Une femme de caractère à la tête du Brésil. Entre trois années passées en prison sous la dictature jusqu'à son investiture officielle dans deux mois, le chemin jusqu'au palais présidentiel a été long pour la première présidente du Brésil Dilma Rousseff, élue dimanche soir avec 56% des voix. Fonctionnaire de carrière n'ayant jamais eu de mandat électoral, Dilma Rousseff l'a emporté facilement au deuxième tour, devant le social-démocrate José Serra, grâce au soutien inconditionnel de son prédécesseur et mentor Luiz Inacio Lula da Silva, figure de la vie politique brésilienne depuis des décennies. Mais les difficultés attendent l'ancienne guérillera âgée de 62 ans, qui a promis de poursuivre le programme de Lula, un président charismatique, ancien leader syndicaliste, qui a réussi à hisser le Brésil à un niveau économique et politique inédit sur la scène internationale. Un défi dont la candidate du Parti des travailleurs (PT) a reconnu l'ampleur dimanche soir. "C'est une tâche difficile et ambitieuse de lui succéder, mais je saurai comment honorer cet héritage", a-t-elle assuré. Ancienne ministre de l'Energie de Lula puis chef de son cabinet, Dilma Rousseff a laissé parler son émotion à l'annonce des résultats. "La joie que je ressens avec la victoire aujourd'hui est mêlée à l'émotion de ses adieux. Je sais qu'un dirigeant comme Lula ne sera jamais loin de son peuple", a-t-elle déclaré la voix cassée. "Je pourrai toujours frapper à sa porte et je suis sûre qu'elle sera toujours ouverte". Portée par l'immense popularité du président sortant, Luiz Inacio Lula da Silva, la candidate du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir, a remporté le second tour de l'élection présidentielle avec 56% des voix contre 33% pour son adversaire, le candidat social-démocrate, José Serra. Par milliers, les partisans de Rousseff ont envahi les rues de Sao Paulo et de Brasilia pour manifester leur joie et célébrer la victoire. Dans son premier discours après la publication des résultats, la présidente élue de 62 ans, manifestement émue, s'est engagée à éradiquer la misère du pays d'ici à la fin de son mandat de quatre ans. Elle a également promis de ne pas toucher au budget consacré aux programmes sociaux et aux projets d'infrastructures. Elle a assuré que les Brésiliens ne toléreraient pas un gouvernement qui vivrait au dessus de ses moyens et qu'elle ferait tout pour accroître l'efficacité de la dépense publique. "J'ai reçu de la part de millions de Brésiliens ce qui est peut-être la plus importante mission de ma vie", a-t-elle déclaré, les larmes aux yeux, à une salle comble. Flanquée de son directeur de campagne et ancien ministre des Finances, Antonio Palocci, Rousseff s'est engagée à prolonger ce qu'elle a appelé "une nouvelle ère de prospérité" et à respecter les contrats existants, soulignant ainsi qu'elle n'avait aucune intention de rompre avec la politique menée par Lula. Rien ne prédisait pourtant Rousseff, dont le passé de guérilla lui a valu de passer près de trois ans en prison, à reprendre le flambeau de son prédécesseur et à devenir la première femme à présider la plus grande économie d'Amérique latine. Cette économiste et ancienne ministre de l'Energie ne s'était jamais présentée à une élection avant le scrutin présidentiel. "Je pense qu'elle va continuer le travail de Lula", estime Elizabete Gomes da Silva, employée d'une usine de Sao Paulo. "Il a gouverné pour les gens qui avaient le plus besoin de lui : les pauvres." Rousseff peut s'appuyer sur la longue liste de réussites qui ont ponctué les deux mandats de Lula : un taux de chômage de 6,2%, plus bas niveau de son histoire, plus de vingt millions de personnes sorties de la pauvreté depuis 2003 et l'émergence d'une classe moyenne qui compte désormais pour la moitié de la population dans un pays dont l'histoire est marquée par de profondes inégalités. Certains investisseurs redoutent cependant que Rousseff, qui n'a pas le charisme de Lula, ne mette pas en oeuvre les réformes économiques nécessaires ou qu'elle augmente le rôle de l'Etat dans certains secteurs de l'économie. Le ministre des Finances, Guido Mantega, a fait savoir dimanche que le gouvernement dévoilerait dans les prochaines semaines les mesures visant à garantir la croissance de l'économie "à un rythme soutenu". Dans un communiqué, le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, a félicité la présidente élue, estimant que sa victoire "témoignait de la reconnaissance du peuple brésilien pour le travail considérable qu'elle a accompli avec le président Lula pour faire du Brésil un pays moderne et plus juste".