Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International, professeur d'Université, ancien conseiller et directeur d'Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1980-1990/1995-000/2006 D'où l'impossibilité d'abaisser l'offre car les pays producteurs sont tenus de respecter les contrats qui en principe sont non révisables au risque de pousser les pays producteurs à aller vers le marché libre. La troisième raison est la nouvelle donne depuis janvier 2009, la crise économique ayant provoqué des bouleversements sur l'évolution des prix avec comme conséquence principale une déconnexion prononcée entre les prix du gaz et les prix du pétrole, liée à la progression de production de gaz non conventionnel aux Etats-Unis et à la surabondance de l'offre de GNL. Et le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL ( les USA risquant à l'horizon 2020 de devenir exportateur net de gaz, le Department of Energy ayant revu à la baisse sa prévision de demande de GNL de plus de 60 % à l'horizon 2020; d'où le gel voire l'abandon de plusieurs projets de regazéification. va modifier la donne au plan mondial expliquant la baisse vertigineuse du prix du gaz sur le marché libre spot d'environ 40% depuis janvier 2009 ( fluctuant entre 4/5 dollars le MBU) qui risquent d'être rejoint par de nombreux pays comme la Chine, la Russie comme en témoigne l'initiative récente depuis janvier 2010 de la Russie de procéder au recyclage du gaz à partir du charbon en Sibérie - idem pour la Chine. -La mise sur le marché de capacités additionnelles de liquéfaction (57 Gm3) et de regazéification (260 Gm3) entre 2009 et 2013, ces surcapacités ne conduiront-ils pas à des taux d'utilisation très faibles des terminaux d'importation GNL avec comme résultat dans les prochaines années l'offre de GNL surpassant fortement la demande gazière globale, avec pour conséquence une pression accrue sur les prix , qui, selon Cedigaz ,dans son rapport de décembre 2009 devrait reculer , la mise sur le marché d'une offre disponible supérieure de 100 Gm3 ces deux dernières années, combinée à une forte réduction de la demande, rallongeant jusqu'à 2015-2016 la période actuelle de bulle gazière Mais un élément de taille, seuls les pays possédant beaucoup de réserves d'eau peuvent utiliser ces nouvelles techniques ce qui préfigure d'un bouleversement stratégique aux dépens des pays arides et semi arides comme l'Algérie et les pays du Moyen-orient. Comme cette nouvelle donne affaiblit les négociations des pays producteurs qui ont réalisé des contrats à moyen et long terme pour le gaz conventionnel. Face à cette situation, et en plus par la prise en compte de l'entrée croissante dans le marché du gaz de nombreux pays en Afrique et en Amérique latine concernant le gaz conventionnel, des accords récents entre le géant russe Gazprom et l'Espagne , la France sans compter les nombreux projets de canalisation à travers le monde notamment vers l'Asie et les Balkans, se pose alors tant pour les canalisations ( gaz naturel GN) que pour le gaz naturel liquéfié (GNL), la question de la place de Sonatrach dans cet échiquier stratégique mondial, de la rentabilité financière pour l'Algérie de la construction de deux GNL et des méthaniers , sans compter celles existantes qui nécessitent un renouvellement pour asseoir leurs rentabilités financières sachant que l'amortissement de l'investissement durant une conjoncture normale est de 10 ans minimum. Avec le prix actuel du gaz et certaines prévisions entre 2010/2015, il sera impossible de rentabiliser ces installations de GNL dans des délais raisonnables. Qu'en sera-t-il du projet gazoduc Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP) surtout sa rentabilité -devant relier le Nigeria à l'Europe- via l'Algérie , d'une longueur de 4.128 km, dont 1.037 km en territoire nigérian, 841 km au Niger et 2.310 km en Algérie, d' une capacité de 20 à 30 milliards de m3/an destinés en majorité au marché européen, où selon l'étude de faisabilité confiée à la société britannique Penspen/IPA le projet pour se matérialiser coûtera plus de 13 milliards de dollars contre une prévision au départ de 7 milliards de dollars ramené par la suite à 10 milliards de dollars qui au départ, sous réserve de la résolution de certains conflits frontaliers , devait permettre à l'Algérie de concurrencer Gazprom et la Norvège pour passer horizon 2015 à 15% de l'approvisionnement de l'Europe et surtout de la rentabilité des installations algériennes tant du gaz naturel ( par canalisation) que du gaz naturel liquéfié (GNL) alors que la rentabilité du GN doit être environ de 8/9 dollars et celle du GNL entre 11 et 14 dollars assistant à une déconnection du prix du gaz par rapport à celui du pétrole ? Et ce d'autant plus que les perspectives du prix de cession du marché du gaz restent incertains. En effet, lors de la conférence internationale tenue à Berlin le 21 mai 2010 ayant pour thème " "Dialogue énergétique: Russie-UE. Aspect gazier ", le président de GDF Suez Jean-François Cirelli, l'allemand E.ON Ruhrgas et le président de l'Union européenne de l'industrie du gaz naturel (Eurogas) Domenico Dispenza ont estimé que les accords à long terme sur la livraison de gaz à l'Europe doivent pouvoir subir des modifications compte tenu de la conjoncture économique et demandé à Gazprom de baisser le prix du gaz prévu par leur contrat à long terme ou de changer certaines clauses dans les contrats. Or, Gazprom, qui indexait jusqu'ici ses prix