On évoquera beaucoup l'écrivain algérien ainsi que l'œuvre de Kateb Yacine lors du Salon international du livre, ouvert mardi dernier au Complexe olympique du 05-Juillet. Cela fait 21 ans depuis que l'iconoclaste Kablouti est décédé à Grenoble, l'événement du Salon du livre lui consacrera table ronde et discussion autour de l'écrivain qui s'est appliqué à souffler du neuf dans la littérature algérienne par le procédé du nouveau roman. Une écriture qui rompt avec un classicisme épuré et qui propose d'autres voix d'explorer le sens, celui de la forme.Hier d'ailleurs, au stand de Casbah éditions qui cette année a tous les honneurs puisque c'est son patron, Smail Ameziane qui est commissaire du Sila, une table ronde a été animée par Abdelaziz Boubakir, Omar Mokhtar Chaâlal, l'universitaire Smaïl Abdoun, Eugène Ebodé ainsi que l'écrivain algérien qu'on découvrira sans doute durant ce Sila, Mourad Djebel. Le comédien et homme de théâtre, Sid-Ahmed Agoumi a déclamé quelques textes de Kateb Yacine. Aujourd'hui, la compagnie El Gosto de Ziani Cherif Ayad qui a paraphé une pièce adaptée de l'œuvre de Kateb, Nedjma et sous le patronage du ministère de la Culture, rend hommage à Kateb Yacine à travers des représentations théâtrales, des conférences et des mises en espace. Il est curieux que Ziani Cherif Ayad qui au temps où il était patron en 2003 du TNA n'a programmé sa pièce qu'une seule fois (la générale) et qu'a présent il, on le découvre comme " un spécialiste" d'un écrivain qui demeure pour beaucoup assez émétique du fait que son oeuvre n'emprunte pas les chemins d'une narration conventionnelle, mais d'une création formelle. Difficile aux non initiés de la décrypter. Maintenant s'il s'agit de reprendre les slogans de " révolutionnaire " ou " iconoclaste " ou " grand écrivain " quand il s'agit de parler de lui, c'est mille fois éculé et c'est sans intérêt.Kateb Yacine, que certains considèrent comme un des écrivains fondateurs du roman algérien, -ce qui est faux parcequ'il y a bien avant Jean Amrouche, Apulée… - mourut un 28 octobre 1989 d'une leucémie foudroyante. L'auteur du livre-phare, "Nedjma" s'éteignit à l'âge de 60 ans. Ecrivain résolument tourné vers l'avenir, Kateb Yacine a pratiquement signé une seule œuvre, " Nedjma" dans laquelle il a exprimé sa vision du colonialisme et celle des libertés individuelles et collectives. Le roman qui n'obéit aucunement à une écriture classique, du fait que la trame ne présente ni intrigue ni dénouement, est classé parmi le genre " Nouveau roman", une littérature en vogue vers les années 50 ; notamment avec Tristan Zara et André Breton. Dans son livre, il s'agissait d'aller au-delà du récit lui-même pour explorer l'univers de l'écriture proprement dite. C'est-à-dire que le texte littéraire lui-même et à lui seul, a un sens sans recourir aux significations d'une trame avec des personnages vivant une histoire sur fond de bouleversement. Le livre qui est traduit dans plusieurs langues est jusqu'à ce jour enseigné aussi bien dans les universités étrangères qu'algériennes. Féministe, " le keblouti " s'est toujours rangé du côté des plus faibles. N'a-t-il pas dit à propos du livre de Yamina Mechkara, " La grotte éclatée " qu'il a préfacé, " Une femme qui écrit vaut son pesant d'or " ? Résolument révolutionnaire, l'auteur de "L'homme aux sandales de Caoutchouc", a fait savoir aux Français dans leur propre langue, le refus de tout un peuple pour l'asservissement et l'avilissement. Né le 6 août 1929, à Constantine, Kateb Yacine a très tôt évolué dans un univers poétique et musical, sa mère qui perd la raison après les événements de mai 45, excellait dans cette littérature orale. Entre 1934 et 1935, le jeune Kateb au nom prédestiné -littéralement écrivain- entre à l'école coranique de Sedrata puis à l'école française (à Lafayette Bougaâ en basse Kabylie, l'actuelle dans la wilaya de Sétif) où sa famille s'est installée, puis en 1941, comme interne, au collège Albertini (Sétif) devenu Kerouani après l'indépendance. Il se trouve en classe de troisième quand éclatent les manifestations du 8 mai 1945 auxquelles il participe et qui s'achèvent par le massacre de plus de 40.000 algériens par la police et l'armée françaises. Trois jours plus tard, il est arrêté et détenu durant deux mois. Exclu du lycée, traversant une période d'abattement, plongé dans Baudelaire et Lautréamont, son père l'envoie au lycée de Annaba (ex-Bône). C'est là qu'il vivra un total bouleversement avec la rencontre de " Nedjma " (l'étoile), une cousine déjà mariée avec laquelle il vécut " peut-être huit mois ", confiera-t-il dans son premier recueil de poèmes en 1946. Cette rencontre d'un amour impossible va lui servir de prétexte pour dire son amour d'abord pour l'Algérie, la métaphore de Nedjma ensuite pour cet amour déçu. En 1947 Kateb arrive à Paris, " dans la gueule du loup " et prononce en mai, à la Salle des Sociétés savantes, une conférence sur l'Emir Abdelkader, adhère au Parti communiste algérien. Au cours d'un deuxième voyage en France, il publie l'année suivante Nedjma ou le Poème ou le Couteau (" embryon de ce qui allait suivre ") dans la revue " Le Mercure de France ". Rebouh H.