Privés d'avis fiscal par les services des impôts de Marseille, environ 4 000 “vieux” immigrés maghrébins ne peuvent plus bénéficier des couvertures sanitaires et autres allocations. Des droits pourtant vitaux, pour des personnes qui ont parfois travaillé plus de quarante ans. Il faut le dire, l'ensemble des vieux travailleurs - originaires du Maghreb, notamment d'Algérie - subissent les pires tracasseries administratives. Ils se voient refuser la délivrance de leur avis fiscal par les services des impôts de Marseille. De nombreuses femmes, rencontrent le même problème. Elles sont veuves, pour la plupart, et ont parfois travaillé dur plusieurs décennies, vivant de ménages ou de menus travaux. Si l'ordre donné aux agents de bloquer les déclarations d'impôts des désormais "indésirables", émane du directeur du Centre des impôts, M. Bovigny, celui-ci agirait, semble-t-il, sur injonction du ministre du Budget de l'époque, Nicolas Sarkozy en l'occurrence. Une thèse que confirme le président de l'association Le Rouet à Cœur Ouvert, Michel Pirrotina. Et de ce fait, les raisons officielles invoquées sont "lutter contre les abus" et les fraudes. Il est à rappeler aussi que la note ministérielle incriminée, datée du 23 juillet 2005, n'a été rendue publique qu'en novembre 2006, plongeant dans le flou et la circonspection près de 4 000 immigrés retraités. La plupart refusent de croire cela possible et attendent, espérant toujours recevoir l'avis d'imposition ou de non imposition, véritable sésame social pour percevoir le minimum vieillesse et l'allocation logement. Des courriers, provenant de l'assurance maladie et exigeant la production de cet avis pour obtenir une carte de sécurité sociale, tendraient à prouver que les services ont communiqué entre eux. Par ailleurs, une minorité de retraités maghrébins s'est mobilisée, soutenue par des associations locales (Centre Ville pour Tous, Le Rouet à Cœur Ouvert, la LDH,...), et multiplie les actions : manifestations, rencontres avec les services fiscaux qui ne fléchissent pas, avec des avocats. Ni promesses, ni réelles avancées à la clef. Saisie en janvier dernier, la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) a mis en demeure la direction des impôts de lui livrer certains documents, concernant ce blocage. Une plainte a été déposée auprès de l'institution et le tribunal administratif de Marseille a également été sollicité, sans résultats pour le moment. Actuellement, moins de 300 dossiers auraient été "régularisés". Et pour cause, la "régularisation" semble être un redoutable parcours du combattant. Les impôts réclament treize quittances de loyer, parfois difficiles à obtenir, pour l'année 2004. Si la personne visée les fournit, "on lui réclame son passeport", indique un communiqué de l'association Le Rouet. Un procédé tout à fait illégal, permettant de vérifier les visas, les aller-retour effectués, et le nombre de jours passés sur le territoire français. Les retraités maghrébins sont, en effet, tenus de résider 183 jours par an en France, soit environ six mois. A défaut de quoi, ils seraient privés de leurs droits. Une législation qui ne tient pas compte qu'à l'heure de la retraite les anciens aspirent à retourner régulièrement au "pays", auprès de leurs familles, multipliant les allers-retours. Impossible, qui plus est, de résider en France en permanence, leurs ressources n'étant généralement pas suffisantes. Là-bas, le coût de la vie est moindre, ce qui leur permet de jongler.