Indigènes de Rachid Bouchareb continue de titiller les politiques. Après avoir touché les plus hautes sphères françaises sur le sort des 130 000 Africains qui se sont battus pour la nation française et qui n'ont pas été reconnus, c'est au tour de la Grande-Bretagne d'être interpellée au sujet des pensions versées aux Gurkhas de l'armée britannique. La présentation de ce film, le 30 mars dernier, en Grande-Bretagne a été accompagnée d'un geste politique de la part de ce réalisateur qui a accompli, non seulement, une œuvre historique majeure, mais aussi pionnière. Rachid Bouchareb a, en fait, interpellé le Premier ministre Tony Blair au sujet des pensions versées aux Gurkhas de l'armée britannique. Dans une lettre publique au chef du gouvernement, publiée dans le quotidien The Guardian, le cinéaste a rappelé qu'en dépit de leur participation aux campagnes de l'armée britannique depuis 1815, ces soldats d'origine indienne, aujourd'hui citoyens népalais, ne reçoivent qu'un cinquième de la pension attribuée à leurs semblables britanniques. Avec l'appui de la British Gurkha Welfare Society, Rachid Bouchareb en a appelé à une modification de la loi pour réparer une injustice et donner à ces hommes “le respect d'une nation” et “la dignité qu'ils méritent”. Il faut dire que Indigènes qui a, particulièrement, titillé Jacques Chirac a décrispé la loi du 26 décembre 1959, portant gel des pensions de ces soldats africains. Ces pensions seront certes, revalorisées en 2002, mais seulement en fonction du coût de la vie des pays de résidence de ces anciens combattants. Mais encore, la sortie française en juin 2006 de Indigènes avait, véritablement, précipité les choses dans ce domaine. Jacques Chirac, la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, avaient décidé de dégeler cette loi, le 14 juillet 2006, une date symbole de la Fête nationale française. Indigènes serait encore une œuvre à la fois militante et historique puisque ayant levé le voile sur une partie de l'histoire encore méconnue. Déjà nommé à deux reprises avec Poussières de vie et Little Sénégal, Rachid Bouchareb était en lice pour l'Oscar du film étranger 2007 avec Indigènes à la 79e édition des Academy Awards de Hollywood. Financé à 90% par la France, Indigènes qui représentait l'Algérie à Los Angeles était en compétition avec Water de Deepa Mehta (Canada), After the Wedding de Susanne Bier (Danemark), Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro (Mexique) et La Vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck (Allemagne) qui a, finalement, été primé. Présenté comme film français lors de la 32e cérémonie des Césars en France, avec pas moins de neuf nominations tout comme Lady Chatterley de Pascale Ferran et Ne le dis à personne de Guillaume Canet, Indigènes a été récompensé du César du scénario que Rachid Bouchareb partage avec Olivier Lorelle. Avec près de 3 200 000 spectateurs en France, Indigènes est le sixième long métrage du cinéaste franco-algérien qui rend, à sa façon, hommage aux combattants d'Afrique qui ont participé à la libération de la France et affirme l'identité française des enfants de l'immigration. En compétition pour la Palme d'Or au dernier Festival de Cannes, le film s'est vu récompenser du prix d'Interprétation masculine décerné au collectif d'acteurs Jamel Debbouze, Samy Naceri, Sami Bouajila, Roschdy Zem et Bernard Blancan. L'histoire de ce film se place en 1943, en pleine guerre mondiale. La France décide alors d'enrôler des soldats africains dépêchés à partir de ses propres colonies, pour résister à l'Allemagne nazie. En Algérie, Saïd (Jamel Debbouze), bercé par des “ Vive la France ! ”, s'engage, laissant derrière lui, sa pauvre mère. Ailleurs Abdelkader (Sami Bouajila), Messaoud (Roschdy Zem) et Yassir (Sami Naceri), poussés par un patriotisme relativement désintéressé, ont quitté leur Maghreb natal pour les mêmes raisons. Leur épopée guerrière les conduira en Italie, en Provence, dans les Vosges et dans un petit village alsacien. Indigènes est le récit de quatre hommes qui avaient, en commun, leur “ indigénat ”, une confiance et un attachement sincères à leur “ mère patrie ”, la France.