Gonzalo Higuain a crevé l'écran en réussissant un triplé contre la Corée du Sud (4-1), le premier du Mondial-2010, jeudi à Johannesburg, lui qui avait été malheureux et maladroit contre le Nigeria, lors du premier match de l'Argentine. Sa joie faisait plaisir à voir sur son premier but. Il s'est libéré en exploitant de la tête une déviation de Nicolas Burdisso sur une passe en profondeur de Maxi Rodriguez (32). L'Argentine prenait alors le large (2-0), et Higuain effaçait le souvenir de son match raté contre les Super Eagles et leur gardien Vincent Enyama en état de grâce. Puis il a enfoncé le clou. Sur son deuxième but (75), il n'a eu qu'à pousser au fond des filets une frappe de Messi repoussée par le poteau, avant de signer le coup du chapeau sur un nouveau but de la tête après un centre de "Kun" Agüero (80). "Je suis très content de mon match”, a-t-il dit, content pour les buts. “Mais j'ai concrétisé les occasions que se créait l'équipe." Il devient le meilleur buteur du Mondial, devant un autre Madrilène, l'Uruguayen Diego Forlan (de l'Atletico), auteur d'un doublé contre l'Afrique du Sud. Et il a signé le premier triplé en Coupe du monde depuis le Portugais Pauleta contre la Pologne, en 2002. Higuain avait déjà marqué beaucoup de buts cette saison au Real Madrid (27 en Liga), mais avait raté les grands rendez-vous, ne marquant pas lors des deux "Clasico" perdus contre le Barça et manquant plusieurs fois un éléphant dans un couloir quand le Real a chuté contre Lyon dès les 8e de finales de la C1. Associé en pointe à l'inamovible Carlos Tevez, "Pipita" avait gardé la confiance de Diego Maradona, son sélectionneur. Son surnom est un dérivé de celui de son père Jorge, ancien du Stade Brestois en France, où est né Gonzalo, qu'on appelait "Pipa", comme les graines de tournesol dont sont friands les Argentins. Il y a pourtant sur le banc des buteurs de la trempe d'Agüero, vainqueur de l'Europa League avec l'Atletico Madrid, Diego Milito, auteur d'un doublé en finale de la Ligue des champions avec l'Inter Milan ou le doyen Martin Palermo (36 ans), sauveur de la patrie en qualifications et protégé de Maradona. Il aurait pu marquer encore plus, sur un petit centre génial d'Angel Di Maria, mais Jung Sung-ryong a dû lui rappeler sur ce coup le cauchemar Enyama... Cependant, Higuain avait fait le bon geste (52). Il a aussi tenté un lob un peu gourmand (78) sur une contre-attaque. "Pipita" a aussi participé au jeu, offrant par exemple une bonne passe à Lionel Messi dans la profondeur, mais le N.10 albiceleste était contré (46), puis une passe trop longue au même, gâchant une contre-attaque (66). Il a le temps de s'améliorer encore, la grande forme pour un attaquant de l'Argentine est requise dans les derniers tours de la compétition... Du côté des Bleus, l'élimination de l'équipe de France du Mondial-2010, hypothèse désormais probable, ne serait pas une surprise au regard des failles constatées dans la gestion du groupe depuis deux ans et durant la phase de préparation. Le parcours des Bleus lors des éliminatoires du Mondial et notamment les défaites contre l'Autriche (3-1) ou les victoires étriquées face à la Lituanie et aux îles Féroé (1-0) étaient déjà une source d'inquiétude. Mais le paroxysme a été atteint avec le barrage retour en novembre face à l'Eire (1-1, a.p.) et la fameuse main de Thierry Henry, puis le naufrage en amical contre l'Espagne (2-0) le 3 mars. Ce soir-là, l'équipe de France avait touché du doigt tout ce qui la séparait du gotha international et les spectateurs du Stade de France, incrédules, avaient eu droit à des numéros de solistes (Ribéry, Anelka), au spectacle pathétique d'une légende à bout de souffle (Henry) et à des défenseurs aux abois. Un avant-goût de la Coupe du monde. Impuissant et sans solutions crédibles, Domenech a tenté un coup de bluff lors de la préparation en abandonnant son fameux schéma en 4-2-3-1 contre un 4-3-3 censé redonner un peu de vie et de couleurs au jeu des Bleus. Mais après trois matches amicaux sans relief, dont une humiliante défaite contre les modestes Chinois (1-0), le sélectionneur a pris tout le monde de court en décidant, à quelques heures de la première rencontre du Mondial contre l'Uruguay, de revenir à son système initial. Malouda, de retour en grâce à la faveur du stage pré-Coupe du monde, en a été la victime surprise alors qu'après une saison magnifique avec Chelsea, il semblait l'une des rares valeurs sûres des Bleus. Résultat: aucun but inscrit en deux matches et un adieu ferme et définitif aux promesses de beau jeu et d'orgie offensive. Domenech a tranché dans le vif avant la Coupe du monde en écartant Benzema et Nasri, symboles du conflit de génération qui avait miné le groupe durant l'Euro-2008. Il a également mis de côté le monument Vieira et ses 107 sélections, soldant définitivement un contentieux de deux ans avec son ancien capitaine (arrivé blessé à l'Euro, Vieira n'avait joué aucune rencontre et s'était permis de critiquer l'encadrement médical). Henry, meilleur buteur de l'histoire des Tricolores, a aussi été prié de cirer le banc de touche après sa saison délicate au FC Barcelone. Mais le sélectionneur a cédé aux caprices de ses vedettes une fois arrivé en Afrique du Sud, s'obstinant à faire d'Anelka ou de Ribéry des leaders et ne volant pas au secours du malheureux Gourcuff, de plus en plus perdu et isolé. Gallas, arrivé blessé au mollet gauche, a lui aussi eu droit à un passe-droit et a réussi à garder sa place de titulaire malgré un état physique limite. Le sélectionneur a souhaité reproduire la formule (presque) gagnante du Mondial-2006 en optant pour l'isolement le plus total au Pezula Resort, un hôtel cinq étoiles au bord de l'Océan Indien. Mais faute de leaders comme Zidane, Vieira, Barthez ou Sagnol pour cimenter le groupe, on a plutôt assisté au remake de l'Euro-2008 avec des joueurs repliés sur eux-mêmes et donc pétris d'effroi une fois le tournoi commencé. Les Bleus n'ont ainsi quasiment jamais quitté leur repère, hormis pour une visite au pas de charge dans un township, et se sont entraînés à l'abri des regards, protégés par un service de sécurité digne de Fort Knox.