Les centres urbains historiques des villes du sud et de l'est de la Méditerranée jouent un rôle essentiel dans la conservation du capital culturel et social des pays méditerranéens. C'est dans ce contexte que la Banque européenne d'investissement (BEI) a lancé cette semaine à Marseille un "Programme Médinas 2030", qui se donne deux ans et demi pour fixer la trame d'une réhabilitation des centre-villes historiques du sud et de l'est de la Méditerranée. Depuis qu'elle a retenu l'attention des responsables politiques et des urbanistes, la question de la réhabilitation des villes historiques dans les pays du sud de la Méditerranée a, en effet, suscité une grande quantité d'études, projets et plans. Toutefois, cette prise de conscience de l'enjeu de la conservation des Médinas s'est souvent traduite par des interventions insuffisantes. Certaines parties ont été restaurées, ne serait-ce que pour satisfaire un tourisme mondialisé en quête d'"esprit des lieux"; mais, pour l'essentiel, la ville historique continue à abriter une population pauvre, manque toujours d'infrastructures et d'équipements et ne cesse de se dégrader. Face à la modestie des résultats obtenus, Médinas 2030 suggère de reformuler la question de la réhabilitation des villes historiques dans une perspective de moyen terme, en faisant l'hypothèse qu'il faut l'inscrire dans le cadre des transformations économiques, sociales et spatiales que les pays du sud de la Méditerranée vont connaître dans les prochaines années. L'initiative "Médinas 2030" a été lancée par la BEI dans le cadre de la Biennale architecturale de Venise de 2008, sur le constat d'un processus continu de dégradation économique et sociale qui affecte le cœur des cités du Maghreb et du Proche-Orient et leur fait perdre leur âme. Constat d'autant plus alarmant, selon le bras financier de l'UE, que l'avenir de la région à l'horizon 2030 se jouera sur la gestion du "fait urbain", avec 100 millions de citadins supplémentaires et 80% de la population concentrée sur le littoral. La BEI, via sa facilité d'investissement et de partenariat en Algérie, en Egypte, à Gaza-Cisjordanie, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Syrie et en Tunisie, veut échafauder une stratégie de réhabilitation urbaine durable, mêlant financements publics et privés. "Il s'agit de réparer un oubli, car le développement urbain ne fait pas partie des priorités de l'Union pour la Méditerranée", a souligné Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la BEI. Pour concrétiser ses intentions, la BEI, qui n'annonce cependant pas de budget à ce stade, a lancé un "Programme Médinas 2030" qui sera mené au sein du Centre de Marseille pour l'Intégration en Méditerranée (CMIM), inauguré vendredi sous l'égide de la Banque mondiale et de la ville. Dans les prochaines années, des circuits touristiques, un plan d'aménagement et une charte architecturale sont aussi prévus, pour un investissement total d'environ 25 millions d'euros. Pour la BEI, l'exemple à suivre est celui de Tunis, dont la médina classée au Patrimoine mondial par l'Unesco dès 1979, est "centre de ville et de vie, nullement ghetto culturel", l'un des écueils à éviter. Le cas d'Alger est également montré du doigt en raison de la lenteur des actions de sauvegarde de la Casbah pourtant classée au Patrimoine mondial depuis 1992. La valorisation du patrimoine doit s'accompagner aussi d'une réhabilitation de l'habitat et de l'activité économique, mise à mal par la concurrence de nouveaux espaces urbains en périphérie des villes, au profit de la population. Lotfi C.