous les plans, c'est un viol militaire, policier, culturel, religieux, et c'était la fin de la guerre. " Né en Normandie en 1935, Marc Garanger est aussi cinéaste. En 1964, il réalise un reportage sur les funérailles de Palmiro Togliatti à Rome avec son ami Roger Vailland. En 1966, avec la bourse de son prix Niépce, il part en Tchécoslovaquie, de l'autre côté du rideau de fer.Depuis, d'année en année, Marc Garanger fait des reportages toujours plus à l'Est, dans presque toutes les Républiques de l'ex-URSS, jusqu'en Yakoutie.Il parcourt pendant sa carrière le monde entier et en rapporte des reportages, d'Ouest en Est, et du Nord au Sud, pour les magazines, les éditeurs de livres et de CD, et les publicitaires.En 2003 et 2004, il suit La Chaîne de l'Espoir, les chirurgiens qui opèrent les " enfants bleus " malades du cœur, au Cambodge. 2004 est aussi l'année de son retour en Algérie à la rencontre des gens et des lieux qu'il a photographié pendant son service militaire.[1]En 2005, il a sa résidence au Foyer de travailleurs immigrés Rhin et Danube, Lyon.Du 3 mars au 24 mai prochain " Controverse " sera visible au Musée de l'Elysée (Lausanne), à la Bibliothèque nationale de France au Site Richelieu et à la Galerie de photographie. Rebouh H