La flambée des prix des céréales cet automne a été au cœur du débat organisé par la CIIA le 18 octobre. Si le directeur "Agriculture" de l'OMC a défendu la liberté des échanges pour œuvrer à la sécurité alimentaire dans le monde, le responsable des achats de blé du groupe Nutrixo a souligné les risques encourus, faute de transparence des marchés, par les entreprises agroalimentaires. La flambée des prix des céréales en 2007-2008 avait provoqué de multiples émeutes de la faim. L'année suivante, les chefs d'Etat du G20 ont émis à Pittsburg des recommandations pour faire face à une excessive volatilité des prix et améliorer la régulation, le fonctionnement et la transparence des marchés financiers comme de marchandises. Avec cette nouvelle flambée des prix, le président français a indiqué qu'il fait de cette question l'une des priorités de sa présidence du G20. Dans cette perspective, les ministères de l'agriculture, des affaires étrangères et l'Agence française de développement ont organisé un séminaire sur la volatilité des prix pour la sécurité alimentaire et le développement. Pour mettre en place des outils, il convient d'abord de savoir pourquoi et sur quoi agir. Il faut distinguer 3 éléments, à savoir les variations brutales des prix (à la hausse comme à la baisse) sont dues à une tension conjoncturelle entre l'offre et la demande aux multiples causes (offre saisonnière, demande en rapide croissance face à une offre qui exige du temps pour se concrétiser, catastrophes naturelles…). Ces variations de prix sont d'autant plus brutales que les stocks sont réduits alors que l'élasticité des prix est faible, comme c'est le cas des matières premières agricoles. La hausse brutale est d'autant plus inacceptable pour les consommateurs qu'ils observent rarement de baisse comparable. Elle est peu acceptée par les producteurs qui n'en profitent que marginalement et craignent une désorganisation de leurs marchés. Il s'agit également de la volatilité des prix qui s'observe à court terme sur les marchés avec en corolaire la notion de risques calculés par l'analyse statistique de données passées. Cette volatilité est mesurée par l'écart-type avec la tendance. Elle peut être accrue par la diffusion d'informations insuffisantes ou erronées. L'appréciation de son évolution dépend de la période de référence (elle s'est accrue au cours des deux dernières décennies mais pas depuis le dernier demi-siècle). Les producteurs peuvent la compenser par des outils de type assurantiels ou de couverture sur les marchés à terme. La qualification "excessive" de cette volatilité parce que trop coûteuse pour les producteurs découle uniquement d'un consensus sociopolitique. La réduction de la volatilité impose le recours à des outils de lissage qui impliquent des interventions interprofessionnelles et/ou publiques (réglementation des marchés physiques et financiers, fonds de régulation) à un niveau national, régional ou mondial, selon les caractéristiques des marchés et des opérateurs. Enfin l'incertitude sur l'évolution des prix s'apparente aux prévisions météorologiques annuelles. Cette incertitude est perçue comme synonyme d'une très forte volatilité, surtout avec l'interdépendance des marchés. Toutefois, la part de plus en plus grande dans les exportations de blé par les pays riverains de la mer Noire qui enregistrent des rendements très dépendants des conditions météorologiques erratiques pourrait rendre très aléatoire l'évolution du prix de cette céréale. L'outil de maîtrise par excellence de cette incertitude était déjà connu des pharaons avec la constitution de stocks stratégiques de réserve. Mais sur des marchés globalisés, la constitution de stocks stratégiques de réserve pose de nombreuses questions difficiles à résoudre en une seule réunion du G20 : quels produits (riz, blé, maïs…), quels volumes, quel financement, quel organisme de gestion… Une très forte volatilité s'apparente finalement à de l'incertitude. Elle décourage les investisseurs et ne peut intéresser que les spéculateurs. La réduction de la volatilité ou, du moins la transparence des conditions de formation des prix, est une condition nécessaire pour relancer l'investissement de production agricole et alimentaire. Elle ne sera cependant pas suffisante. Elle doit être accompagnée de politiques ambitieuses de développement pour répondre à terme simultanément aux besoins en énergies renouvelables et aux exigences de la sécurité alimentaire.