ZAHAF Sid-Ali * L'Algérie est aujourd'hui connue par sa situation financière confortable. Mais l'Algérie c'est aussi ce pays qui a accumulé beaucoup de retard. L'Etat doit donc veiller au développement des infrastructures de base afin de lancer une dynamique de développement économique viable. Les différents plans nationaux tracés et en cours d'exécution, prouvent bien que notre pays est en droit de se permettre une pareille politique de croissance à long terme. Dans ce contexte, les entreprises étrangères ont les yeux tournés vers notre pays. Ils y voient un immense marché à conquérir. Dans un rapport de veille externe sur l'Algérie publié en été 2009, il est écrit : "grâce au programme d'investissements publics pour le quinquennat 2005-2009 de l'ordre de 180 Mds USD, le secteur du BTP est en forte croissance. Les besoins ne peuvent pas être pris en charge par les seules capacités locales. Dans ce contexte, le BTP constitue un domaine où les opportunités d'affaires et de partenariat sont intéressantes" 1. Pour leur part, les entreprises algériennes, qu'elles soient étatiques ou privées, n'arrivent malheureusement pas à voir ou à saisir leurs belles parts de marché qui tombent systématiquement au profit de la concurrence internationale. Au-delà de ces réactions - ou bien de ces inactions devrais-je dire - fondées sur des observations justes, une grande inquiétude, une nervosité planent au sein des acteurs socio-économiques de la Nation. Au même moment, les autorités algériennes continuent d'aménager les différents dispositifs régissant les activités économique et commerciale afin d'assurer un meilleur équilibre économique national. Elles imposent de nouvelles règles. A titre d'exemple, le crédit documentaire imposé pour les transactions commerciales étrangères est potentiellement source de délais additionnels et, par conséquent, une augmentation des coûts, mais également une raréfaction relative, des marchandises. Ici encore, l'inquiétude et la nervosité règnent. Les gestionnaires se demandent quelles seront les conséquences sur notre économie de certaines mesures prises par nos autorités qui s'apparentent de prime abord à un retour au protectionnisme, voire une entrave supplémentaire destinée à freiner l'entrepreneuriat, même dans un contexte d'économie de marché. En Algérie, les tenants de deux points de vue opposés sur l'utilisation des ressources financières disponibles se font actuellement entendre. Les uns soutenant que l'essor économique du pays doit impérativement passer par des investissements majeurs pour développer les infrastructures du pays et les autres, au contraire, affirment que les ressources nationales doivent servir également au développement et à la croissance des PME-PMI qui constituent la base essentielle d'une économie forte et prospère. Entre les deux existe une portion non négligeable de la population active qui reste durement marginalisée, dont des ingénieurs compétents qui ont été préparés dans les universités algériennes, prennent malgré eux le chemin de l'exil pour trouver toit et travail dans des pays lointains. Ce tableau, combien sommaire, permet de tirer très rapidement quelques conclusions d'une importance stratégique. Pour ma part, je pense à une pièce maîtresse qui manque à notre puzzle : le pays souffre d'une faiblesse structurelle alarmante en termes - qualitatif et quantitatif - d'entreprises algériennes capables véritablement de prendre en charge des tâches de conception et de réalisation des grands projets de BTP. Aujourd'hui l'Algérie ne possède pas ces prolongements opérationnels permettant d'assurer avec autonomie la réalisation des ambitions affichées. Pouvons-nous transcender cette situation ? Pouvons-nous profiter de ce contexte afin de susciter un potentiel d'émergence pour notre économie et trouver de nouveaux mécanismes de coordination à la fois fiables et stables, de nouveaux modèles d'affaires pour nos entreprises, bien au-delà de la transformation agroalimentaire, de la commercialisation des produits importés et de la construction urbaine qui, tous secteurs confondus, n'arrivent pas à franchir le seuil de l'organisation moderne ? Une suggestion : concerter nos efforts et réfléchir à des solutions opérationnelles. En d'autres mots, les pouvoirs publics en collaboration avec des entreprises d'un même secteur économique pourraient convenir de consacrer du temps à l'étude approfondie des modèles d'affaires de groupes internationaux tels que SNC Lavalin (Canada), Bouygues Construction (France) ou bien encore Orascom Construction (Egypte) - et bien d'autres exemples - afin de saisir l'importance stratégique de ces groupes par rapport à leur pays d'origine et par rapport aux synergies à grande valeur ajoutée crées au sein de ces groupes même. Puis, chaque entreprise serait invitée à examiner son modèle d'affaires, en ayant à l'esprit d'identifier en quoi elle correspond à la dynamique du développement économique national. Le secteur du BTP présente de belles opportunités de partenariat et de transfert technologiques pour nos entreprises. Cette démarche permettrait probablement de découvrir de nouveaux modèles d'affaires reposant sur une chaîne de valeur nationale bien plus cohérente. Au-delà des problématiques ardues telles que la diversification des exportations ou bien la rationalisation des importations, plus d'importance pourrait être accordée par exemple, à la création de leaders nationaux spécialisés dans les divers secteurs technologiques de la conception, du financement et de la réalisation des grands projets industriels. Regardons la situation dans son entier, Je suis convaincu qu'on y découvrirait un potentiel humain et matériel inexploité dans la chaîne de valeurs actuelle et à venir. Commençons d'abord par cueillir les beaux fruits qui se trouvent pendus dans notre propre verger, ceux qui sont juste devant nos mains. *. Consultant en management, stratégie et organisation, diplômé de HEC-Montréal (2003). Email : [email protected]. Notes 1. " Le secteur du BTP en Algérie ", publié par UBIFRANCE, disponible sur Internet à l'adresse http://home.med-allia.com/uploads/ss3iCms/docs/btp.pdf en date du 25-02-2010.