Le tribunal correctionnel de Paris a annoncé vendredi qu'il se prononcerait le 5 octobre à 10H00 (08H00 GMT) sur le procès de Jérôme Kerviel, l'ancien trader de la banque française Société Générale poursuivi pour une perte de 4,9 milliards d'euros (6 milliards de dollars) début 2008. Les plaidoiries de la défense ont clos vendredi les audiences de trois semaines du procès, dans le cadre duquel 31 personnes ont été appelées à témoigner. L'avocat de M. Kerviel, Me Olivier Metzner, a réclamé la relaxe pour deux des infractions - l'abus de confiance et le faux et usage de faux. Il a plaidé coupable sur l'"introduction frauduleuse de données" dans un système de traitement automatisé. Pour la défense, M. Kerviel n'a pas détourné d'argent et l'ex- trader a seulement joué avec des limites, "de l'informel, de l'immatériel". La responsabilité des 4,9 milliards d'euros perdus incombe à la Société Générale (SocGen). Jeudi, le parquet a exigé cinq ans, dont quatre fermes, à l'encontre de Jérôme Kerviel, accusé d'être un "manipulateur", " tricheur" et "menteur", et d'avoir "causé un traumatisme planétaire". La SocGen a réclamé au tribunal correctionnel de Paris de condamner le jeune homme de 33 ans à lui payer 4,9 milliards d'euros (6,0 milliards de dollars) de dommages et intérêts. La banque française accuse Jérôme Kerviel d'avoir pris à son insu pour des dizaines de milliards d'euros de positions spéculatives sur les marchés financiers, alors que l'ex-trader a insisté que ses supérieurs hiérarchiques aient été au courant de ses opérations. Le procès de Jérôme Kerviel a confirmé les charges pesant sur l'ancien trader de la Société générale mais a fourni une image troublante des salles de marchés, univers peuplé d'hommes surmenés où les contrôles semblent faibles au regard de risques gigantesques en jeu. Pendant trois semaines d'audience, plusieurs acteurs du monde de la finance et des témoins extérieurs ont admis qu'il n'était pas possible d'exclure une nouvelle catastrophe de trading, et donc une potentielle explosion bancaire. "Tous coupables", a ainsi lancé à la barre l'universitaire parisienne Catherine Lubochinsky. Elle a estimé le 17 juin que les incidents de trading que les banques qualifient de "rogue" (dévoyé, considéré comme escroquerie) sont fréquemment cachés et arrangés par un départ à l'amiable des personnes concernées. "Au bout de quelques zéros, on ne fait plus vraiment la différence. Il peut y avoir tout d'un coup un excès de confiance, du même genre que celui du délinquant qui ne se fait pas prendre et va recommencer", a dit cette animatrice d'un master en finances à Paris, évoquant le taux de testostérone élevé des traders révélé par des études scientifiques. Le desk "Delta One", où travaillait Jérôme Kerviel, a en effet laissé une image inquiétante dans les témoignages. Eric Cordelle, ingénieur propulsé à sa tête en 2007, a avoué qu'il ne comprenait rien au jargon des traders qu'il était censé contrôler. On parle franglais, "forwards", "futures", on traite des "warrants" "turbo" ou finnois, on parle avec les "front, back et middle office", on fait un "put", on est "short", on est "market-maker" au contraire d'arbitragiste. Dans ce monde, des jeunes gens bien payés travaillent de l'aube à la nuit devant six écrans et avec un casque sur la tête pour passer leurs coups de téléphone. De temps en temps, ils lèvent les bras, poussent des cris de victoire. Ils se délassent par des parties de ping-pong mais ne prennent jamais de vacances, a dit Eric Cordelle. "Ça arrange bien tout le monde", a-t-il expliqué. Quand on se casse le nez par accident, comme c'est arrivé à l'un d'entre eux, on revient le lendemain au travail car "on ne peut pas faire autrement", a-t-il ajouté.