Terzagh Benomar, doyenne de l'Imzad, décédée samedi à l'âge de 84 ans suite à une longue maladie, a emporté avec elle une partie de cette musique ancestrale transmise de génération en génération par les femmes de l'Ahaggar. L'imzad est une vièlle monocorde, qui nous vient de la nuit des temps. Plus qu'un instrument, l'imzad est un symbole du pouvoir, suggérant une musique particulière vouée à un ordre social, à une organisation de l'espace et du temps. L'Imzad est un symbole, le symbole de toute une identité culturelle qui risque de disparaître à jamais. Avec l'évolution de la vie moderne, l'imzad et toute la culture qui gravite autour est en train de mourir. Il ne reste plus que quelques vieilles femmes qui savent en jouer, elles rêvent de transmettre leur savoir pour laisser en héritage au monde entier, ce patrimoine culturel ancestral. Pour Brahim Belkheir de l'association "Imzad-Tindi" de Bordj El Haoues (Djanet), "la relève doit impérativement se faire, sans quoi, c'est toute une facette de notre patrimoine qui se dissout inexorablement dans l'oubli". Terzagh Benomar "a de tout temps été pour nous une grande référence, car maniant l'instrument Imzad avec amour et art, mais aussi une ambassadrice de la musique et de la chanson targuies de l'extrême sud-est du pays, de Djanet en particulier", a souligné pour sa part Mme Allouani Zohra, employée à la commune de Djanet."A travers son art, cette grande Dame a su imprimer les lettres de noblesses à cette musique et lui donner une notoriété universelle par sa valeur réelle qui se traduit à travers ses textes évoquant l'histoire contemporaine et le quotidien, les traditions et la modernité ainsi que les joies et les peines", a-t-elle ajouté. Cette notoriété, Terzagh Benomar l'a acquise lors de ses voyages dans les grandes capitales du monde où elle s'est produite dont notamment en France, en Italie, en Espagne et au Japon, où elle avait effectué son dernier voyage en 2005 avec le défunt mélomane Othmane Baly. Comme tous les grands maîtres, Terzagh Benomar, a su faire naître de nombreuses vocations au milieu des jeunes filles de sa ville natale Djanet, à travers la création d'une école de l'Imzad de l'extrême sud-est du pays. " La région de Djanet et en particulier l'association de la Sebeiba viennent de perdre une grande joueuse de l'Imzad. Cette perte sera ressentie lors des grandes manifestations culturelles et artistiques à travers la wilaya", a indiqué à l'occasion, Mme Allouani. Autrefois, a précisé Adani Zohra, amie de ses deux filles à Djanet, "une femme sur deux savait jouer de l'imzad. Aujourd'hui, seules cinq femmes déclarent maîtriser cet art". Ces femmes âgées, a-t-elle ajouté, ont été recensées sur l'ensemble du Tassili des N'Ajjers et du Hoggar. "La probabilité de découvrir de nouvelles artistes de sa trempe reste très faible", a-t-elle estimé avant de souligner que, "c'est grâce à ces femmes vaillantes que la culture targuie continue d'exister". Ce recensement a pris forme, a-t-on expliqué, "afin de redonner vie et longévité à cette culture transmise par la femme, mais aussi et surtout afin de donner davantage de crédit et de valeur à cette Dame au sein de son groupe ethnique et de sa propre culture tout en lui conférant le rôle réel qui est le sien". L'objectif primordial de l'Association "Imzad-Tindi" de Brahim Belkheir de Bordj El Haoues, est de participer à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du Tassili N'Ajjers, qui remonte à des milliers d'années, en militant pour la préservation de l'authenticité de l'Imzad et du Tindi en tant qu'expression culturelle et identitaire. "Nous oeuvrons à encourager le développement de cette musique, sur les plans culturel, social et économique, au profit des populations des régions du grand sud du pays", a-t-il souligné. Afin de transmettre ce prestigieux héritage dont elle a toujours pris grand soin, Tarzagh Benomar a organisé entre 2002 et 2005 des ateliers d'apprentissage de l'imzad pour les jeunes filles dans sa demeure à Djanet.