Réévaluation continue des projets et rallongement des délais de réalisation pèsent lourdement sur l'aboutissement des projets inscrits dans les programmes publics de développement et par ricochet sur le Trésor public. Cela n'a pas semblé déranger tant que l'argent coulait à flots. Or, depuis la crise économique et financière de 2008 et 2009 et la baisse des cours du baril de pétrole, une prise de conscience s'est imposée de fait. Les ressources financières dont jouit notre pays dépendent des fluctuations des cours d'un seul produit, le pétrole bien entendu, et celles-ci ne sont pas éternelles. Il faut donc rationaliser les dépenses. Les pouvoirs publics ont, depuis, instruit tous les maîtres d'œuvre de faire en sorte d'imposer la célérité dans l'exécution des programmes de réalisation. On s'est d'abord attardé sur la nécessité de bien ficeler les études préalables au lancement de tout projet. Mais, la problématique semble plus profonde, vu qu'aujourd'hui ce sont toutes les procédures d'appel d'offres et de passation des marchés publics qui sont remises en cause. Les scandales de corruption ayant touché plusieurs donneurs d'ordre (de l'autoroute Est-Ouest à Sonatrach, passant par le métro d'Alger), ont mis au jour les carences du processus de passation des marchés publics, lequel a systématiquement favorisé les entreprises étrangères aux dépens des entreprises locales et de l'économie nationale. C'est, justement, dans cette optique que l'amendement du code des marchés publics a été opéré. Néanmoins, la problématique ne concerne pas uniquement le fait de favoriser l'un ou l'autre des opérateurs. Il semble nécessaire, aujourd'hui, d'aller à la racine de l'appel d'offres : l'élaboration du cahier des charges. La majorité des observateurs de la scène économique nationale s'accorde à dire que les cahiers des charges élaborés dans notre pays présentent de nombreuses lacunes. Les vides juridiques et les vices de procédures ouvrent ainsi la voie aux opérateurs bénéficiant de marchés de contourner les règles du jeux selon les interprétations qu'ils font des clauses mises en place. Le gouvernement a donc pris conscience de l'enjeu que représente cette question, puisque le ministre de l'Energie et des Mines, M. Youcef Yousfi, a indiqué, hier, en marge de la présentation du code d'éthique de la Sonelgaz, qu'il faut "impérativement prendre des précautions avant chaque rédaction d'un cahier des charges, afin de détecter toutes les possibilités de fraudes, en exigeant, dans le même sens, que la valeur de chaque équipement doit être connue avant sa commande". Allant plus loin dans ses exigences, le ministre a préconisé "la mise en place d'un comité qui sera chargé uniquement de contrôler l'élaboration et la rédaction des cahiers de charges". Au-delà de la prise de conscience, il faudrait aussi s'interroger sur les capacités en place afin de ficeler un cahier des charges. Le point de départ serait de savoir ce que l'on veut vraiment afin de l'obtenir, s'interroger sur les coûts, les normes, les délais. Aussi, et sur le plan juridique, lorsque l'on constate les failles que présente le corpus législatif algérien, il serait temps de se pencher sérieusement sur les capacité des procéduriers algériens à mettre un terme à toute ambiguïté.