Mourad HAMDAN (consultant en management) "L'ampleur et souvent l'aspect spéculatif des transactions sur les terres observés ces derniers temps ont pris tout le monde par surprise", plaide la BM. Et d'ajouter: "Du coup les acquisitions se font souvent au détriment des populations locales, en particulier celles qui sont les plus vulnérables, sans leur apporter les compensations appropriées."
Prélèvement des hommes sur la masse végétale En seulement dix ans (de 1995 à 2005), le prélèvement des hommes sur la masse végétale pour manger, pour se chauffer, pour s'habiller ou pour construire a bondi de 20 à 25 %. En clair, cela signifie que pour chaque tonne de végétation terrestre produite, 250 kilos sont prélevés par le genre humain pour assouvir ses besoins. Cela devient préoccupant, d'autant plus que l'humanité s'est transformée en un goinfre insatiable. L'auteur de l'étude, Marc Imhoff (Institut Goddard, Nasa), prévient que dans un demi-siècle ce taux de prélèvement pourrait passer à 50 %, si tous les hommes se mettaient en tête de copier le régime ultra copieux des Américains. L'accélération brutale constatée par Imhoff au cours de cette dernière décennie n'a rien d'étonnant. Dans certaines régions du globe, comme en Inde, la population continue à grimper comme si de rien n'était, tandis qu'ailleurs c'est le niveau de vie qui augmente. Et puis il y a les zones où les deux phénomènes se cumulent, comme en Chine et même en Amérique du Nord. "Par le passé, nous avons toujours envisagé la population et la consommation comme deux questions indépendantes l'une de l'autre", explique Imhoff. "Mais, désormais, on assiste à une augmentation simultanée de la population et de la consommation par habitant. Or, la biosphère ne se soucie pas de savoir s'il existe beaucoup de personnes consommant peu, ou alors peu de gens consommant beaucoup. Ce qui compte, c'est le pourcentage global de nature consommée. Or, ce taux augmente !"
Consommation des ressources annuelles de la planète en neuf mois A partir du 21 août et jusqu'à la fin de l'année, les Terriens vivront à crédit sur les ressources de la planète. Chaque année, l'ONG Global Footprint Network (GFN) calcule le jour où la consommation de l'humanité en ressources naturelles a épuisé ce que la planète est capable de fournir en une année, de la filtration de l'eau douce à la fourniture de matières premières, y compris alimentaires. Pour l'année 2010, l'ONG a annoncé que l'"Earth Overshoot Day" - littéralement le "jour du dépassement" - a eu lieu le samedi 21 août. " Ce qui signifie qu'il aura fallu moins de neuf mois pour épuiser le budget écologique de l'année ", relève le président de GFN, Mathis Wackernagel. L'an passé, la limite avait été atteinte le 25 septembre, mais ce n'est pas parce que la consommation s'est emballée, souligne-t-il. C'est juste que cette année "on a révisé toutes nos données et on s'est rendu compte que jusqu'ici, on avait surestimé la productivité des forêts et des pâturages: en clair, on avait exagéré la capacité de la Terre à se régénérer et à absorber nos excès ". " On refait les calculs chaque année et on essaie de ne pas exagérer: si on ne sait pas ou si on a un doute, on prend les données les plus conservatoires ". "Nous ne pouvons plus continuer de consommer à crédit" GFN calcule ainsi les fournitures de services et de ressources par la nature et les compare à la consommation humaine et à ses rejets - déchets mais aussi émissions polluantes comme le CO2. " A la fin des années 1980, notre empreinte écologique était globalement équivalente à la taille de la terre. Aujourd'hui, c'est 50% de plus ", insiste l'ONG. " Si vous dépensez votre budget annuel en neuf mois, vous allez probablement être extrêmement inquiet : la situation n'est pas moins grave quand il s'agit de notre budget écologique ", reprend M. Wackernagel. " Le changement climatique, la perte de biodiversité, la déforestation, les pénuries d'eau et de nourriture sont autant de signes inquiétants qui prouvent que nous ne pouvons plus continuer à consommer à crédit". Pour inverser la tendance, il faut " arriver à ce que la population mondiale commence à décroître ", un tabou qui se lève peu à peu parmi les démographes et les défenseurs de l'environnement, y compris au sein des Nations unies. " Les gens pensent que ce serait terrible, pour nous ce serait en fait un avantage économique. Mais c'est un choix. On n'en veut pas encore ", assure Mathis Wackernagel.
Sécurité alimentaire Même avec une utilisation intensive de nouvelles technologies comme les modifications génétiques et les nanotechnologies, des centaines de millions de personnes pourraient souffrir de la faim dans 40 ans résultant d'une combinaison de facteurs dont le réchauffement climatique, la pénurie d'eau et l'augmentation des besoins alimentaires. Des scientifiques de nombreuses disciplines et de nombreux pays expliquent que très peu de terres cultivables sont aujourd'hui disponibles à l'échelle de la planète. Pour autant, le défi consistant à augmenter la production alimentaire de 70% dans les quarante prochaines années n'est pas insurmontable. Et cela même si aujourd'hui un homme sur sept n'a pas assez de protéines et d'énergie dans son alimentation. Des scientifiques de Rothamsted, le plus grand centre de recherche agricole du Royaume-Uni, estiment que le surcroît de dioxyde de carbone dans l'atmosphère et le réchauffement combinés avec l'utilisation de meilleurs engrais et produits chimiques pour protéger les terres fertiles devraient à la fois accroître les rendements et diminuer la consommation d'eau. Sans surprise, le problème crucial est celui des ressources en eau. Un groupe de scientifiques américains estime que nourrir 3 milliards de personnes en plus (la population mondiale en 2050 est estimée à 9 milliards d'être humains contre plus de 6 actuellement) pourrait nécessiter de doubler la consommation d'eau dans le monde.
Conclusion L'agriculture et la déforestation (20% des émissions mondiales de CO2) participent aujourd'hui activement aux émissions de gaz à effet de serre (GES), responsables des changements climatiques. Parallèlement ces changements, qui affectent en premier lieu les pays les plus déshérités, risquent de faire chuter considérablement leur production agricole. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les rendements de l'agriculture pluviale en Afrique australe pourraient chuter de 50% entre 2000 et 2020, les zones arides et semi-arides pourraient augmenter de 60 à 90 millions d'hectares supplémentaires avant 2080, et sans un changement important dans les politiques mises en œuvre, les émissions de GES provenant de l'agriculture pourrait augmenter de 40% d'ici 2030. " Bien que les exemples abondent quant à la capacité du secteur agricole à se doter d'une résilience plus forte face au changement climatique tout en réduisant son empreinte carbone, les mécanismes de financement font défaut. "Les fonds -- aussi bien ceux qui sont actuellement disponibles que ceux prévus -- sont largement insuffisants pour relever les défis du changement climatique et de la sécurité alimentaire que doit affronter l'agriculture ", affirme Peter Holmgren, directeur à la FAO de la Division de l'Environnement, du Changement Climatique et de la Bioénergie.