L'industrie des gaz de schiste devrait bientôt susciter entre un et deux milliards d'investissements par année et créer 7500 emplois au Canada. Le Québec disposerait de réserves de gaz pour satisfaire ses besoins pendant "au moins 50 ans", dit M. Caillé. Il y aurait donc là un potentiel économique considérable. Des progrès techniques et une flambée des prix, c'est tout ce qu'il a fallu pour que la pénurie appréhendée de gaz naturel en Amérique du Nord s'évanouisse comme par enchantement. "Ça a commencé il y a 10 ans dans la région de Fort Worth, au Texas, dit André Caillé. À l'époque, aux États-Unis, on pensait qu'on n'avait plus de gaz, on s'apprêtait à construire une dizaine de terminaux méthaniers pour l'importer par bateau." Le progrès, c'est l'apparition du forage horizontal, à la fin des années 80, puis, en 2000, la fracturation des sédiments par injection d'eau et de sable pour extraire le gaz du schiste, une roche qu'on trouve un peu partout sur le continent. Une fois le forage initial terminé, une période d'essai permet de déterminer si le puits sera rentable. Par la suite, il est branché sur un gazoduc. La durée de l'exploitation peut être de 15 ou 20 ans. Dix ans et un demi-million de forages plus tard, la situation a radicalement changé. "On se rend compte qu'on a du gaz pour au moins 50 ans", dit M. Caillé. Ces forages ont eu lieu dans un contexte complètement déréglementé, soulignent les opposants au gaz de schiste. Les écologistes mettent en garde contre l'impact de l'exploitation des gaz de schiste sur l'environnement, en particulier sur l'eau. Pour récupérer le gaz emprisonné dans les schistes, il faut en effet une grande quantité d'eau, mélangée à du sable et à des produits chimiques. On craint que ce procédé ne contamine les eaux souterraines. On s'interroge aussi sur la capacité et le coût du traitement de l'eau contaminée qui ressort des puits de forage: le Québec se retrouvera-t-il avec des étangs de décontamination ressemblant à ceux des sables bitumineux albertains? Les populations locales et les écologistes réclament un moratoire sur les projets déjà en marche. La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, refuse cette demande, estimant que le Québec ne peut tout simplement pas manquer cette occasion de développer une nouvelle source de richesse collective. Elle promet pour l'automne un projet de loi qui encadrera l'industrie de façon serrée. Il y a dans ce dossier un dilemme important pour les Québécois. Même si le gaz naturel, au niveau de la production et de la consommation, émet moins de gaz à effet de serre que le pétrole, c'est tout de même une énergie moins propre que l'hydroélectricité et l'éolien Les opposants croient qu'il est plutôt temps de faire un virage. “Comme dans le cas des sables bitumineux, on est dans des cas extrêmes”, dit André Bélisle, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). “Ce qui était facilement accessible est épuisé. On est rendus à exploiter le pétrole au fond de la mer et le gaz à 1000 mètres de profondeur. Est-ce qu'on ne pourrait pas plutôt laisser de côté les énergies fossiles et investir dans les énergies propres ?”