Les spores de la rouille noire sont arrivées du Kenya. Dans une serre sécurisée, une équipe de spécialistes du laboratoire des Maladies des Céréales du gouvernement américain a utilisé un spray contenant un mélange d'huile minérale mélangée à de la "rouille noire", exposant des plants sains à la souche Ug99 : deux semaines plus tard, la quasi-totalité des épis étaient bons à jeter. Il suffirait donc que ce puccinia graminis se propage depuis l'Afrique de l'Est, le Soudan, l'Ethiopie, le Yémen ou l'Iran - où elle fait rage - au reste du monde, et la catastrophe alimentaire est assurée.Une souche particulièrement virulente a fait son apparition il y a quelques années en Ouganda et identifiée en 1999. Propagée par le vent et peut-être aussi par les migrations de criquets pèlerins, elle s'est déjà signalée au Kenya et en Ethiopie. Elle vient de faire son apparition en Iran et menace aujourd'hui la production céréalière du Pakistan et de l'Inde. Le climat des pays en cause mais aussi celui des pays européens permettent à la rouille de s'affranchir d'une partie de son cycle dans l'épine vinette, et ainsi de se reproduire à grande vitesse.Les représentants des principaux pays producteurs de blé réclament, en urgence, la mise en place de mesures de lutte contre le champignon responsable de la rouille du blé, Ug99. Responsable de lourdes pertes de rendement, cette maladie pourrait menacer la sécurité alimentaire mondiale. Plus de 130 participants étaient réunis à l'occasion de la Conférence internationale sur la rouille des tiges du blé Ug99 qui a eu lieu à New Delhi du 6 au 8 novembre 2008. Parmi eux, étaient présents, la Fao et ses partenaires de la Borlaug Global Rust Initiative, le gouvernement indien, ainsi que les représentants des ministères de l'agriculture de 31 pays. Conscients de la menace que représente ce champignon pour les rendements en blé et donc pour la sécurité alimentaire en générale, les participants ont affirmé leur soutien aux initiatives nationales et mondiales en matière de lutte contre la rouille. Des plans d'urgence pour conjurer l'épidémie devraient, en effet être élaborés par les pays touchés et les pays à risque. La nécessité d'intensifier la recherche agronomique, afin de développer des variétés résistantes à l'Ug99 a également été soulignée.La menace est bien réelle, confirment les épidémiologistes car la plupart des blés cultivés dans le monde sont sensibles à ce nouveau mutant. Et cela fait des décennies que l'on n'avait pas vu une souche aussi dangereuse. Certains experts pensent que, depuis l'Iran, il est inévitable que la rouille noire contamine d'abord le nord de l'Inde et le Pakistan. Depuis là, la Russie, la Chine et l'Amérique du Nord seraient les prochains dominos. Le Centre International pour l'Amélioration du Maïs et du Blé estime que, pour 19% de la production de blé mondiale, le danger est imminent.Pour Rick Ward, coordinateur auprès du projet de Résistance Durable à la Rouille du Blé de l'université de Cornell, dans l'Etat de New York, "une crise humanitaire importante est inévitable". Pour se préparer à ce tsunami, la communauté scientifique a identifié une demi-douzaine de gènes qui permettraient au blé de résister à l'Ug99. Toutefois, une période de neuf à 12 ans, et une somme de travail titanesque, semblent nécessaires avant de parvenir à remplacer le blé actuel par sa version modifiée.Dans le pire des cas, le monde ne risque rien de moins qu'une famine à grande échelle.Les changements climatiques rétrécissent les saisons, et il n'y a eu aucun encouragement à l'investissement dans l'agriculture. Pour ces raisons, les experts pensent que la prochaine crise alimentaire, quand elle arrivera, sera un plus grand choc. Il suffira d'une seule mauvaise récolte, et nous aurons une famine de masse sur les bras. Les gens partent du principe que les bonnes années dureront toujours. La nourriture a toujours été là, donc ils imaginent qu'elle le sera également à l'avenir. Dalila B.