La gouvernance économique de la zone euro, et plus largement de l'Union européenne, est appelée à connaître une profonde refonte au cours des prochains mois. Réunis à Madrid vendredi, les ministres des Finances de la zone euro ont demandé à la Commission européenne de leur faire des propositions au cours des prochaines semaines afin de réformer le pacte de stabilité et de croissance, d'améliorer la coordination économique et de mettre en place un mécanisme anti-crise permanent afin de tirer les leçons de l'épisode grec. Ils sont également convenus d'instaurer dès la prochaine réunion de l'Eurogroupe, mi-mai, un passage en revue de la compétitivité des pays utilisant la monnaie unique, à raison de deux Etats chaque mois. "Nous sommes tombés d'accord sur la nécessité qu'il y a de mettre en place - et on y travaillera - un mécanisme permanent de crise, parce que nous avons détecté des failles dans notre système de surveillance et dans notre arsenal de réaction", a déclaré le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. "Nous avons aussi eu une discussion préliminaire sur le renforcement de la surveillance budgétaire de la zone euro (...) Je soutiens avec 100% d'enthousiasme les propositions du commissaire Olli Rehn (sur un renforcement des règles budgétaires", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse. Il a ensuite souligné l'importance de mettre en place des règles plus strictes pour encadrer la dette publique. Les pays de la zone euro, qui ont vu leur dette exploser sous l'effet de la crise, ont dû se résoudre à envisager un mécanisme d'aide d'urgence à la Grèce afin d'endiguer tout risque de déstabilisation de l'euro. Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, a de son côté indiqué que le pacte de stabilité et de croissance européen devait être "renforcé" et qu'il ferait des propositions législatives en ce sens le 12 mai. "Il y a un besoin croissant de coordination économique dans l'Union européenne (...) Nous avons un droit d'initiative en la matière et nous l'utiliserons", a-t-il dit. "Les débats d'aujourd'hui me portent à l'optimisme". Le pacte fixe à 3% du PIB la limite des déficits publics d'un pays et à 60% le montant maximum de sa dette publique. Il dispose d'un volet préventif et d'un volet correctif, basé notamment sur la procédure de déficit excessif, qui concerne actuellement 20 Etats membres de l'UE sur 27. Ce pacte a été réformé en 2003 sous la pression de la France et de l'Allemagne, qui voulaient lui apporter plus de souplesse. Lors de cette conférence de presse, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a apporté son soutien à la démarche d'Olli Rehn et a indiqué que la BCE comptait participer "activement" aux travaux sur les nouvelles règles budgétaires européennes. Le troisième chantier consistera à instaurer un contrôle par les pairs des écarts de compétitivité des pays de la zone euro. "Nous allons nous consacrer avec plus d'énergie à l'examen et à la réduction des écarts de compétitivité que nous observons dans les Etats membres de la zone euro", a dit le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker. Deux pays seront étudiés lors de chaque réunion de l'Eurogroupe et un troisième sera chargé de faire des commentaires avant d'ouvrir le débat aux autres membres. L'Espagne, la Finlande, le Portugal et le Luxembourg ouvriront le bal. Réagissant à cette initiative, Jean-Claude Trichet a fait valoir que la question de la surveillance des grands équilibres mondiaux par les pairs au sein du G20 était "cruciale". "C'est une question qui est fondamentale (...) Au sein de la zone euro, c'est l'amélioration de la gouvernance au sein de la zone euro qui doit produire ce résultat, même si la zone euro elle-même est équilibrée de l'extérieur", a-t-il dit. Notons que la Banque centrale européenne a estimé dans son rapport mensuel publié jeudi que l'économie de la zone euro va croître à un rythme très modéré cette année, et la croissance reste soumise à de nombreux risques. La BCE prévoit une hausse d'à peine 0,8% du PIB (produit intérieur brut) en zone euro. "L'économie de la zone euro va progresser à un rythme modéré en 2010, dans un environnement incertain", écrit la BCE , confirmant une estimation antérieure. Jusqu'à présent, les seize pays de l'euro ont essentiellement profité d'une reprise de la demande mondiale, tirée par les pays émergents, notamment la Chine, qui a affiché une spectaculaire croissance de 11,9% au premier trimestre 2010. Le FMI tablait début avril sur une croissance de 0,8% également pour la zone euro. L'Europe "sort de la récession plus lentement que d'autres régions", a jugé le FMI, soulignant que certains éléments comme la crise budgétaire grecque freinent la reprise. La première économie du Vieux continent, l'Allemagne, devrait quant à elle bénéficier d'une croissance de 1,2% de son PIB en 2010, selon le FMI, et de 1,5% selon les prévisions des grands instituts d'études éonomiques allemands. Quant à la France, le gouvernement prévoit une hausse du PIB de 1,4% seulement pour 2010. R.I.