sur ceux du pétrole, a accepté de vendre une partie du gaz aux prix spot (à court terme) qui sont environ 25% inférieurs aux prix des contrats à long terme lors des dernières visites du président russe tant à Paris qu'à Madrid remettant donc en cause toutes les négociations de l'Algérie qui demande un relèvement des prix de cession du gaz à l'Espagne et à Gaz de France à juste titre puisque les prix sur les marchés organisés du gaz sont bas, comparés aux prix des contrats à long terme, indexés, eux, sur le prix du pétrole : moins de 4 dollars le million de BTU à New York, moins de 5 dollars au Royaume Uni, alors que le prix contractuel tourne autour de 11 dollars. Cette situation géostratégique influence sur le prix de cession du tenir compte bien entendu des fluctuations du dollar monnaie de référence, pour sa rentabilité , investissement fortement capitalistique et à maturité lente pouvant conduire à moyen terme si les perspectives de découvertes du gaz conventionnel et non conventionnel ( le seuil de rentabilité pour ce cas prévu étant de 8 /9 dollars) à des coûts bas ne se réalisent pas , à une crise énergétique mondiale en raison des freins à l'investissement. Ainsi s'impose un nouveau management stratégique du ministère de l'Energie et des Mines et des agences de régulation et surtout de prospectives stratégiques pour éviter des erreurs dans le choix des investissements, la responsabilité gouvernementale étant collective puisque tout choix d'investissement passe par le conseil national d'investissement présidé par le premier ministre et composé de plusieurs ministres, Sonatrach n'étant qu' une entreprise qui concrétise ces choix stratégiques . TROISIEME PARTIE SONATRACH A BESOIN D' UN NOUVEAU MANAGEMENT STRATEGIQUE Il s'agira impérativement donc d'évaluer l'impact de l'environnement socioéconomique et institutionnel (notamment bancaire) ainsi que des réformes prévues ou à envisager tenant compte de l'Accord de libre échange avec l'Europe applicable depuis le 01 septembre 2005 et son éventuelle adhésion à l'OMC. Pour cela il s'agira principalement d'analyser l'ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), les circuits banques primaire- banque centrale -Sonatrach pour les conditions de paiement afin d'accélérer la rapidité des opérations, évaluer les structures d'appui professionnelles existantes , les structures d'appui techniques et de formation, l'identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs - clé de succès pour une comparaison nécessaire de la stratégie internationale des grands groupes pétroliers et gaziers . Cela implique la prise en compte la comparaison des comptabilités- organisation, filialisation, les récents fusionnements , la concurrence des énergies substituables, de l'environnement avec des activités non polluantes en incluant donc de nouveaux coûts nécessaires tenant compte de cette nouvelle contrainte internationale, la part de marché des pays Opep et des pays non Opep , la spécificité régionale du gaz dont la part du marché en Europe du gaz algérien, (10% en 2010) et ses concurrents directs avec la Russie et la Norvège. Le nouveau management stratégique doit avant tout diagnostiquer l'impact de l'environnement national et international sur Sonatrach et l'appréciation des domaines où l'interface Sonatrach/ environnement peut être amélioré afin de rendre plus performant l'entreprise et la hisser au niveau de la concurrence mondiale. La description des opérations devrait permettre d'identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests)- volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie- standards et normes-sous-traitance et enfin le conventionnement et ce afin de réduire les couts et d'avoir une stratégie agressive afin de prendre de sparts marché tenant compte de la concurrence. Il est à rappeler que sur le plan strictement comptable, les immobilisations corporelles comprennent le terrain, les constructions, les installations techniques, matériel et outillage industriels, ainsi que les installations générales, agencements, matériels de transport, matériel de bureau et matériel informatique, mobiliers et emballages récupérables. Dans la comptabilité des sociétés, ne sont pris en compte que les biens dont l'entreprise est propriétaire, les biens corporels loués ne figurant pas à l'actif ce qui constitue une lacune importante que certaines entreprises internationales comblent en général pour ne pas avoir un bilan biaisé. Quant aux immobilisations incorporelles, elles comprennent les frais d'établissement, les frais de recherche et développement, les concessions et droits similaires, brevets, licences, marques, procédés ainsi que le droit au bail commercial .Ces immobilisations sont souvent traités d'une manière superficielle alors qu'elles sont déterminantes pour une entreprise comparable à Sonatrach ce qui renvoie d'ailleurs au nécessaire renouveau du plan comptable national. A court terme pour Sonatrach, il s'agit de préparer un audit opérationnel du patrimoine existant, en le réactualisant à la valeur du marché. Parallèlement un audit technologique et des moyens matériels (fixes et roulants) qui permettront de rentabiliser ce qui existe car le poste services (paiement des connaissances étrangères l'expert national pour le même travail étant rémunéré actuellement et cela n'est pas propre à Sonatrach parfois à dix fois moins que l'étranger) et l'immobilisation du parc roulant notamment au niveau de Naftal, sont inquiétants.