Le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Jacques Diouf, a plaidé samedi pour l'investissement dans le développement de l'agriculture des pays pauvres, jugé plus fiable que la classique aide alimentaire qui leur est fournie. "Il faut donc investir pour le développement agricole" a-t-il souligné dans une interview au journal Le Monde déplorant les blocages sur l'agriculture à l'OMC où "Il faut négocier pour un commerce équitable afin que les plus pauvres ne soient pas désavantagés au regard des règles de concurrence". Dans le cadre du cycle de Doha (OMC), le DG de la FAO a souligné qu'il faut apporter aux pays pauvres "les facteurs modernes de production, et ne pas se focaliser sur les injustices autour du coton, du lait ou de la viande". Ces derniers produits sont au centre d'un bras de fer entre producteurs des pays riches avantagés par des subventions publiques, et producteurs de pays pauvres soumis à cette concurrence déloyale les empêchant d'écouler leurs produits sur les marchés occidentaux. Par ailleurs, le problème de l'alimentation dans le monde entier se pose de plus en plus avec acuité. La planète pourra-t-elle fournir de quoi manger aux 9 milliards d'humains qu'elle portera en 2050 ? Les agronomes du monde entier se posent cette question avec d'autant plus de circonspection qu'aujourd'hui, sur les 6,5 milliards d'habitants que compte la Terre, 2 milliards sont mal nourris et 854 millions sont "affamés", disposant de moins de 2 200 calories par jour. "Le défi est donc de pouvoir produire 30% de plus puis de doubler la production en 2050 pour nourrir 9 milliards de personnes", a alerté le Pr Marcel Mazoyer de l'AgroParisTech. Pour atteindre ces objectifs, la production agricole mondiale devra doubler. Comment faire ? La première des choses est l'augmentation des surfaces cultivées. Les terres arables représentent aujourd'hui 1,5 milliard d'hectares. Ce chiffre pourrait être presque doublé, selon l'étude prospective "World agriculture : towards 2030/2050" menée par la FAO . S'appuyant sur des images satellitaires, l'étude estime à 2,8 milliards d'hectares l'ensemble des terres utilisables, avec notamment des terres disponibles en Afrique et en Amérique du Sud. "Il est possible de multiplier par 1,7 la superficie cultivée tout en réservant les terrains nécessaires pour les habitations et les infrastructures et en préservant les forêts" estime M. Mazoyer. Cette thèse très optimiste est cependant contestée par d'autres experts. Les terres apparemment vides sont déjà utilisées en jachères par rotation longue des cultures. Deuxième solution envisageable pour répondre au défi démographique, faire progresser les rendements moyens des surfaces cultivées. Une solution que la majorité des agronomes estime réalisable. Dans les pays développés, l'agriculture intensive permet des rendements élevés (de 2 à 10 tonnes par hectare). Mais ils ne pourront plus tellement progresser, et le modèle n'est pas transférable aux pays du Sud, où les faibles rendements ont de grandes marges de progression. Aussi, l'usage des produits chimiques et phytosanitaires entraîne au Nord une forte pollution. Alors, quelle nouvelle approche technique peut -on imaginer ? Les OGM ? Sont-ils réellement une solution pour les pays les plus pauvres ? Pas forcément, répondront les agronomes. Pour les agronomes, il faut utiliser moins de machines, d'engrais chimiques et de pesticides que d'ailleurs les paysans pauvres peuvent rarement se payer. Une expertise pilotée par la Banque mondiale et regroupant 800 experts internationaux est actuellement en cours et va dans ce sens, explique t- on. Ce nouveau modèle, dénommé éco-agriculture, agroécologie, ou agroforesterie, pourrait faire doubler, sans moyens conséquents, les rendements des pays du Sud, là où la nécessité est la plus criante. Il repose sur la capacité des écosystèmes à se régénérer grâce à des associations de plantes différentes, avec des successions de multiples cultures au long des années.