Seul ouvrage qu'il a paraphé, "Nedjma " de Kateb Yacine sera le thème de la deuxième édition d'un séminaire international sur Kateb Yacine prévu entre le 26 et le 30 octobre prochain à Batna. "Nedjma ", chef- d'œuvre ? Certains considèrent cet ouvrage très lourd, complexe, imbriqué, comme un chef-d'œuvre de la littérature contemporaine. Mais qu'est ce qu'un chef-d'œuvre ? Si vous lisez Nedjma, le livre vous tombe des mains à cause de sa platitude, du manque du rythme, de cette recherche inlassable de l'identité à travers des personnages qu'on retient à peine, et qui ont des gros rapports entre eux, comme Nedjama, Si Mokhtar, Mourad, Rachid… et dans tout çà les Keblout un nom donné aux anciens habitants de l'Algérie et dont l'étymologie viendrait, selon le texte de Nedjma d'un mot turc, Hbel (corde). Des professionnels viendront donc disséquer cette œuvre, à l'occasion de ce colloque, que l'on a remit cette année ; car selon les organisateurs, le succès de l'an dernier était "considérable. C'est pour cette raison que nous avons décidé de la remettre", expliquent-ils. Selon le président de l'Association pour la promotion touristique et l'animation culturelle de la wilaya de Guelma, qui patronne l'organisation, cette rencontre littéraire sera parrainée par le ministère de la Culture qui en prendra en charge, partiellement, le financement. Intervenant sur le choix de "Nedjma", l'œuvre maîtresse de la création artistique de Kateb Yacine, Ali Abassi, président du comité d'organisation, a estimé que cette option procède du souci de "dévoiler d'avantage la richesse de cet ouvrage énigmatique", qui, selon lui, "recèle une densité linguistique, sentimentale et sémantique qui en font une œuvre révolutionnaire à plus d'un égard". Une tâche, a-t-il précisé, à laquelle s'attelleront des académiciens de différents pays, ayant confirmé leur participation à ce séminaire qui a attiré, d'ores et déjà, différents sponsors disposés à honorer l'enfant de la région de Aïn Gherour relevant de la commune de Hammam N'bails (Guelma). La présidence d'honneur du comité d'organisation de ce séminaire international autour de l'œuvre littéraire de Kateb Yacine, constitué de figures illustres, d'hommes de communication et de lettres, reviendra, selon les organisateurs, à une figure littéraire nationale dont le choix sera fixé ultérieurement. Nedjma, un livre chargé En lisant Nedjma, on pense à un écheveau. Kateb Yacine aurait sans doute mieux fait d'écrire plusieurs livres fluides au lieu d'accoucher d'une Nedjma où il s'attelle à chercher ses origines sur des branches d'arbres qui ne finissent pas. Kateb Yacine - qui n'était pas spécialement prolifique - a fait pratiquement une seule œuvre, " Nedjma" dans laquelle il a exprimé sa vision du colonialisme et celle des libertés individuelles et collectives. Le roman qui n'obéit aucunement à une écriture classique, du fait que la trame ne présente ni intrigue ni dénouement, est classé parmi le genre " Nouveau roman", une littérature en vogue vers les années 50, notamment avec Tristan Zara et André Breton. Dans son livre il s'agissait d'aller au-delà du récit lui-même pour explorer l'univers de l'écriture proprement dite. C'est-à-dire que le texte littéraire lui-même et à lui seul, a un sens sans recourir aux significations d'une trame avec des personnages vivant une histoire sur fond de bouleversement. Le livre qui est traduit dans plusieurs langues, est jusqu'à ce jour, enseigné aussi bien dans les universités étrangères qu'algériennes. Féministe, " le keblouti " s'est toujours rangé du côté des plus faibles. N'a-t-il pas dit à propos du livre de Yamina Mechkara, " La grotte éclatée " qu'il a préfacé, " Une femme qui écrit vaut son pesant d'or " ? Résolument révolutionnaire, l'auteur de "L'homme aux sandales de caoutchou", a fait savoir aux Français dans leur propre langue, le refus de tout un peuple pour l'asservissement et l'avilissement. Né le 6 août 1929, à Constantine, Kateb Yacine, a très tôt, évolué dans un univers poétique et musical de sa mère qui perd la raison, après les événements de mai 45, excellait dans cette littérature orale. Il en parle d'ailleurs, dans un petit chapitre de Nedjma. Nedjma tout simplement, femme patrie.