Les inégalités de niveau de vie entre régions au sein d'un même pays constituent l'une des questions les plus complexes auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics. Et le problème concerne tous les pays. En effet, certains pays industrialisés n'ont toujours pas trouvé de solutions pour développer leurs régions, à la traîne économiquement. Selon un nouveau rapport de la Banque mondiale (BM) présenté le 15 juin à Dubaï (Émirats arabes unis) intitulé " Lieux pauvres, populations prospères : comment le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (Mena) peuvent surmonter les disparités spatiales ", la région Mena peut parvenir à élever le niveau de vie dans ses zones géographiquement défavorisées et les moins développées économiquement grâce à des choix politiques informés et pertinents et pas seulement en recourant à de lourds investissements. Devant un parterre de hauts fonctionnaires venus de toute la région, d'universitaires et de journalistes, la vice-présidente pour la région Mena de la BM, Mme Shamshad Akhtar, a présenté le rapport dans ces termes : "A la Banque mondiale, nous avons conscience de l'urgence que représente, pour les gouvernements du MENA, la question de la réduction des disparités spatiales dans les niveaux de vie. Nous entendons les préoccupations des ministères concernés à l'égard d'un certain nombre de régions telles que le nord et le sud du Liban, le nord-est de la Syrie, le nord-ouest de la Tunisie, le sud-ouest de l'Arabie saoudite et les montagnes de l'arrière-pays marocain". Par ailleurs, d'après la même source, le rapport en question commence par un constat simple, à savoir la concentration d'activités économiques dans certaines zones géographiques constitue un facteur puissant de croissance et de compétitivité. Lorsque les producteurs se regroupent à proximité de leurs consommateurs, ils peuvent plus facilement partager une main d'œuvre qualifiée et des fournisseurs et bénéficier d'un apprentissage mutuel. En effet, tous les pays qui tentent de s'opposer à ce phénomène d'agglomération économique s'exposent à un déclin de la croissance, de l'emploi et de la compétitivité. Mais l'agglomération économique n'implique pas nécessairement des inégalités spatiales. Par exemple, dans un pays comme la France, l'ensemble des niveaux de vie régionaux ont convergé, alors que dans le même temps l'activité économique se concentrait sur Paris et sa région. Sur ce, l'auteur principal du rapport en question et économiste en chef à la BM, M. Alex Kremer, a tenu à expliquer que "les décideurs politiques de la région peuvent surmonter les inégalités, parfois intolérables, dues aux désavantages géographiques, sans compromettre l'efficacité économique". "Ce que nous préconisons, c'est une analyse approfondie de chaque situation locale, et la mise en place d'un ensemble de politiques adaptées aux caractéristiques de chaque région en retard de développement. L'essentiel réside dans la pluralité et la spécificité des mesures. Ce sont les prescriptions générales qu'il faut éviter ", a-t-il estimé. En outre, il a relevé que le rapport met en question l'idée selon laquelle la région devrait dépenser des sommes colossales dans des mégaprojets et des subventions en faveur des zones les plus pauvres. Les solutions les plus pertinentes pour ces zones géographiquement désavantagées ne sont pas toujours celles qui semblent les plus évidentes de prime abord, note M. Kremer. Par ailleurs, le rapport a indiqué que les décideurs politiques doivent avoir une compréhension objective de la mesure dans laquelle le bien-être d'un ménage est affecté par son emplacement géographique. De manière générale, les disparités urbaines/rurales et interprovinciales ne sont pas plus importantes dans la région Mena que dans les autres régions en développement dans le monde. Comment préserver les fruits de l'agglomération économique. La question fondamentale à laquelle le rapport tente de répondre est "comment préserver les fruits de l'agglomération économique, tout en réduisant les différences de niveau de vie entre les différentes régions d'un même pays, comme la France a su le faire ?" Pour y répondre, le rapport propose trois trains de mesures pour l'action politique. En premier lieu, toute réponse politique doit assurer des conditions égales pour tous et investir dans le capital humain. L'histoire politique et coloniale de la région Mena, qui se caractérise par des bureaucraties centrales puissantes, des politiques économiques et fiscales centralisées et un faible degré de responsabilisation mutuelle, a conduit à un abandon général de certaines zones. Pour assurer des conditions d'accès au développement équitables, le défi consiste à surmonter les désavantages historiques des populations situées dans les zones périphériques. Le deuxième axe consiste à améliorer les liaisons entre les régions les plus riches et les zones économiquement défavorisées. Les zones les plus pauvres de la région Mena possèdent l'avantage de la proximité, puisque 61 % de leur population vit à trois heures de route ou moins d'un grand centre urbain. Il est donc possible de connecter ces zones défavorisées aux centres en investissant dans des secteurs clés tels que les transports, la facilitation des échanges ou encore les technologies de l'information et de la communication. Enfin, le rapport démontre que les gouvernements peuvent faciliter un développement groupé dans des zones au potentiel inexploité, non pas en apportant de grandes sommes d'argent ou de grandes infrastructures, mais plutôt en soutenant les acteurs locaux et en les aidant à coordonner leurs initiatives. Il s'agit ici de privilégier les partenariats public-privé, d'investir dans le capital humain et dans des infrastructures appropriées, et de comprendre quelles initiatives les territoires ont les moyens et l'intérêt de soutenir, plutôt que d'imposer certains investissements avec force subventions et allègements fiscaux. En résumé, le message central du rapport est que si la concentration d'activités économiques dans certaines zones est une condition inévitable de la croissance, les gouvernements ont en leur pouvoir la capacité d'atténuer les disparités spatiales, grâce à une analyse rigoureuse et des mesures politiques appropriées. Il s'agit d'une question de choix politique, et non d'une fatalité géographique.