Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d'Université en Algérie -management stratégique Les Irlandais se présenteront à nouveau aux urnes pour ratifier ou pas le Traité de Lisbonne. Rappelons que le traité de Maastricht a organisé l'Union européenne autour de trois axes essentiels: premièrement l'axe communautaire à partir de la Communauté européenne (CE), la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) et l'ancienne Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), créée pour 50 ans mais qui n'existe plus depuis le 22 juillet 2002. Deuxièmement l'axe consacré à la politique étrangère et de sécurité commune. Et troisièmement l'axe consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. La "Constitution européenne" proposait d'abroger l'ensemble des traités actuels et de les remplacer par un texte unique. Le traité de Lisbonne se borne à modifier les traités existants, d'où le nom de "traité modificatif" ou "mini-traité". Cela explique le choix de la ratification parlementaire dans de nombreux pays. I-Le fondement du traité de Lisbonne Il est utile de rappeler que sur décision du Conseil européen d'Helsinki (10-11 décembre 1999), une Conférence intergouvernementale (CIG) a été ouverte pour examiner des questions d'ordre institutionnel qui n'avaient pas pu être résolues lors des négociations du traité d'Amsterdam. Le Conseil européen de Feira (19-20 juin 2000) a décidé d'élargir l'ordre du jour de cette CIG à la question des coopérations renforcées. C'est dans ce contexte qu'un accord a été trouvé au Conseil européen de Nice (7-10 décembre 2000) dit traité de Nice, signé le 26 février 2001 par les Etats membres et entré en vigueur le 01 février 2003 qui apporte certaines modifications au fonctionnement des institutions de la communauté européenne menacée de paralysie, à cette époque 25 membres mais extrapolant sur le futur élargissement. Depuis la non- ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe par la France et les Pays-Bas (mai- juin 2005), le traité de Nice constitue la base du fonctionnement institutionnel de l'Union européenne. Il s'agit de la taille et de la composition de la Commission européenne, de la pondération des voix au sein du Conseil et surtout de l'extension éventuelle du vote à la majorité qualifiée. II- qu'en est-il du traite de Lisbonne ? Le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 par les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 Etats membres devait permettre à l'Union européenne de disposer d'institutions modernes et de méthodes de travail optimisées grâce auxquelles elle devait relever efficacement les défis de la mondialisation. Elle élargit le vote à la majorité dite "qualifiée" et devait recueillir un soutien allant au-delà de la majorité simple (50% des votes plus un) prenant en compte le poids des Etats. Remplaçant l'unanimité elle s'applique à des question portant sur des sujets importants au regard des demandes formulées par les opinions publiques, comme l'adoption de mesures concernant le contrôle aux frontières extérieures, l'asile, l'immigration ou encore les dispositions relatives à l'accueil des demandeurs d'asile et au traitement de leur dossiers. A cet effet, je mets en relief neuf axes directeurs contenus dans le traité de Lisbonne. - Premièrement, ce traité prévoyait une commission réduite (2009-2014), un commissaire issu de chaque Etat membre et à partir de 2014, le nombre de commissaires correspondra aux deux tiers des Etats membres (soit 18 dans une Union composée de 27 Etats membres), les membres étant sélectionnés selon un système de rotation égalitaire entre les Etats. -Deuxièmement, il instaure un Conseil européen stabilisé ayant pour but de définir les grandes orientations européennes. Car actuellement en application du traité de Nice, le Conseil européen est présidé tous les six mois par un Etat membre, ce qui nuit à la stabilité des travaux du Conseil européen. Le traité de Lisbonne prévoit la création d'une présidence stable. Comme le Parlement européen et comme la Commission , le Conseil européen aura un président à plein temps, qui ne pourra pas exercer de mandat national. Il sera élu à la majorité qualifiée par le Conseil européen pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois président et coordonnant les travaux du Conseil européen et représentant de l'Union européenne sur la scène internationale. -Troisièmement, l'établissement d'un Conseil des ministres des Etats membres de l'Union ayant pour rôle principal de voter les actes de l'Union européenne. Ce Conseil des ministres siège en public lorsqu'il délibère et vote, ce qui va dans le sens de la démocratisation de l'Union européenne. Autre innovation, à la différence du Parlement européen, où l'on vote à la majorité simple, la règle de vote au Conseil prend en compte le poids respectif de chaque Etat de manière à ce que les "lois" votées reflètent à la fois la volonté de la majorité des citoyens européens mais aussi la réalité du poids des Etats membres de l'Union. C'est ce que le traité de Lisbonne qualifie "double majorité" des Etats et des citoyens. - Quatrièmement, ce traité crée un Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il fusionnera les fonctions actuelles de Haut Représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (poste occupé aujourd'hui par Javier Solana) et de Commissaire européen chargé des relations extérieures (poste occupé actuellement par Benita Ferrero-Waldner). Cette fonction devrait favoriser une cohérence et une unité plus grandes à l'action extérieure de l'Union européenne. Il sera nommé par le Conseil européen et investi par le Parlement européen, il sera vice-président de la Commission européenne et présidera le Conseil des affaires étrangères du Conseil des ministres. -Cinquièmement, le renforcement des pouvoirs du Parlement en matière législative, budgétaire mais aussi de contrôle politique. Cela est lié au renforcement de la démocratie représentative qui constitue un élément central de la démocratisation de l'Union prévue par le traité de Lisbonne. Dans ce cadre, le Parlement investit le président de la Commission sur proposition du Conseil européen, "en tenant compte des élections du Parlement européen". Ce qui donnerait, selon les rédacteurs du texte, au président de la Commission une légitimité démocratique plus grande, afin d'éviter la technocratisation de Bruxelles "déconnectée" des citoyens. Pourtant, comme cela se passe actuellement, bon nombre de Chefs d'Etat veulent dans un souci de stabilité reconduire l'actuel président de la commission avant la ratification définitive du Traité de Lisbonne fin 2009. -Sixièmement, le traité accorde une importance à la démocratisation participative de rapprocher les citoyens de la prise de décision en Europe en introduisant des éléments qui favorisent la participation des citoyens à la vie démocratique de l'Union. Ainsi, les citoyens européens peuvent, dès lors qu'ils réunissent un million de signatures au moins provenant d'un nombre significatif d'Etats membres, demander à la Commission de proposer un "projet de loi". Cela devrait permettre de renforcer la possibilité donnée aux organisations et aux associations de la société civile de prendre part aux décisions européennes d'autant plus que le Conseil des ministres siège en public lorsqu'il délibère et vote la législation. A suivre...