Il faut accorder une plus grande attention à la situation critique des enfants travaillant dans le secteur des pêches, selon les experts réunis par la FAO et l'Organisation internationale du travail (OIT) pour lever le voile sur ce problème souvent passé sous silence. "A l'échelle mondiale, 132 millions de filles et de garçons âgés de 5 à 14 ans travaillent dans l'agriculture; ce chiffre comprend également le secteur des pêches et de l'aquaculture", indique Rolf Willmann du Département des pêches et de l'aquaculture de la FAO. "Mais comme le travail des enfants dans les pêches est morcelé entre les entreprises artisanales et familiales - ou est habilement dissimulé par les employeurs - il est difficile d'obtenir des données objectives sur l'ampleur véritable du problème, ce qui complique la tâche de nombreux responsables politiques", souligne-t-il. Pour commencer à combler les lacunes d'information, la FAO, en coopération avec l'OIT, a convoqué récemment un atelier international d'experts pour échanger des expériences et définir des actions visant à combattre le travail des enfants dans les pêches. Les principales recommandations seront présentées par la FAO lors d'une grande conférence internationale sur le travail des enfants à La Haye les 10-11 mai. C'est la première fois qu'un atelier affronte le problème du travail des enfants dans le secteur des pêches de manière coordonnée à l'échelle mondiale. La pêche est sans doute une des activités professionnelles les plus dangereuses au monde, estime la FAO. Parmi les opérations employant des enfants figurent la pêche active, la préparation des repas en mer, la plongée pour capturer les poissons des récifs ou libérer des filets restés accrochés, le rassemblement du poisson dans les filets, l'épluchage des crevettes ou le nettoyage des poissons et des crabes, la réparation des filets, le tri, le débarquement, le transport des prises, la transformation et la vente. Les participants à l'atelier ont confirmé que le travail des enfants est le plus répandu dans les pêches artisanales. Selon un document présenté à l'atelier par le WorldFish Center, les enfants sont employés dans le secteur halieutique à divers titres, qu'il s'agisse d'aider leur père à nourrir la famille ou de servitude forcée. Dans le pire des cas, il peut s'agir de trafic d'enfants. Souvent, le risque pour les enfants va au-delà des dommages corporels. "Le travail des enfants perpétue fréquemment le cercle vicieux de la pauvreté, a un impact négatif sur les taux d'alphabétisation et la scolarisation et entrave le développement mental et physique des enfants", selon M. Willmann. L'atelier a recensé une série complexe de facteurs susceptibles d'exacerber le problème à l'image des inégalités sociales, le chômage, pauvreté et vulnérabilité, les cycles de travail saisonnier et modes de vie migratoires, l'instruction de piètre qualité ou peu pertinente, le manque d'accès à l'éducation pour des raisons géographiques ou financières, les faibles niveaux d'éducation parentale, les coutumes culturelles et l' absence de politiques et de législation sur le travail des enfants et manque d'application des lois. Les participants à l'atelier ont proposé un éventail de mesures à prendre aux niveaux international, national et local, notamment des actions juridiques et coercitives sur divers fronts, tels que l'éducation, le développement et le soutien des moyens d'existence, et l'amélioration de la collecte de données pour combler les lacunes d'information. "L'agriculture - pêches comprises - a beau compter la plus grande part d'enfants travailleurs au monde, les ressources allouées au problème sont comparativement extrêmement limitées", indique M. Seiffert. "L'attention s'est surtout concentrée sur les grandes industries et les filières internationales. Il faut s'activer de toute urgence pour garantir que les ressources affectées au travail des enfants dans l'agriculture soient en rapport avec l'ampleur du problème si nous voulons atteindre le but mondial d'abolition des pires formes de travail des enfants d'ici 2016", ajoute-t-il. Un rapport final complet de l'atelier et une publication technique conjointe OIT/FAO paraîtront en cours d'année. La plupart des experts conviennent que le travail des enfants dans les pêches est un problème diffus. Mais les données manquent et les statistiques regroupent souvent les pêches, la foresterie, l'agriculture et l'élevage. Tous ces secteurs confondus affichent le pourcentage le plus élevé d'enfants travailleurs, soit 70 pour cent du total mondial. Les présentations faites à l'atelier indiquent que le travail des enfants dans les pêches existe dans toutes les régions du monde, même si c'est en Afrique et en Asie qu'il est le plus problématique. Les participants ont partagé leurs connaissances et expériences acquises au Bangladesh, au Cambodge, en Egypte, au Salvador, au Ghana, en Inde, en Ouganda, au Sénégal et en Thaïlande.