Après une première montée en température l'été dernier au lendemain de l'embargo russe, le prix du blé a connu un nouvel accès de fièvre cette semaine, les marchés s'inquiétant maintenant d'une dégradation des conditions de cultures en Australie et aux Etats-Unis. A Chicago comme à Paris, les cours du blé ont atteint vendredi leur plus haut niveau en quatre mois. Et selon certains experts, la hausse n'est pas terminée. Elle pourrait même s'étendre à la récolte prochaine. Les prix du blé se sont envolés cette semaine à Chicago, retrouvant leur niveau du mois d'août en raison de conditions météorologiques défavorables aux Etats-Unis et en Australie, deux grands pays exportateurs. Vendredi vers 16H20 GMT (17H20 HEC), sur le Chicago Board of Trade, le boisseau (environ 25 kg) de blé pour livraison en mars s'échangeait à 7,75 dollars, contre 6,8725 dollars une semaine avant. Il a touché vendredi 7,78 dollars, son plus fort niveau depuis début août, au moment où les marchés agricoles paniquaient face à la sécheresse en Russie, Ukraine et Kazakhstan. Le marché a été "influencé par les inquiétudes concernant les conditions météorologiques, avec des pluies dans l'est de l'Australie et des conditions sèches qui affectent les blés d'hiver aux Etats-Unis", ont résumé les analystes de Barclays Capital. Les plaines du centre des Etats-Unis manquent d'eau, et les autorités agricoles jugent les cultures de blé du pays "bonnes" à "excellentes" à hauteur seulement de 47%, contre 63% il y a un an. A l'inverse en Australie, autre gros exportateur, les précipitations sont trop importantes et perturbent les moissons. "Les fortes précipitations retardent la moisson et renforcent les inquiétudes quant à de possibles pertes de production pour le quatrième exportateur mondial de blé", ont noté les analystes de Commerzbank. En août dernier, la Russie, troisième exportateur mondial en 2009, avait provoqué un premier vent de panique, assorti d'une belle envolée des cours, en annonçant qu'elle suspendait ses exportations jusqu'à la prochaine moisson, la canicule et les incendies de l'été ayant dévasté sa récolte. Après quelques mois de relative accalmie, les marchés s'affolent de nouveau aujourd'hui car la sécheresse menace les semis de blés d'hiver aux Etats-Unis et les pluies diluviennes la récolte de l'Australie, respectivement premier et cinquième exportateurs mondiaux, selon des opérateurs Aux Etats-Unis, le département de l'Agriculture (USDA) estime qu'à ce jour 47% des blés d'hiver semés à l'automne sont "bons" à "excellents" contre 63% il y a un an, un plus bas depuis 20 ans. En Australie, la moisson avance péniblement entre deux averses. Les analystes chiffrent à quatre ou cinq semaines le retard pris par la récolte dans l'est du pays. Et chaque jour qui passe dégrade un peu plus les caractéristiques d'un blé réputé pour ses qualités de meunerie. Les récoltes ont lieu en été dans l'hémisphère Nord et à l'automne dans l'hémisphère Sud. Or, après les piètres récoltes enregistrées au Nord, les importateurs comptaient justement sur la production australienne pour combler le déficit mondial en blés de qualité et stabiliser des prix qui avaient tendance à s'envoler à la moindre alerte climatique ou économique. Les incertitudes soulevées par la récolte australienne ont semé le désarroi chez les acheteurs internationaux qui se voient contraints de s'approvisionner de nouveau auprès des Etats-Unis ou de la France, les seuls à pouvoir encore alimenter le marché mondial, comme ils le font depuis le début de l'exercice commercial (1er juillet 2010). Mais la France a beaucoup exporté sur la première partie de la campagne (juillet à décembre 2010) et devra sans doute freiner ses ventes sur la seconde partie (janvier à juin 2011) au risque de déséquilibrer son bilan final. Selon les analystes, la France aura déjà contractualisé huit millions de tonnes de blé à l'exportation d'ici la fin du mois de décembre et devrait pouvoir boucler son objectif final de 11,5 Mt, un record, dès le printemps prochain. Quant aux Etats-Unis, premier exportateur mondial, ils ont déjà engagé 68% de leur potentiel exportable, récemment relevé à 34 millions de tonnes pour l'année, soit 10 millions de mieux qu'il y a un an. Outre ce souci d'approvisionnements à court et moyen termes, l'inquiétude des opérateurs porte également sur la prochaine récolte, celle de 2011/12, dont les semis effectués cet automne ont été réalisés dans des conditions loin d'être idéales. En Russie, le sol chauffé à blanc par la canicule de l'été a retardé la mise en place des semis lesquels se trouvent maintenant placés sous la menace de la vague de froid précoce qui touche actuellement le Nord et l'Est de l'Europe. Au Pakistan, à l'inverse, les semis ont été perturbés par les pires inondations qu'à connu le pays ces 80 dernières années. Enfin, aux Etats-Unis et en Chine, c'est la sécheresse persistante qui menace les cultures de ces deux producteurs majeurs.