Les taliban ont annoncé avoir remis à des chefs de tribu le journaliste italien Daniele Mastrogiacomo, qu'ils avaient enlevé et accusé d'espionnage, mais ont prévenu qu'ils le referaient prisonnier si le gouvernement afghan ne satisfaisait pas la totalité de leurs demandes. Le ministère italien des Affaires étrangères a assuré quant à lui que toutes les conditions fixées par les ravisseurs avaient été remplies mais juge néanmoins que la situation est dans une "passe extrêmement délicate". "Pour faciliter le travail des organisations caritatives qui cherchent à obtenir la libération de Mastrogiacomo, il est nécessaire, dans cette phase extrêmement délicate, de demander à la presse d'observer le silence sur l'évolution de l'affaire", a demandé le ministère. Pour le gouvernement italien, Mastrogiacomo, qui est né à Karachi, est toujours retenu contre son gré. "Il a probablement été remis à des gens qui ont pour tâche de vérifier si certaines conditions ont été remplies et de le libérer ou non", a dit un porte-parole du gouvernement. L'ONG caritative italienne Emergency, qui dit jouer un rôle de médiation dans la crise et a reçu une vidéo de Mastrogiacomo, le 14 mars, juge elle aussi que la situation n'est pas résolue. "Les demandes des taliban doivent être complètement satisfaites et nous n'en sommes pas encore là, ce qui rend la situation complexe et inquiétante", a dit à Reuters le vice-président d'Emergency, Carlo Garbagnati. Le président du Conseil italien, Romano Prodi, dit avoir été en contact téléphonique avec le président afghan Hamid Karzaï, qui effectue une visite en Allemagne et en France. Il n'a donné aucune précision quant à leur échange. Le journaliste du quotidien La Repubblica et deux de ses collègues afghans ont été enlevés voici deux semaines dans la province méridionale de Helmand, où les forces de l'Otan et des troupes afghanes ont lancé une grande offensive. Les taliban, selon lesquels le journaliste a avoué avoir espionné pour le compte de l'armée britannique, avaient prolongé samedi de trois jours le délai pour l'exécuter, si, à la date de lundi, la totalité de leurs exigences n'étaient pas satisfaites. La Repubblica a nié que Miastrogiacomo soit un espion et a souligné qu'il travaillait pour le quotidien depuis 1980. Mastrogiacomo et son interprète afghan ont été remis à des chefs de tribu après la libération par les autorités afghanes de deux responsables taliban, a affirmé à Reuters un porte-parole des insurgés, Qari Mohammad Yusuf, par téléphone satellitaire. "Nous les avons remis tous les deux à une tierce partie après la libération de deux des trois personnes que nous souhaitions voir libérées", a déclaré Yusuf, sans dire où le journaliste et l'interprète avaient été conduits. Un responsable provincial a déclaré que les deux taliban avaient été libérés samedi en fin de soirée. Il s'agit, selon Yusuf, d'un porte-parole, Latif Hakimi, et d'un responsable appelé Ustad Yasar. Les deux hommes avaient été arrêtés au Pakistan en 2005 et confiés aux autorités afghanes. Les insurgés, a souligné Yusuf, veulent la libération d'un troisième taliban et Mastrogiacomo ne sera pas relâché avant cela. Si cette demande n'est pas satisfaite, les taliban reprendront en otages le journaliste et son interprète. Selon certains médias, le chauffeur de Mastrogiacomo a été exécuté jeudi, ce qui explique que l'Italie ait annoncé qu'elle redoublerait d'efforts pour obtenir la libération du reporter. Par ailleurs, plusieurs employés de l'ambassade des Etats-Unis à Kaboul ont été blessés hier, dont un gravement, dans un attentat suicide à la voiture piégée contre leur convoi, le premier à frapper la capitale afghane depuis le début de l'année. Cette attaque a fait trois blessés parmi des civils afghans, dont la vie n'était pas en danger, selon un responsable des services de santé afghans, Salam Jalali. "Un convoi de l'ambassade a été touché par un attentat suicide à la voiture piégée sur la route de Jalalabad. Il y a des blessés, dont un gravement qui a été évacué", a déclaré le porte-parole de l'ambassade, Joe Mellot, en précisant que l'ambassadeur n'était pas dans le convoi. Il ne pouvait préciser combien d'employés américains avaient été blessés mais, selon M. Jalali, "six étrangers" ont été touchés. L'attaque s'est produite sur la route vers Jalalabad, à la sortie est de Kaboul, une artère très fréquentée par les convois des forces internationales. La carcasse tordue et calcinée du véhicule piégé se dressait en travers de la route jonchée de débris, selon un journaliste qui a pu voir trois véhicules 4X4, dont un était endommagé. Le kamikaze a été tué par l'explosion, selon les autorités afghanes. Il s'agit de la neuvième attaque suicide à frapper l'Afghanistan depuis une semaine et la première dans la capitale depuis l'explosion d'une voiture piégée contre la maison d'un député anti-taliban qui avait fait 8 blessés en décembre dernier. La capitale afghane a été jusqu'à présent relativement épargnée par les attaques et attentats pour la plupart perpétrés par des militants de l'ancien régime des talibans (1996-2001) dans le sud et l'est du pays. L'attaque suicide la plus meurtrière à Kaboul avait fait, en septembre 2006, 16 morts, dont deux soldats américains, à seulement quelques dizaines de mètres des bâtiments ultra-protégés de l'ambassade américaine.