La révélation mercredi qu'une juge allemande a refusé d'accorder le divorce immédiat à une femme d'origine marocaine battue par son mari au motif que le Coran ne condamne pas ces traitements, a suscité une vive polémique jeudi en Allemagne. "Où vivons-nous en fait? Une juge autorise les coups entre époux... et se réfère au Coran", s'offusque sur un quart de page de sa une le quotidien le plus lu d'Allemagne, Bild. Le Conseil central des musulmans en Allemagne a immédiatement réagi, estimant que la juge "aurait dû se référer à la Constitution allemande et non au Coran", et a rappelé que, dans l'islam aussi, la violence et les mauvais traitements, quel que soit le sexe, étaient des motifs de divorce. "Au nom du peuple: les coups sont autorisés": le quotidien de gauche Taz publie pour sa part, en première page, une partie du verset 34 de la 4e sourate du Coran, et la traduit comme suit: "Si vous craignez que quelque femme se rebelle, alors menacez-la, rejetez-la dans le lit conjugal et battez-la!". D'après des experts du Coran, l'expression "battez-là" est cependant interprétée de manière différente, plus ou moins littérale, selon les traductions. Un tribunal de Francfort (ouest) a approuvé mercredi un recours déposé par l'avocate de la femme âgée de 26 ans et mère de deux enfants, visant à dessaisir la juge allemande. Un nouveau juge va se saisir de l'affaire. La juge dessaisie a exprimé ses regrets, a indiqué un porte-parole du tribunal, ajoutant qu'une procédure disciplinaire était à l'étude. Elle n'a pas mesuré l'impact et la portée de sa décision, a-t-il ajouté, précisant qu'en aucune manière la juge n'approuvait les violences conjugales. La classe politique allemande, toutes couleurs confondues, a désavoué la juge "Quand le Coran est élevé au-dessus de la loi fondamentale allemande, alors il ne me reste plus qu'à dire: bonne nuit, Allemagne!" s'offusque dans Bild le secrétaire général de la CDU, Ronald Pofalla (Union chrétienne-démocrate, au pouvoir au sein de la grande coalition). Ces arguments "sont tellement insupportables qu'ils ne sauraient en aucun cas être pris en considération, même sous le point de vue d'une éventuelle interprétation du droit et de la loi", a fustigé sur le journal en ligne Spiegel le ministre de l'Intérieur de Bavière (sud), Günther Beckstein (CSU, parti frère de la CDU). La victime avait signalé, en mai, à la police que son mari, également d'origine marocaine, la battait régulièrement et avait menacé de la tuer. Elle avait déposé en octobre une demande de divorce immédiat, estimant qu'il était un danger pour elle, même si le couple était déjà séparé. Mais une juge du tribunal lui avait donné peu d'espoir que sa demande aboutisse, expliquant dans une lettre que, selon elle, la loi islamique permettait à un homme de battre sa femme. "Il n'est pas inhabituel que l'homme exerce son droit de punir sa femme" au sein des couples arabes, avait notamment écrit la magistrate, ajoutant que le couple s'était marié en 2001 "selon les lois islamiques". La juge citait, également, des versets du Coran qui, selon elle, donnaient à un homme le droit de s'estimer atteint dans son honneur si sa femme n'était pas chaste. Elle avait suggéré à la femme d'attendre le délai légal en Allemagne d'un an de séparation, en mai prochain, pour faire une demande de divorce.