Le Centre culturel français d'Alger, (CCF) organise aujourd'hui à partir de 17h, une conférence tout à fait curieuse sur La Rumeur. Sociologue à Paris VIII et au CNRS, spécialiste de la rumeur, Pascal Froissart a publié en 2002, aux éditions Belin : "La Rumeur. Histoire et fantasmes". C'est lui qui animera ce rendez-vous d'un phénomène mystérieux, presque magique. L'analyse du vocabulaire courant est révélatrice : la rumeur court, vole, rampe, serpente. Elle naît, disparaît, peut renaître à tout moment. On le voit, la rumeur apparaît comme un élément insaisissable, immaîtrisable !Dans un entretien publié dans un journal français, Pascal Froissart révèle que " ce qu'on sait des rumeurs, c'est que plus on les dément et plus on les diffuse. C'est une chose qu'on a pu mesurer sur l'affaire Adjani en 1987 et l'affaire Baudis en 2003. Maintenant, ça ne veut pas dire du tout qu'en ne faisant rien, la rumeur s'éteint d'elle-même, il n'y a pas de baguette magique, pas de recette définitive pour se battre contre la rumeur ". Ce qui est surprenant dans la réponse à la rumeur dont nous parlons, c'est qu'elle met en scène des acteurs que l'on n'a pas l'habitude de voir quand on fait de la politique à ce niveau-là de l'Etat. Généralement, que ce soit pour l'affaire Clearstream ou différentes affaires dans laquelle la Présidence a été mêlée ces derniers temps, c'est plutôt par des conseillers politiques que la contre-attaque s'est faite, dans des cadres légaux, judiciaires et pas du tout comme là, ça s'est fait, par la presse interposée, par un conseiller en communication qu'on avait jamais vu… Que Carla Bruni monte au créneau, c'est quand même épatant. Si c'est une affaire privée, il faut déposer plainte, et si c'est une affaire d'Etat, le Président doit monter au créneau. Entre les deux, on se demande un peu ce qu'elle fait là. Non pas que sa contre-attaque n'ait pas été efficace, je crois qu'elle l'a été, mais on lui demande de jouer un rôle étonnant. Cette contre-attaque est très étonnante. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas efficace, on pourra en juger dans quelques temps. Il est certain que, jusqu'à quelques jours, ça partait un petit peu dans tous les sens. Mais c'est ça qui est intéressant, c'est qu'on ne sait plus qui est à l'origine de quoi dans les contre-attaques. Ça dépasse largement le problème de la rumeur. On est dans l'événement médiatique, dans une surenchère, un déchaînement, un comportement assez irrationnel des acteurs. Intertitre : Les rumeurs vont bon train. De même que les rumeurs vont bon train, relayées, notamment, par le nouveau média qu'est Internet, les publications sur le phénomène se multiplient depuis les années 1990. À la suite d'historiens ou de sociologues, Pascal Froissart, qui est maître de conférence en science de la l'information et de la communication, s'empare du phénomène. Il décortique méticuleusement les différentes approches disciplinaires dont celui-ci a fait l'objet, et soulève la question : une science de la rumeur est-elle possible ?L'auteur s'attache tout d'abord à remonter le cours historique de l'apparition du phénomène, des traces relevées dans la littérature à l'avènement du concept, mis à jour par Stern en 1902 au sein de son laboratoire de psychologie expérimentale. Ainsi, le XXe siècle peut être considéré comme le siècle de la rumeur - de la " Rumeur d'Orléans " qui défraya la France des années 1960 et qui fut étudiée par Edgar Morin, à l'affaire plus récente de " l'avion du Pentagone ". Les rumeurs semblent suivre la courbe ascendante du développement des médias. La rumeur devient outil de communication, puis véritable arme de guerre.Pascal Froissart se livre ici à un véritable exercice épistémologique autour du phénomène de la rumeur. À le lire, l'impossibilité d'en faire un véritable objet d'étude scientifique tient notamment à la volatilité des caractères qui le définissent. Dans le même sens, il relève qu'existent autant de définitions de la rumeur qu'il y a de chercheurs ; chacun fondant la sienne sur l'intuition qui le guide, chacun étant issu d'un champ disciplinaire particulier, qu'il s'agisse de la psychologie ou de la psychanalyse, ou encore de la sociologie.Si nous pouvons gager que le " phénomène rumeur " continuera à faire couler de l'encre, Pascal Froissart conclut, quant à lui, que de savoir sur la rumeur, il n'y en a pas.